Ceux qui attendaient les clichés de la rhétorique habituelle des catholiques adultes sur la décroissance, sur le romantisme environnementaliste, sur la révolte anti-capitaliste, fascinés par l'anti-occidentalisme, ont dû être très déçus par Caritas in veritate.

Dix-huit ans après Centesimus annus de Jean-Paul II, la première encyclique sociale de Benoît XVI a dissipé bien des doutes et des ambiguïtés sur l'écologisme, le tiers-mondisme, l'idéologie altermondialiste comme issue au développement, la troisième voie entre le capitalisme et le socialisme, la théologie de la libération, etc.

Bien que ne mentionnant pas le mot capitalisme , l'encyclique propose un projet social et culturel de dépassement de la logique utilitariste en faveur d'une révolution anthropologique où le développement est décrit comme un appel (vocation) à promouvoir le bien commun dans le dessein de Dieu .

Accueil de la vie et développement

De nombreuses nouveautés. La première concerne l'importance des questions de bioéthique, qui pour la première fois dans une encyclique sociale occupe une place explicite et substantielle à propos du développement. Dans Caritas in veritate (cf. les n. 28, 44 et 75) la question anthropologique devient la véritable question sociale . Contrôle des naissances, avortement, stérilisation, euthanasie, eugénisme et manipulations génétiques sont sévèrement critiqués, non seulement pour leur immoralité intrinsèque, mais surtout pour leur pouvoir de dissolution du tissu social, d'érosion du sens de la loi, de corruption de la famille et l'accueil des plus faibles, tout ce qui rend difficile la croissance de la vertu et de l'économie. L'encyclique explique que pour ne pas compromettre le développement de l'économie et de la société, on ne peut plus lancer des programmes de développement de type utilitariste qui, systématiquement, ne prennent pas en compte la dignité de la femme, de la procréation, de la famille et des droits de l'homme dès leur conception.
Pour beaucoup, il semblera évident que le pape Benoît XVI s'attaque à nouveau aux enjeux de la bioéthique. En réalité, ces questions sont d'une grande importance dans l'Église catholique de l'après-Vatican II. Depuis plusieurs décennies, le monde catholique semble divisé entre ceux qui se consacrent aux œuvres de charité et ceux qui s'investissent sur les questions de bioéthique, comme la défense de la vie et la famille. Avec leur simplification excessive, les médias ont prétendu que les personnes engagées dans des œuvres d'assistance sont progressivement devenues des conservateurs qui se battent pour la vie naissante.
Le problème est tellement présent que le 25 mai, le cardinal Angelo Bagnasco est revenu sur la question, au cours de la conférence inaugurale de la 59e Assemblée générale de la Conférence épiscopale italienne (CEI) : Il n'y a pas lieu de se concentrer sur le seul terrain de la charité, où l'on rencontre facilement un consensus, plutôt que dans la bataille de la bioéthique. Il a expliqué qu'il n'y a pas de conflit entre les œuvres de charité et l'affirmation des principes de la doctrine, en réaffirmant la vérité chrétienne selon laquelle il n'y a pas de contradiction entre le service des personnes les plus exposées à la pauvreté et l'appel aux dirigeants d'une démocratie respectueuse de la fin de la vie de ne pas autoriser la privation d'eau et de nourriture vitales à ceux qui sont dans un état végétatif .
L'encyclique Caritas in veritate affirme clairement qu'il n'y a pas de charité sans vérité et que la vérité ne resplendit que dans l'amour. Le pape souligne que sans la vérité, la charité est exclue des projets et des processus de construction du développement humain de dimension universelle, dans le dialogue entre les connaissances et leur mise en œuvre .

Les nouvelles frontières de l'écologie

Un autre nouveau thème est l'environnement. Les questions relatives à l'écologie sont abordées franchement dans l'encyclique, où l'écologie humaine est opposée à l'idéologie connue sous le nom d'écologie environnementale. On lit dans Caritas in veritate qu'il est contraire au véritable développement de considérer la nature comme plus importante que la personne humaine. Cette position conduit à des attitudes néo-païennes ou liées à un nouveau panthéisme. Le salut de l'homme ne peut pas dériver de la nature seule, comprise au sens purement naturaliste .
Dans le chapitre qui traite de la crise alimentaire mondiale, le pape écrit qu' il serait utile de considérer les nouvelles frontières qui sont ouvertes par l'usage correct des techniques de production agricole aussi bien traditionnelles et qu'innovantes, à condition que ces dernières, ayant été étudiées attentivement, soient reconnues conforme au respect de l'environnement et au besoin des populations les plus défavorisées , un concept que les analystes verront comme une ouverture, aussi prudente que discrète, du pape Benoît XVI aux nouvelles biotechnologies. Bien que le mot le plus utilisé par le pape Jean Paul II soit solidarité , pour Benoît XVI, dans son encyclique sociale, le mot-clé est celui de fraternité , présentée comme un paradigme culturel et anthropologique. Seule la fraternité peut guider une révolution sociale purifiée par la vérité et l'amour, et ordonnée au développement du bien commun. Une révolution de l'amour dans la vérité, dont, selon le pape, Jésus-Christ est la principale force motrice pour le développement réel de chaque personne et de toute l'humanité.
*Antonio Gaspari est journaliste, membre du l' European Center of Population, Environment and Development Studies (CESPAS, Milan).

 

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