[Source : Challenges]

Avec 25% de croissance annuelle moyenne, le sous-traitant aéronautique du Lot, fournisseur d’Airbus et Safran, est devenu un des leaders européens du secteur. Après avoir conquis l’Europe, il vise désormais le marché américain.

A la lecture des résultats annuels de Figeac Aero, on en viendrait presque à se demander s’il n’y a pas une faute de frappe. Le sous-traitant aéronautique du Lot a publié mardi 5 juillet des comptes 2015-2016 impressionnants: un chiffre d’affaires en hausse de 22%, à 252,4 millions d’euros. Une marge opérationnelle dans le haut du panier du secteur, à 15,4%. Un carnet de commandes maousse, à 3,9 milliards d’euros, soit plus de quinze ans de chiffre d‘affaires. Et des prévisions ébouriffantes pour l’exercice 2016: "Dans le pire des cas, nous devrions afficher une croissance de 35%, assure le fondateur du groupe, Jean-Claude Maillard, avec son aplomb habituel. Dans le meilleur des cas, on peut grimper à 46%."

Une croissance de start-up que le groupe de 1.900 salariés compte bien maintenir quelques années: l’industriel jure qu’il va doubler ses ventes d’ici à 2018, à 500 millions d’euros, et les tripler d’ici à 2020, avec 650 à 750 millions d’euros de chiffre d’affaires. "Dès 2011, j’ai senti que Figeac Aero pouvait devenir fort, explique Jean-Claude Maillard. Désormais, nous sommes le deuxième acteur européen de la sous-traitance aéronautique, derrière Asco et devant Mecachrome." Le groupe, qui estime qu’il atteindra une part de marché de 7% en Europe dès 2018, vise désormais clairement la place de numéro un.

Investissements massifs

Comment expliquer ce carton commercial? Parti en 1989 avec quelques milliers de francs en poches et un hangar à Figeac, Jean-Claude Maillard a su surfer sur un double phénomène: la croissance continue du marché aéronautique, qui double de taille tous les quinze ans ; et la tendance lourde des avionneurs et grands équipementiers à sous-traiter une part sans cesse plus importante de leur production. "Quand j’étais salarié chez Ratier Figeac en 1983, le ratio était de 80% produits dans les ateliers, et 20% achetés à la sous-traitance, raconte le fondateur.  Aujourd’hui, le ratio est exactement inverse."

Encore fallait-il convaincre les grands clients de faire confiance à un groupe encore jeune. Pour ce faire, Figeac Aero a lourdement investi dans la compétitivité de ses usines. Les investissements ont plus que triplé depuis 2011, à 73 millions d’euros en 2016, notamment sur le site historique de Figeac. Il s’est aussi rapproché de ses clients en ouvrant des sites à proximité de leurs usines: à Saint-Nazaire près de l’américain Spirit ; ou à Méaulte (Somme), au plus près de l’usine de Stelia, la filiale aérostructures d’Airbus.

1,4 million d'euros de revenus par A350

Stratégie payante: Figeac est très présent sur le programme A350, avec 200 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel prévu sur ce seul avion en 2018-2019. L’industriel lotois capte ainsi 1,4 million d’euros par A350 livré, fournissant notamment des planchers et des pièces en titane. Le sous-traitant s’est également imposé chez Safran, avec deux contrats sur le moteur Leap valorisés à 400 millions de dollars, et chez l’avionneur brésilien Embraer, auquel il fournit des pièces en titane et en aluminium pour la gamme de jets régionaux E-Jets 2.

La stratégie du groupe est désormais de réduire ses coûts de production en investissant dans de nouvelles usines en zone low-cost. Après la Tunisie et le Maroc, le groupe s’est implanté au Mexique pour fabriquer des pièces des portes du Boeing 787 assemblées par Latécoère. Ces implantations emploient aujourd’hui 500 personnes. "A l’horizon 2020, nous aurons 1.500 salariés en zone low-cost, et nous y réaliserons 35 à 40% de notre chiffre d’affaires", indique Jean-Claude Maillard. Figeac Aero accélère aussi sur le marché américain: son site de Wichita (Kansas) a vu ses effectifs tripler, de 40 à 120 salariés. Pour développer l’activité du site, le groupe espère un premier contrat avec Boeing ces prochains mois.

Figeac, cœur du réacteur

De quoi menacer le site historique de Figeac? Celui-ci reste le navire amiral du groupe, jure Jean-Claude Maillard: "L’excellence opérationnelle de l’usine de Figeac reste la base de notre stratégie", assure-t-il. Sur les 18 machines acquises par le groupe en 2015-2016, 13 sont d’ailleurs destinées au site lotois, qui a aussi vu l’installation en 2015 d’une "usine du futur" très automatisée inaugurée par François Hollande.

Le groupe assure avoir les moyens de ses ambitions. Il a levé récemment 86,2 millions d’euros et dispose d’une ligne de crédit de 150 millions d’euros, activable à tout moment auprès de ses banques. De quoi viser des acquisitions? "Il ne se passe pas une semaine sans qu’on me propose quelque chose", assure Jean-Claude Maillard. Mais si le PDG prévoit de consacrer 25 à 75 millions d'euros à la croissance externe d’ici à 2020, pas question de se précipiter: "Je ne veux pas que mon groupe ressemble dans dix ans à une auberge espagnole faite de bric et de broc", indique-t-il.

Pas de partenaire financier

Même ton inflexible sur l’entrée potentielle d’un partenaire industriel ou d’un fonds au capital. "Je ne souhaite pas faire entrer un industriel au capital, car je ne veux pas qu’il perturbe ma stratégie. Et je ne veux pas non plus d’un partenaire financier qui pense déjà, quand il rentre, à la façon dont il va sortir cinq ans plus tard." Le dirigeant semble plutôt enclin à augmenter la part du flottant dans le capital (24,3% aujourd’hui), et à intéresser ses managers à l’avenir du groupe.

On en viendrait presque à se demander, dans cette litanie de chiffres record, où est le loup. On n’en trouve nulle trace dans les comptes. La croissance ne s’est pas faite avec un recours massif à la dette. Celle-ci est maîtrisée, à 96,6 millions d’euros pour 182,2 millions d’euros de capitaux propres. "Même en cas de retournement du marché, Figeac Aero est bien armé pour résister", jure Jean-Claude Maillard. Même à 40% de croissance annuelle, on n’est jamais trop prudent.

 

Vincent Lamigeon