Pendant que la France s’enfonce au quotidien dans une violence « ordinaire » toujours plus sordide, l’affaire Epstein n’en finit pas de rebondir.

On se rappelle que le milliardaire américain Jeffrey Epstein avait été retrouvé pendu dans sa cellule, en 2019, après avoir été emprisonné pour avoir été l’acteur majeur d’un trafic de prostitution de mineurs aux multiples ramifications.

Si l’affaire Epstein a pris de telles proportions, c’est que le criminel entretenait de très nombreuses relations avec des personnalités politiques ou médiatiques de premier plan, aux Etats-Unis et en Angleterre notamment, comme Bill Clinton, l’acteur Kevin Spacey, le prince Andrew, ou Alan Dershowitz, professeur à la prestigieuse université d’Harvard. Aux enquêtes américaines a succédé une enquête en France, dans la mesure où les recherches du FBI ont fait apparaître l’implication de plusieurs personnes de nationalité française, tant du côté des victimes que des coupables.

Son « suicide » présumé en prison, pouvant être un assassinat déguisé, avait suscité un véritable scandale, et soulevé de nombreuses interrogations : ne s’agissait-il pas de l’élimination bien commode d’un coupable encombrant, dont les révélations auraient été susceptibles d’entraîner beaucoup de figures connues dans sa chute, hypothèse reposant sur le fait que les précautions habituelles n’avaient pas été prises autour du prisonnier pour « prévenir un tel geste » ?

Au début du mois de juillet, l’affaire a connu un nouveau rebondissement, avec l’arrestation de Ghislaine Maxwell par le FBI. Militante écologiste, détentrice de passeports américain, britannique et français, elle était devenue l’une des plus proches associées d’Epstein après avoir entretenu avec lui une liaison longue de plusieurs années ; elle faisait également partie des proches du prince Andrew. Aujourd’hui, il apparaît qu’elle a joué un rôle central dans les trafics du milliardaire, rôle de recruteuse et d’entremetteuse, mais qu’elle était aussi partie prenante ou organisatrice des agressions subies, comme en témoigne la multiplicité des plaintes qui la visent, de la part d’anciennes victimes d’Epstein et d’elle-même.

Si, apparemment, les protagonistes de l’affaire – en dehors du prince Andrew – sont actuellement hors d’état de nuire, la situation est pourtant loin d’être stabilisée. En effet, il y a quelques jours, un homme armé, déguisé en chauffeur-livreur, a tout simplement assassiné le fils d'une juge fédérale en charge d’une enquête liée à l'affaire Epstein, tandis que son mari était grièvement blessé. Ce juge était missionnée pour enquêter sur les défaillances de la Deutsche Bank, accusée par un groupe d’investisseurs de ne pas avoir suffisamment surveillé Epstein comme client à risque. Le sens de cet ignoble assassinat paraît clair : nous ne reculerons devant rien pour que le dossier Epstein reste fermé. Et pour ceux qui n’auraient pas compris l’avertissement, le principal suspect responsable de cette fusillade, un avocat du nom de Roy Den Hollander, était pour sa part retrouvé mort à une centaine de kilomètres du lieu du crime : il se serait, lui aussi, « donné la mort ». Décidément…

Les turpitudes du milliardaire n’en finissent donc pas de semer la mort et la destruction. L’opacité et les silences qui entourent cette affaire ne sont que la triste preuve du degré de corruption morale de personnalités toujours plus haut placées, poussant toujours plus loin la perversion sexuelle, dans une société mondialisée qui a fait de la jouissance individualiste sa seule norme régulatrice. Peut-on espérer que les condamnations, les révélations autour de Maxwell et Epstein, soient enfin l’occasion d’une condamnation plus profonde du système libertaire mondial, qui a rendu possible de tels agissements, en passe de devenir une norme universelle ?

François Billot de Lochner