[Source : Figaro Vox]
FIGAROVOX/TRIBUNE - Avec plus de 44% des voix au premier tour de la primaire, François Fillon a terrassé ses adversaires. Pour Maxime Tandonnet, avec sa posture gaullienne, le Sarthois a réussi un exploit sans équivalent historique dans l'histoire récente de la droite.
La victoire écrasante de François Fillon au premier tour des élections primaires de la droite et du centre, dans le contexte d'une mobilisation historique de l'électorat, constitue un séisme politique, comparable à ceux qui émaillent la vie démocratique dans le monde occidental depuis quelques années: «non» français et néerlandais au référendum sur la Constitution européenne en mai 2005, référendum sur le Brexit en juin dernier, victoire de Donald Trump aux États-Unis. Que s'est-il passé? Deux semaines auparavant, personne n'imaginait un tel scénario, la totalité des sondages donnant Fillon bien loin derrière le duo de tête Juppé-Sarkozy. En quinze jours, l'ancien Premier ministre de 2007 à 2012 a pris 30 points. Y a-t-il, dans l'histoire de la démocratie française, un basculement aussi spectaculaire et massif?
C'est un phénomène qui relève de la psychologie collective.
Il serait trompeur d'y voir la prise de conscience soudaine par les Français du programme de François Fillon, connu depuis un an. Non, c'est autre chose, un phénomène qui relève de la psychologie collective. Comme aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, un mouvement de révolte du corps électoral, vient de se produire. Les Français se sont rebellés contre la loi des médias et des sondages, obstinés à leur vendre un scénario, celui de la victoire d'Alain Juppé, candidat de l'apaisement, contre Nicolas Sarkozy l'homme du clivage. Le peuple a voulu démentir un certain matraquage en plébiscitant massivement une troisième option. La notion même de primaires de la droite et du centre s'est trouvée dépassée. Les Français, probablement de différentes sensibilités, ont utilisé cette occasion pour exprimer leur colère. Ce résultat est avant tout celui d'une révolte populaire contre les élites politiques et médiatiques, une réponse de la nation au sentiment qu'une caste médiatisée veut lui imposer sa manière de voir, de penser et de voter.
Ce résultat est celui d'une révolte populaire contre les élites politiques et médiatiques.
La victoire de Fillon procède d'un instinct, d'une sensibilité qui a rejailli soudain comme un éclair. Elle n'est pas née du néant. Il faut se souvenir que l'ex-Premier ministre de Nicolas Sarkozy fut franchement populaire dans les années 2007 et 2012. Sa cote dépassait constamment de 10 points celle du chef de l'État. Certains y voyaient un dérèglement des institutions, une Ve République où d'ordinaire, le Président de la République est plus populaire que son chef de gouvernement. La bataille contre Jean-François Copé pour la conquête de l'UMP en 2012 avait brouillé l'image du député de Paris. C'est cette popularité qui a resurgi soudainement le 20 novembre 2016.
En plébiscitant François Fillon, les Français enterrent la notion «d'hyper présidence».
L'événement est de taille. En plébiscitant François Fillon, les Français sont en train d'enterrer la notion «d'hyper présidence». Ils rejettent l'image du narcissisme présidentiel, un chef de l'État qui, depuis une quinzaine d'années, prétend incarner à lui seul le pouvoir politique, omniprésent dans les médias, communicant suprême de la République. Ils refusent le culte de la personnalité, la présidence bavarde qui noie les échecs et l'impuissance dans la logorrhée et les postures.
La personnalité de François Fillon est essentielle pour comprendre le séisme.
En effet, la personnalité de François Fillon est essentielle pour comprendre le séisme en cours. Son personnage donne une image de simplicité, de discrétion, voire d'un tempérament silencieux, peu porté sur l'esbroufe. D'où l'impact considérable des trois débats télévisés qui coïncident avec sa montée en puissance. Après des années de gesticulation et de fanfaronnade, les Français ont manifesté leur soif d'accalmie élyséenne, de travail sérieux et collectif pour diriger la politique française. Contre la parole débridée et impuissante, ils ont exprimé l'espoir de l'action efficace. Contre la politique spectacle, ils ont fait le choix d'une certaine image de sobriété et d'autorité modeste que Fillon a su imposer.
Quelques années après les affaires DSK et Cahuzac, ce vertigineux basculement en faveur de l'ex-Premier ministre qui n'a jamais été confronté à la justice, marque une volonté assainissement de la vie publique.
François Fillon a trouvé un style gaullien.
En cette période tragique pour le pays, ensanglanté par le terrorisme, dévasté par les six millions de chômeurs, la vertigineuse montée du communautarisme, le déclin industriel, un contexte international tourmenté, François Fillon a trouvé un style gaullien, des paroles qui rassurent et inspirent la confiance. Il s'est exprimé sans ambages en faveur du dialogue avec Moscou et de la priorité absolue à la lutte contre Daech au Moyen-Orient. Sur ce point, il s'est radicalement différencié de l'idéologie «politiquement correcte» portée par la plupart de ses adversaires.
Mais surtout, les Français électeurs de la primaire ont été convaincus par son engagement répété en faveur des chrétiens d'Orient victimes d'un génocide. Par ces mots, il a su toucher au cœur de la France, de ses valeurs, de l'une de ses traditions les plus profondément ancrées dans son histoire. Tout en évitant le discours identitaire et le danger d'exacerber les déchirures de la société française, son appel répété et insistant en faveur des minorités chrétiennes persécutées dans le monde a eu probablement pour effet de mobiliser en sa faveur l'électorat chrétien de France. Et cela, personne ne l'avait vu venir...