Source [Atlantico] A l'occasion de son "itinérance mémorielle" Emmanuel Macron a été interpellé par un retraité qui a déclaré "Vous ne sentez pas le malaise qui monte en France ?".
Atlantico : Dans un contexte social et politique sensible, notamment en raison de l'émergence des gilets jaunes, ou encore de l'arrestation de personnes liées à ce qui est appelé "l'ultradroite" qui auraient projeté un attentat contre le président, comment évaluer cette "menace qui monte" en France ? Quel pourrait en être le scénario ?
Vincent Tournier : Le contexte actuel paraît en effet hautement explosif. Il est certes possible que le mouvement du 17-Novembre fasse un flop, mais celui-ci peuttrès bien prendre une ampleur inédite tant le malaise semble profond. Le terme de malaise n’est d’ailleurs pas le plus approprié. On a plutôt affaire à une accumulation de tensions, d’incompréhensions, de colères même, qui viennent se greffer sur un sentiment plus général d’abandon de la part des élites. On ne peut exclure qu’Emmanuel Macron soit conscient du problème : en tout cas, c’est ce que laissent entendre ses dernières déclarations à propos des soldats de la Première guerre mondiale puisqu’on a pu remarquer qu’il s’est attaché à louer la défense de la patrie et le combat pour la préservation des frontières, ce qui est nouveau chez quelqu’un qui dénonçait encore récemment la « lèpre nationaliste » et fustigeait ceux qui veulent « fermer les frontières », autant de caractéristiques qui ressemblent tout de même assez fortement à celles des Poilus de 14.
Quoiqu’il en soit, il n’est pas étonnant que la voiture soit le point de départ de la contestation qui s’annonce. La voiture a longtemps été un symbole de modernité et de liberté mais, aujourd’hui, les élites lui attribuent toutes les tares. Avec les radars automatiques, beaucoup d’honnêtes gens se voient transformés en délinquants, ce qui nourrit un sentiment d’injustice puisque, dans le même temps, on apprend que les gangs et les islamistes font régner leur loi dans certains quartiers (c’est ce qu’a dit Gérard Collomb) et que la police a pour consigne de ne pas engager de course-poursuites avec les délinquants.
L’automobiliste est devenu un ennemi du progrès, surtout s’il roule au diesel, rejoignant ainsi la liste de tous ceux qui font déjà l’objet d’une stigmatisation officielle : le mâle blanc, le Français de souche, le chrétien, l’occidental. La taxation du diesel est un sujet important parce qu’elle accrédite l’idée d’une trahison ; elle est une forme de rupture unilatérale de contrat. Non seulement l’Etat trahit ses engagements puisqu’il a longtemps promu le diesel, mais en plus il exprime ouvertement son mépris à l’égard des gens qui n’ont pas les moyens de changer de voiture ou qui n’ont pas le bus à leur disposition. La phrase de Benjamin Griveaux sur la proposition de Laurent Wauquiez d’instaurer un « ticket-carburant » (« Wauquiez, c'est le candidat des gars qui fument des clopes et qui roulent au diesel. Ça n'est pas la France du 21e siècle que nous voulons », le JDD du 28 octobre) a le mérite de dire franchement les choses : il y a ceux qui font partie de la France de demain et ceux qui n’en font pas partie.
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