Le cirque de l'Europe

C’est dans une salle comble de 1600 personnes, au Cirque d'Hiver, que s’est déroulé jeudi 25 avril, à quelques minutes d’intervalle d’avec la conférence de presse d’Emmanuel Macron, un grand raout organisé par Valeurs actuelles  et les Eveilleurs, autour de 7 intervenants de poids et un thème de choix : "l’Europe, l’Europe", comme aurait dit le général de Gaulle.

Le premier face à face faisait s’opposer François –Xavier Bellamy et Jacques Attali. L’échange prit rapidement des airs de cours de philosophie, et l’on y découvrit des choses fracassantes, comme l’invention de la démocratie par la Grèce antique au 5ème siècle avant notre ère. Voilà ce qui s’appelle un scoop. Attali tenta de recentrer le débat en insistant sur les racines judéo-chrétiennes de l’Europe, donc antérieures à la Grèce antique pour ce qui est du judaïsme, puis servit à l’auditoire la tarte à la crème de l’apport inestimable de l’Islam à l’Europe. On notera l’habileté du candidat des Républicains à demander une bouteille d’eau précisément à cet instant. Il ne s’agissait surtout pas de lui répondre sur ce sujet épineux… L’on sait que l’islam est l’un des sujets d’esquive favori de François-Xavier Bellamy.

Le second débat fut plus pimenté, avec un Eric Zemmour en grande forme, attaquant avec délice un Bruno Le Maire blasé, bien obligé de reconnaître au bout d’un moment que le splendide système européen ne fonctionnait pas : comment travailler de 14h à 8h du matin sur une directive qui sera de toutes façons retoquée par une partie des Etats-membres...  d’où son plaidoyer pour l’instauration de la majorité qualifiée contre la majorité absolue, système certes paralysant, mais qui est l’un des derniers fragiles remparts contre davantage de fédéralisme. 

Puis vint Philippe de Villiers, brillant orateur lyrique, comme à son habitude. Seul au milieu de l’arène il n’eut aucun mal à conquérir l’auditoire, en insistant sur les fondements  gangrénés de l’Europe dès le traité de Rome, reprenant par là la thèse de son dernier ouvrage.

La soirée s’est conclue par une causerie entre Michel Houellebecq et son ami Duteurtre, venu l’assister dans un exercice qu’il goûte fort peu et qui le met mal à l’aise. Du coup, ses constats souvent très justes se sont perdus dans une présentation malheureusement hésitante et maladroite.  Le duo apporta sa touche finale à un euroscepticisme amplement décliné tous au long des échanges : l’Europe des traités est perdue, et cela s’impose avec la force de l’évidence. L’auditoire comme les intervenants partagent ce constat lucide ; la transcription dans les urnes est plus complexe pour ceux qui cherchent un minimum de cohérence entre le discours, les programmes, et les votes des formations politiques à Bruxelles et Strasbourg.

A l’issue du débat, la question demeure : pour qui voter le 26 mai ?