C'est au début de l'année 2011 que devrait être déposée officiellement l'Initiative citoyenne européenne (ICE) en faveur de la protection du dimanche chômé en Europe. Objectif : un million de signatures, soit 0,2% de la population européenne. Le député européen Martin Kastler (RFA, PPE-CDU) a été le premier à exploiter la brèche "démocratique" prévue par le traité de Lisbonne.

Cette innovation a vocation à compléter les processus de démocratie représentative adoptés par l'Union. Une nouvelle ère voudrait naître : les projets d'Europe 2020 prétendent placer les individus au cœur de l'action européenne en leur permettant de proposer directement de nouvelles mesures législatives. La toute puissante Commission lâcherait-elle un peu de lest législatif ? Peut-être, mais au prix d'un règlement léonin, proposé ce 31 mars par le vice-président de la Commission européenne Maros Šefčovič [1] : il s'agit en effet d'éviter la tyrannie des minorités |2]. Son adoption en tous les cas  n'est prévue qu'à la fin de l'année.

Normes restrictives

Nous voilà donc renseignés. Quelles sont donc ces normes restrictives qui devraient encadrer l'initiative des citoyens européens ? Pratiquement, il faut commencer par obtenir 300 000 signatures de recevabilité en provenance de trois États membres puis d'attendre le jugement de la Commission qui a quatre mois pour examiner l'initiative. Ce n'est qu'à ce stade que peut être entamée l'initiative citoyenne à proprement parler. La Commission devra rendre sa décision : donner suite ou pas.
Dans l'hypothèse ou l'ICE est déclarée recevable, le million de signataires doit provenir d'au moins un tiers des États membres (soit 9) avec un nombre minimum requis par pays. Pour la France par exemple, il s'agit de 55 000 signatures (le nombre le plus élevé avec l'Allemagne et le Royaume Uni) de citoyens en âge de voter.
Les initiatives proposées devront faire l'objet d'une inscription sur un registre en ligne. Les sources de financement et de soutien apportés à la proposition d'initiative citoyenne devront être fournies à la commission. Aux autorités nationales de vérifier si les systèmes de collecte  en ligne sont protégés [3], qu'abus et fraudes ne viennent pas ternir la crédibilité de ce nouveau moyen donné aux citoyens, et cela dans les trois mois. Un an pour collecter les signatures. Une durée jugée là encore insuffisante par certains défenseurs de la démocratie directe comme Carsten Berg, coordinateur de l'initiative européenne. S'ajoute un autre reproche encore : les exigences relatives aux données sont intrusives et pourraient rendre l'initiative inutilisable en pratique [4].
Ce n'est qu'après l'adoption du règlement par le Parlement européen et le Conseil qu'il sera possible de présenter officiellement une initiative citoyenne européenne.

Gagner du temps

En créant son site Maman et papa sont à nous le dimanche ! avant même l'adoption légale des ICE, Martin Kastler a pris les devants pour être opérationnel le jour J. L'élu bavarois, qui s'était fait remarquer en 2009 avec le lancement courageux de la Déclaration écrite visant à protéger le dimanche en Europe, cherche à gagner du temps là où il en faudra.
Son initiative a été critiquée par des grincheux qui lui reprochent de s'attribuer la paternité d'un projet ne répondant à aucune forme légale. Martin Kastler n'a trompé personne. Le site de sa collecte de signatures n'utilise pas l'expression Première initiative citoyenne. L'onglet de présentation Citizens initiative annonce bien la couleur et si l'appel à signatures inscrit l'opération dans le cadre de l'entrée en vigueur de fait du traité depuis le 1er décembre 2009, le député européen précise qu' actuellement, cependant, la procédure de fixation de la structuration juridique précise de l'initiative des citoyens européens est en cours... Une fois ce processus achevé, la collecte de signatures pour la première initiative citoyenne européenne pourra réellement commencer.
Maman et papa sont à nous le dimanche ! a réussi un beau départ (15.048 signatures au 22 avril). L'essentiel est à venir : Il est important en ce moment, lit-on sur le site, que nous soyons bien préparés afin d'être en mesure de démarrer rapidement et facilement la collecte des signatures. Mesurer aujourd'hui l'engagement de ceux qui sont attachés au dimanche permettra de mobiliser demain largement et vite autour de cette grande question.
Autre jalon sur le chemin de cette mobilisation, la conférence internationale du 24 mars organisée par Thomas Mann à Bruxelles, qui a donné le ton. Citons simplement les vœux du député Elmar Brok (RFA, PPE-CDU) rejoignant ceux de Mgr Schwarz (évêque auxiliaire de Trèves et président de la Commission Justice et Paix européenne) : que le dimanche protégé en Europe soit le gage de la liberté religieuse , qu'il continue à être cet espace intouchable, patrimoine qu'a légué la chrétienté . L'enjeu est clair : perdre le dimanche, ce serait une dimension de notre humanité qui nous ferait défaut, le pire des maux, celui de mettre l'homme au même niveau que la machine. Insultant !
Sources :
Europa.eu/presseReleasesAction
La Croix
Federation-pro-europa-christiana.org

 

Signez la pétition :

 

[1] Commissaire en charge des Relations inter-institutionnelles et de l'Administration, également chargé de l'Éducation, de la formation, de la culture et de la jeunesse.
[2] Selon Janis Emmanouilidis, analyste à l'European Policy Center, think tank basé à Bruxelles, un million de personnes est un seuil bas et [l'ICE] risque de tomber en proie à une "tyrannie des minorités soutenue" par des groupes d'intérêt ingénieux et bien organisé .
[3] Aucune restriction, dans la rue ou en ligne,  sur les sites de réseau social comme Facebook ou Twitter.
[4] Chaque personne qui soutient une ICE devrait donner non seulement son nom, adresse et signature, mais aussi la date et le lieu de naissance et son numéro d'identification personnel. Cela pourrait rendre impossible l'ICE dans la pratique en augmentant les craintes du public de la violation de la vie privée et le vol d'identité.

 

 

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