Vanitas vanitatum, et omnia vanitas (Qo 1,2). Le principal mobile de l’action diplomatique et même militaire de Macron est la vanité – avec un zeste d’idéologie laquelle est aussi une forme de du narcissisme où l’esprit se renferme dans un système. Ce sont-là de mauvais conseillers.
L’affaire Sylvie Goulard avait montré combien la France de Macron avait peu d’amis en Europe. Une fois de plus, sur une affaire plus grave, elle s’est trouvée humiliée sur la scène internationale sans que la presse en ait parlé.
Contrairement aux rumeurs complaisamment colportées par les soutiens du pouvoir, Macron, avant comme après son élection, ne s’est jamais démarqué de la ligne politique folle qui inspire la politique française depuis 2011 : soutien aux djihadistes de Syrie en vue de renverser le président Bachar el-Assad. Quelques déclarations contradictoires ont pu donner le change mais, au fond, Macron, comme les néoconservateurs américains (Hillary Clinton en tête), n’a jamais digéré la défaite de l’OTAN en Syrie et, jusqu’au bout, a conservé, et conserve encore, l’espoir de renverser le sort des armes pour détruire le régime Assad.
Malheureusement pour lui, Trump avait, dans sa campagne électorale, déclaré son intention de retirer l’armée américaine du guêpier syrien. Plusieurs milliers d’Américains restaient dans l’Est du pays , dans le but d’en terminer avec les derniers réduits de Daech, qu’Obama faisait seulement mine de combattre.
Macron en visite à Washington en 2017 a exprimé son désaccord avec ce retrait. Il s’est même vanté d’avoir convaincu Trump de ne pas l’opérer, vantardise qui lui attira un démenti cinglant.
Retrait américain
Cela n’a pas empêché Macron de renforcer la présence française dans l’est de la Syrie avec le secret espoir d’y remplacer les Américains. A la mesure des capacités de notre pays : là où les Américains retiraient 1000 soldats, les Français en rajoutaient 100. Mais ils ont été dispersés sur le terrain ce qui fait qu’au lieu d’une base, ils seraient allés jusqu’à neuf.
Macron voulait sans doute poursuivre la politique américaine d’avant Trump (qui est encore préconisée par une partie de l’Etat profond) : maintenir hors du contrôle de de Damas, l’Est de la Syrie et ainsi empêcher une victoire complète de Bachar el-Assad et priver son gouvernement de l’accès aux abondantes ressources pétrolières qui se trouvent là, pourtant bien nécessaires à la reconstruction du pays.
Par derrière, sans doute un dessein plus grandiose que les Américains avaient aussi caressé mais qu’ils avaient abandonné : parrainer la création d’une entité politique kurde syrienne le long de la frontière Nord du pays. Projet envisageable dans la mesure où les Américains avaient armé et entraîné les Kurdes de la région , principale composante des« Forces démocratiques syriennes », utilisée par l’OTAN pour combattre Daech au sol.
Las, l’invasion turque de ces derniers jours met fin à ce rêve qui était celui des Kurdes mais aussi celui de Macron. Elle confirme que les Turcs ne laisseront jamais cette entité se constituer. Dans la mesure où les Etats-Unis et la Russie restent neutres (et ont peut-être donné le feu vert à l’opération), les Kurdes ont été obligés de se rapprocher de l’Armée arabe syrienne de Bachar el-Assad, seule à même de leur offrir une protection – d’autant plus efficace que cette armée, comme celle des Kurdes, se bat depuis neuf ans alors que l’armée turque ne s’est pour ainsi dire jamais battue. En échange de cette protection, les Kurdes ont, sous l’égide de Poutine, fait allégeance à l’Etat syrien.
Pris entre l’envahisseur turc et l’armée syrienne honnie, tous les deux très supérieurs en nombre, les Français ont plié bagages. Fin peu glorieuse d’une ingérence de neuf ans où la France a essayé de jouer un rôle sans proportion avec ses moyens.
A la rigueur, Macron aurait-il pu suivre le conseil de Jean-Luc Mélenchon, beaucoup plus compétent que lui en matière diplomatique : demander à nos forces de se joindre à la nouvelle coalition kurde-syrienne contre les Turcs. Cela seul aurait racheté bien des égarements.
Mais ce n’est pas le genre de ce psychorigide de changer de pied. Une fois de plus, la France se sera ridiculisée par sa faute, mais les Français n’en sauront rien.
Roland HUREAUX
Auteur de La France et l’OTAN en Syrie, le grand fourvoiement, Bernard Giovanangeli, 2019. Vous pouvez le commander en cliquant ici
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