Le grand duc Henri de Luxembourg annonce qu'il refuse de signer la loi légalisant l'euthanasie dans son pays. Ce refus constituerait une première, mais le souverain n'est pas seul dans son opposition.
A 53 ANS, le grand duc Henri, qui règne sur le Luxembourg depuis 2000, a provoqué un séisme politique en informant lundi les responsables parlementaires qu'il ne signerait pas la loi sur l'euthanasie pour des "raisons de conscience".
"Le grand duc Henri ne compte pas signer la loi sur l'euthanasie", qui ne "pourra donc pas entrer en vigueur", a annoncé la radio RTL-Luxembourg, sans citer de source. Jamais dans l'histoire du grand-duché, le souverain ne s'est opposé au vote des députés luxembourgeois.
La proposition de loi dépénalisant sous certaines conditions l'euthanasie doit être adoptée définitivement en deuxième et dernière lecture ce mois-ci. Le grand-duc doit ensuite la "sanctionner et la promulguer" par sa signature dans les trois mois.
Lors du vote en première lecture le 19 février, le texte avait été adopté à une courte majorité de 30 voix pour et 26 contre, ce qui constituait une défaite pour le parti chrétien-social du Premier ministre Jean-Claude Juncker, dont les députés avaient massivement voté contre.
Notre correspondant au Luxembourg nous précise que le texte dépénalisant l'euthanasie et le suicide assisté émane d'un député socialiste (Lydie Err) et d'un député vert (Jean Huss, qui est l'un des fondateurs de l'ADMD luxembourgeoise).
Crise constitutionnelle ou crise politique ?
Le Premier ministre s'est dit mardi en désaccord avec le refus du grand duc Henri de signer la loi légalisant l'euthanasie et a indiqué chercher une solution pour éviter une "crise constitutionnelle".
Pour M. Juncker, le refus du prince serait "très grave". Peu sensible au caractère objectif du mal euthanasique, le chrétien-démocrate a des problèmes , mais pas celui d'obéir à sa conscience : "Je comprends les problèmes de conscience du grand duc. Avec des nuances, j'ai les mêmes problèmes. Mais je suis d'avis que si la Chambre des députés vote une loi, elle doit pouvoir entrer en vigueur".
Au Luxembourg, la Constitution prévoit qu'une loi votée n'entre en vigueur que lorsqu'elle est non seulement "promulguée", mais "sanctionnée" par le souverain.
D'après le quotiden belge La Dernière Heure, la question d'une évolution vers une monarchie purement protocolaire, de type scandinave, se pose désormais au Luxembourg, confronté à sa première crise constitutionnelle depuis que la grande duchesse Marie-Adélaïde était sortie de sa neutralité politique en 1919 en prenant le parti de la droite catholique sur la question de l'enseignement. La princesse avait abdiqué, mais le maintien d'une monarchie constitutionnelle avait été confirmé par référendum. Depuis, rappelle le journal, aucun souverain grand-ducal ne s'était opposé à une décision du Parlement .
Rappelons qu'en 1990, le roi Baudouin 1er de Belgique avait affirmé que sa "conscience lui interdisait de sanctionner" une loi libéralisant l'avortement. Un compromis avait été trouvé. Le roi avait obtenu du gouvernement et du parlement le constat qu'il se trouvait dans "l'impossibilité de régner". La loi avait été promulguée sans la signature royale.
Un projet très critiqué
Mais le contexte luxembourgeois est différent. Les médias qui agitent le spectre d'une crise constitutionnelle n'évoquent pas le contenu du débat. Notre correspondant au Luxembourg nous précise que la proposition de loi dépénalisant l'euthanasie et le suicide assisté émane d'un député socialiste (Lydie Err) et d'un député vert (Jean Huss, qui est l'un des fondateurs de l'ADMD luxembourgeoise). Le texte a fait l'objet de nombreuses critiques de la part du Conseil d'Etat, qui joue un peu le rôle de Cour constitutionnelle. il n'est pas dit qu'au second vote, il y ait une majorité, même si les combines politiques en commission laissent prévoir un vote favorable.
Le corps médical luxembourgeois est, pour sa part, globalement hostile à la proposition Err-Huss. Il faut noter aussi que pour la première fois depuis longtemps, il y a eu une opposition populaire très forte, et très inhabituelle au Luxembourg, contre cette proposition et le premier vote de la Chambre en février 2008.
Enfin, éclairage sur la politique luxembourgeoise : le 7 juin prochain se tiendront les élections législatives et les élections européennes. il est probable que les partis de gouvernement (chrétiens-sociaux et socialistes) veulent avoir derrière eux cette affaire avant de se lancer dans la campagne 2009 et, ce qui importe aussi, d'établir les listes de candidats.
Dans cette perspective, la décision du grand duc n'est pas seulement celle d'un homme seul devant sa conscience. Le prince a pris une décision morale, mais aussi une décision politique : il a "sanctionné" une proposition de loi, en toute connaissance de cause.
Tout récemment, c'est le président de l'Uruguay, Tabare Vasquez, qui a opposé son veto à une loi libéralisant l'avortement (le Fil, 21 novembre). Honneur à ces chefs d'État qui obéissent à leur conscience, et qui prennent leur responsabilité.
Sources : Le Soir, La Dernière Heure, AFP ; au Luxembourg, Christian Descoups.
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