La Pologne outrée par la décision du Conseil d'Etat

source[Boulevard Voltaire]

Après toutes les attaques d’Emmanuel Macron contre le gouvernement polonais au prétexte qu’il porterait atteinte à la démocratie et aux « valeurs européennes », la décision du Conseil d’État d’obliger la commune bretonne de Ploërmel à enlever la croix surmontant une statue de Jean-Paul II érigée en 2006 ne pouvait pas passer inaperçue au pays du pape polonais. Sur son compte Twitter officiel, le Premier ministre Beata Szydło a fait, le 28 octobre, une proposition inhabituelle pour défendre l’intégrité de la statue : la faire venir en Pologne « sous réserve de l’accord des autorités françaises et de la communauté locale ».

Voici le texte de la proposition, à méditer par l’arrogant locataire de l’Élysée :

« Jean-Paul II disait que l’Histoire nous apprend que la démocratie sans valeurs se transforme en totalitarisme sournois. Ce grand Polonais, ce grand Européen, était un symbole de l’Europe unie chrétienne. La dictature du politiquement correct, de la laïcisation de l’État, fait de la place pour des valeurs qui nous sont culturellement étrangères, qui conduisent à terroriser les Européens dans leur vie quotidienne. Le gouvernement polonais va s’efforcer de sauver la statue de notre compatriote de la censure et nous proposerons qu’elle soit transportée en Pologne. »

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Les commentaires sont nombreux sur les bords de la Vistule, mais l’on peut encore signaler celui du ministre de la Science et de l’Enseignement supérieur, qui est aussi vice-Premier ministre. Contrairement à Beata Szydło, Jarosław Gowin n’est pas membre du PiS et il a même été ministre de la Justice sous Donald Tusk. Il fait très justement remarquer que « si cette croix disparaît vraiment, elle sera remplacée d’ici une quinzaine d’années par un croissant », et que « l’Europe commet un suicide moral et spirituel en enlevant la croix de l’espace public », même si « cela ne concerne heureusement pas encore la Pologne ni les nouveaux États membres de l’Union européenne ». Rappelant que le christianisme est le fondement de l’Europe, Gowin constate que « se couper de ce fondement entraîne une dérive de l’Europe qui devient l’homme malade du monde contemporain ».

Jarosław Gowin le reconnaît, la proposition du Premier ministre de faire venir ce monument en Pologne sera bien évidemment rejetée par le gouvernement français, « mais il est important que dans le débat public européen une voix se fasse entendre pour appeler à la raison ». Il n’y a d’ailleurs pas qu’en Pologne que la croix de saint Jean-Paul II à Ploërmel fait parler d’elle. Une école de la banlieue de Budapest, en Hongrie, s’est déjà portée candidate pour l’accueillir chez elle.

La décision du Conseil d’État, plus haute juridiction administrative française, pose encore un problème : celui de la soumission notoire de cet organe judiciaire au pouvoir exécutif. Les reproches du Président Macron à la Pologne étant officiellement motivés, entre autres choses, par les réformes du PiS accusées de remettre en cause l’indépendance de la justice polonaise, il n’est pas bon pour l’image de la France à l’étranger, en particulier en Europe centrale et orientale, que notre Conseil d’État fasse ainsi parler de lui en ce moment. Un journal polonais proche du PiS remarquait d’ailleurs, lundi matin, que le Président Macron, si prompt à donner des leçons de démocratie à la Pologne, avait refusé la semaine dernière de « donner des leçons hors de tout contexte » sur les droits de l’homme au président égyptien Al-Sissi en visite officielle à Paris. « De la même façon que je n’accepte qu’aucun autre dirigeant ne me donne des leçons sur la manière de gouverner mon pays […], je crois à la souveraineté des États », a déclamé notre champion du « en même temps ».

Le ridicule ne tue pas, mais il nuit.