Depuis des siècles, la Chine est soumise à des cycles démographiques d’effondrement et de croissance d’une grande amplitude. Mais aujourd’hui, le système communiste leur donne une dimension dramatique : propagande et contrôle sont mis au service de l’asservissement de la population tandis que de graves problèmes démographiques s’accumulent.
Retrouvez l'intégralité de cet article dans le dernier numéro de la revue Liberté Politique, Démographie : une catastrophe annoncée, que vous pouvez commander en cliquant ici
L’histoire des populations n’échappe pas aux interventions politiques, a fortiori celle de la population chinoise, que ces interventions aient, dans la Chine impériale, constitué l’aboutissement du cycle récurrent famines-insurrections-guerres-révolutions ou soient dues à l’arbitraire contemporain, grand bond en avant et politique de l’enfant unique.
La Chine est, depuis le début de notre ère, l’état le plus peuplé du monde. La croissance de cette population a, cependant, été ponctuée d’effondrements répétés, dus aux renversements brutaux de dynastie (Tableau 1). Survient le geming, changement de mandat – traduction contemporaine : révolution – quand la dynastie régnante a perdu le mandat, (ming) dont le ciel, (tian) l’avait investie (tianming), les catastrophes naturelles étant interprétées comme autant de signes envoyés par le ciel pour annoncer ce geming.
Ces catastrophes, récurrentes, sécheresses, inondations, sont génératrices de famines, lesquelles engendrent de tout aussi récurrentes insurrections : le geming a lieu quand la dynastie régnante, minée par la corruption et les conflits internes – entre eunuques et lettrés à la fin des Han et des Ming – est entrée en phase B d’affaiblissement et s’avère incapable de contenir l’insurrection.
La population reprend sa croissance au cours des phases A des nouvelles dynasties consolidées, quand la bureaucratie impériale tient la Grande muraille, entretient le Grand canal, les digues du Fleuve jaune et les Greniers de famine.
Cette conjonction catastrophe naturelle, inondation ou sécheresse, famine, insurrection et dynastie régnante en phase B a été mesurée au moins à cinq reprises : en 600, 900, 1290, 1393 et 1650. La mesure de l’an 600 est consécutive aux quatre siècles de division qui ont suivi le renversement de la dynastie des Han par les Turbans jaunes, soit de 220 à l’instauration de celle des Sui en 581. La seconde, 900, est consécutive aux conflits internes de la fin de la dynastie des Tang, celle-ci suivie d’un interrègne de division jusqu’à l’instauration de la dynastie des Song (960-1272). La troisième, 1290, suit la chute des Song, renversés par les envahisseurs mongols, fondateurs de la dynastie des Yuan. Le quatrième, 1393, suit le renversement des Yuan par l’insurrection – suite à un cycle peste-famine – de la secte du Lotus blanc, dont est issue en 1364 la dynastie Ming. La cinquième mesure, 1650-1700, suit le renversement en 1644 des Ming, phase B dynastique, par les Mandchous, la violence de la conquête manchoue entraînant la disparition d’un quart, au moins, de la population chinoise : cent mille morts lors de la prise, en 1645, de la ville de Yangzhou, à l’extrémité sud du Grand canal.
La première grande période de croissance a lieu entre 1750 et 1850, elle ralentit au siècle suivant, longue phase B propice aux interventions étrangères, du Traité de Nankin de 1842 à l’établissement de la République populaire en 1949. Il s’agit d’un siècle instable de guerres : guerres de l’opium de 1842 et 1858 ; guerre franco-chinoise de 1885 ; de 1894-1895 contre les Japonais ; insurrections de sociétés secrètes, anti-mandchoues, secte du Petit couteau en 1853[1]-1855, des Nian de 1853 à 1868, des Taiping de 1853 à 1864, toutes trois déclenchées par un cycle inondations-famines particulièrement meurtrier. Celle des Taiping cause une trentaine de millions de morts. Enfin, siècle d’insurrections anti-étrangères, tel en 1901 à Pékin, le siège des Légations par les Boxers.
La révolution de 1911 ouvre presque un demi-siècle d’instabilité : guerres incessantes entre Seigneurs de la guerre de 1916 à 1928, expédition du nord, Beifa, lancée par Tchang-Kaï-chek en 1926 contre ces mêmes Seigneurs de la guerre, insurrections communistes de 1927, guerres de 1932 et 1937-1945 contre l’envahisseur japonais, guerres civiles, nationalistes contre communistes de 1927 à 1936 et de 1947 à 1949.
À partir de 1950, la croissance reprend, vigoureuse.
[1] 1853, l’ensablement du Grand canal interrompt la navigation en continu, elle ne sera jamais rétablie.
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