Peut-être comme jamais avant ce dernier tour des élections américaines, les évêques n'avaient autant pris la parole à propos du devoir des électeurs catholiques. Au point, par exemple, que le Père Thomas Euteneuer, président de Human Life International, les a publiquement remerciés d'enseigner les fidèles si courageusement.

La Conférence épiscopale a publié un guide sur la Formation des consciences des fidèles à la citoyenneté, pas moins de 50 évêques (pour certains observateurs, il y en a eu au moins 80), ont parlé à travers des déclarations, des articles et des vidéos diffusées par catholicvote.org et sur YouTube (cf. ci-dessous), pour exprimer clairement l'enseignement catholique. Toutes ces multiples interventions ont fait valoir que la vie et la famille sont les principaux critères de choix d'un candidat. Il est clair que de cette façon, le vote catholique pour Obama était problématique, le candidat élu soutenant la loi de 1973 en faveur de l'avortement et ayant lutté pour empêcher le président Bush d'interdire l'avortement par naissance partielle.

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Il est vrai aussi que des évêques libéraux ont trop parlé, et surtout pour critiquer la seule question (single issue) du vote, affirmant que les catholiques devaient prendre en considération toute une série de questions et pas seulement celle de l'avortement.
Certes, la ligne officielle de la Conférence des évêques a été de reprendre cet argument, mais en faisant référence à l'argument du mal intrinsèque — en d'autres termes, il y a certains actes qui sont mauvais en eux-mêmes. L'avortement ne peut être comparé, a-t-elle dit, à tout autre question politique, telle que la justice sociale, la lutte contre la pauvreté ou la paix, car il peut y avoir différentes voies de solution à ces problèmes et le jugement peut être fondé sur une évaluation prudente de la conscience. Mais la vie ne relève pas d'un pouvoir discrétionnaire de la conscience. Un mal intrinsèque est toujours un mal, et dans tous les cas.
Quel a été l'impact  de ces interventions épiscopales ? De l'avis de Tim Rutten du Los Angeles Times, le vote catholique est mort. Au sens où les évêques, en dépit de leurs nombreux efforts, n'ont pas été en mesure d'influencer les électeurs catholiques de manière significative. Une enquête de l'Université de Georgetown montre que seulement 18 % des catholiques suivent  l'enseignement de l'Église dans leur choix de société. Ainsi, les évêques parle au moins à ces 18%. Étant donné qu'il existe 67 millions de catholiques aux États-Unis, les évêques ont été entendus par près de 12 millions de personnes. Trop peu pour peser sur le résultats des élections. Or 55% des citoyens américains disent s'opposer à l'arrêt Roe vs Wade qui légalise l'avortement. C'est-à-dire que ce sujet fait l'objet d'une attention éthique qui va au-delà de l'appartenance religieuse. Sans aucun doute, les évêques ont contribué à cette prise de conscience, mais pas au point d'être suivis sur ce point fondamental : admettre que l'avortement est le critère essentiel pour décider comment voter.
Le vote des électeurs hispaniques a été un cas d'espèce. Ceux-ci représentent un tiers de tous les catholiques américains et plus de 50% des catholiques de moins de 40 ans. Ils ont tendance à être contre l'avortement, mais sans doute sont-ils plus sensibles à d'autres questions, par exemple les politiques en faveur d'une plus grande ouverture à l'immigration en provenance du Mexique et l'Amérique centrale.
Les évêques ont utilisé des arguments religieux (Mgr Robert Finn de Kansas City-St. Joseph a appelé les catholiques qui se préparaient à voter pour Obama à tenir compte de leur salut éternel) ou des arguments éthiques, mais le fait est que ces exigences n'ont pas été comprises politiquement. Or ce n'est pas aux évêques de le faire.
C'est le plus grand problème de ces élections : on ne peut pas échapper à la pertinence politique des principes  non-négociables , mais un moyen doit être trouvé pour les traduire non seulement en termes éthiques et religieux, mais aussi en termes politiques. Les catholiques américains ont cinq ans pour y penser. Mais ceci nous concerne aussi. Une voie possible est peut-être d'élargir la seule question de la vie — et le principe de base de l'illégitimité de l'avortement — à d'autres thèmes sociaux qui sont éclairés par le sens de la vie humaine. On ne pas nier cette priorité, mais il faut lui donner une plus grande efficacité politique.
 
*Stefano Fontana est directeur de l'Observatoire international Cardinal-Van-Thuân pour la doctrine sociale de l'Eglise.

 

 

 

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