[Source : Boulevard Voltaire]

Si le perfectionniste aime la perfection, l’anarchiste l’anarchie, l’idéaliste l’idéal, la féministe n’aime pas la femme. Elle ne veut que la changer.

Il y avait autrefois ce que l’on appelait Le Journal des Demoiselles : on y trouvait des articles, une mode corsetés et boutonnés jusqu’en haut.

Eh bien, mes chéris, rien n’a changé. Ou presque. La presse féminine ne paraît plus sur du papier glacé mais sur Internet, le titre s’est mué en madmoiZelle.com et la pudibonderie s’est simplement déplacée. Oh, très peu, d’environ 20 centimètres : du sexe, elle a glissé à la maternité. Cachez (toujours) ce sein que je ne saurais voir. Le sein nourricier.

Un clip mettant poétiquement en scène Natalie Portman, dans la pénombre, alors qu’elle est enceinte et sur le point d’accoucher, a fait défaillir certaines. Shocking! On voit les légères ondulations que provoquent les mouvements du bébé. Apportez-moi mes sels.

« Le clip avec Natalie Portman enceinte jusqu’aux yeux a horrifié (sic) la moitié de la rédac », rapporte madmoiZelle.com, parlant de « dégoût » et de « plan sur la peau distendue de la mère où l’enfant commence à gigoter » qui ne serait « pas fait pour les yeux de tou.tes ».

Pour cette presse féminine, le ventre d’une femme enceinte est donc horrible et dégoûtant. Beurk.

Sous le hashtag spirituel #badmoizelle, certaines lectrices ont réagi. La polémique enflant, la rédaction a barré son premier article, reconnaissant avoir « fait une erreur »… et l’a remplacé aussi sec par un texte du même acabit, dénonçant une présentation de la femme enceinte comme un « écrin de la vie ».

Qui aime les femmes les aime tout entières, avec tout ce qui les caractérise. Notamment ce qu’elles ont le privilège de posséder seules, en exclusivité, et constitue donc leur supériorité : la maternité. Les féministes revanchardes qui peuplent cette presse féminine devraient, au contraire, si elles étaient logiques, exulter, gonfler le biceps, faire bisque, bisque, rage : vous autres faites les marioles sauf que, pardon bien, votre prostate qui ne sert à rien, sinon à vous gâcher la vie la soixantaine venue, fait pâle figure à côté de notre utérus…

Mais leur suffixe est usurpé : si le perfectionniste aime la perfection, l’anarchiste l’anarchie, l’idéaliste l’idéal, la féministe n’aime pas la femme. Elle ne veut que la changer, bon gré mal gré.

Pour qui s’intéresse au sujet, tout cela n’est pas une nouveauté. Il suffit de voir les articles récents s’égrener : « 8 raisons de ne pas avoir d’enfants » (Le Huffington Post), « Avoir ou ne pas avoir un/des enfant(s) : qui est plus égoïste ? » (Le Club de Mediapart), « Elles n’ont pas d’enfants, et alors ? » (Femme actuelle), « Je ne veux pas d’enfants, et alors ? » (MadmoiZelle) ou encore « Être mère et le regretter : je me suis fait un enfant dans le dos » (L’Obs), « Ces femmes qui regrettent d’avoir eu des enfants » (terrafemina.com), « Le regret d’être mère, ultime tabou » (Libération), « Être mère, un cauchemar dont je ne me réveillerai jamais » (Libération)… La liste n’est pas exhaustive.

Personne n’est forcé d’avoir des enfants. Et il est sain que la presse témoigne que l’on peut être, Dieu merci, heureux quand les aléas de la vie ont fait que l’on n’a pas procréé. Mais on voit bien que ce stade-là est depuis longtemps dépassé.

Aux lecteurs de Boulevard Voltaire, qui lisent peut-être distraitement ces lignes – qu’en ont-ils à talquer, franchement, de la grossesse de Natalie Portman ? -, je voudrais rappeler qu’il y a quelques jours, Erdoğan enjoignait les familles turques sur terre occidentale à « avoir 5 enfants » ; d’aucuns, ici, l’ont commenté. Nous autres jugeons le ventre d’une femme enceinte écœurant et effrayant. On peut trouver qu’il n’y a aucun rapport entre les deux sujets. Ou pas…

Gabrielle Cluzel