La justice contre le peuple

Source [Politique Magazine] La justice française fait corps avec Emmanuel Macron, consacrant les noces improbables et néfastes du judiciaire et de l’exécutif. C’est toute la Ve République qui, par ses mécanismes partisans, a permis de faire éclore cette alliance monstrueuse.

La prétendue séparation des trois pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire est une aimable fiction. L’actualité macronique le démontre à l’envi. C’est l’exécutif qui fabrique les lois, que les députés votent avec obéissance, quand l’exécutif n’imagine pas de se passer des parlementaires et en appelle à quelques citoyens archétypaux. Mais cette collusion exécutif/législatif, si elle met à mal la fiction du peuple souverain, n’est pas en soi un problème : elle révèle le fond d’autoritarisme de la Ve République et elle démontre qu’un bon « État de droit » peut être une démocrature.

Beaucoup plus problématique est l’alliance nouée entre le judiciaire et l’exécutif. Régis de Castelnau, spécialiste en droit public, vient de lui consacrer un livre, Une Justice politique, qui a plusieurs mérites et qui justifie qu’on s’y attarde longuement. L’alliance nouée est en fait l’étranglement progressif de l’exécutif par le judiciaire, tellement émancipé de la tutelle des politiques qu’il est désormais capable d’influer directement sur la politique française, comme en témoigne l’éradication de Fillon, tout en refusant que s’exerce le moindre contrôle sur son activité. Les juges vocifèrent pour augmenter une indépendance qu’ils ont déjà conquise (Houlette refusant de se soumettre à une autorité administrative en est l’effarante épiphanie) – mais qui ne sert en rien la justice.

Le pouvoir judiciaire s’est affranchi du pouvoir politique mais son indépendance est en fait l’installation d’un gouvernement judiciaire tyrannique où les juges mettent en place leur politique, au sens le plus partisan du terme, contre les structures politiques, c’est-à-dire contre le peuple. Parfois l’intérêt des juges va à l’encontre des politiques : Dupond-Moretti, garde des Sceaux, se voit donc contesté au motif que le judiciaire, qui se veut indépendant, aurait dû choisir son ministre (!), qui appartient à l’exécutif ; et ce bon Éric récolte au passage une enquête de la Cour de justice de la République pour « prises illégales d’intérêt ». Parfois l’agenda du pouvoir rencontre celui des juges : les ennemis politiques de Macron ont donc droit à un traitement ahurissant de rapidité hargneuse (dans l’attaque), de médiatisation illégale (aucune des plaintes pour violation du secret de l’instruction par des policiers ou des magistrats n’a abouti, pour le moment, si tant est qu’elles soient instruites) et de trompeuse immobilisation (les procédures dorment et sont opportunément et médiatiquement réactivées à chaque échéance électorale ou à chaque frémissement contraire de l’opinion). Régis de Castelnau détaille les exemples de Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Gérard Collomb. La première, comme on le sait, a été convoquée (en 2015, et l’affaire n’est pas finie…) par un juge désirant qu’elle soit expertisée psychiatriquement puisqu’en diffusant sur Twitter une photo d’un meurtre islamiste elle avait prétendument commis une infraction relevant… de la protection des mineurs ! L’article 706-47 concerne les psychopathes et les détraqués, donc Marine Le Pen. Un exemple entre autres d’un acharnement judiciaire qui fait « qu’il existait donc en Europe un pays où le premier parti d’opposition, après avoir vu la quasi-totalité de ses dirigeants mis en examen, se multiplier gardes à vue, perquisitions et auditions multiples, ses ressources légales être saisies, sa présidente convoquée pour une expertise psychiatrique judiciaire, voyait celle-ci être renvoyée devant les tribunaux pour un prétexte grotesque. » C’est la France de Hollande et Macron.

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