Le résultat du référendum sur le traité constitutionnel européen est sans équivoque. La victoire des partisans du non - à 55%, avec moins de 30% d'abstentions - déterminera des changements et des orientations sans doute difficiles à négocier.

Le président de la République, dans sa courte intervention du dimanche soir, a montré qu'il en était conscient et que d'ores et déjà la France interviendrait dans les négociations européennes en tenant compte de la nouvelle donne. Les conséquences sur la vie nationale sont abordées par ailleurs. Elles laissent présager de dures mises au point.

Nous ne voulons intervenir ici que sur le fond du problème, en nous référant aux fins supérieures dont nous parlions dans le dernier éditorial ("Une espérance pour l'Europe", Décryptage, 27 mai).

Nos lecteurs ont voté selon leurs consciences et selon leurs perceptions de l'union de l'Europe. Cette dernière nécessite des mesures proprement techniques auxquelles le projet rejeté apportait ses solutions. Qu'on les ait adoptées ou refusées est une chose. Une autre, qui nous paraît devoir dominer le débat, est celle du sens de l'unité entre les nations de notre continent et de l'espérance vive qui doit permettre de voir plus loin, en dessinant des projets d'avenir. Or, cet aspect a été délibérément occulté dans les débats de ces derniers mois, où la question des moyens a obstinément caché celle des fins.

On répondra à cette objection que la Charte des droits contenue dans le projet conférait ce supplément d'âme au cadre juridique proposé.

Notre désaccord sur ce point est entier.

Il faut certes assurer des droits à toutes les personnes, en étendre l'exercice à celles qui vivent encore dans la précarité et une réelle anomie. Mais la crispation sur les droits individuels devient dangereuse lorsque ces droits ne sont plus compris dans une perspective philosophique sûre. Que sont les droits de l'homme lorsque l'homme n'est plus qu' "une passion inutile" ?

Ce n'est pas là propos gratuit.

Lorsqu'un continent se précipite vers un déclin démographique inexorable, c'est qu'il se passe quelque chose de sérieux. Lorsqu'en même temps les institutions de ce même continent refusent d'assumer leur identité - jusqu'à laisser place à une réelle christophobie (1)-, on s'interroge sur l'utilité d'une construction qui n'a plus d'originalité et même de consistance.

Le non de droite comme le non de gauche ont été largement motivés par le refus de considérer l'Europe comme le pur prolongement d'une mondialisation sans règles. Sans doute, les partisans de toutes tendances du oui espéraient peu ou prou pouvoir agir sur le cours des choses par une meilleure organisation. Mais le désaccord profond qui résulte de la consultation nationale démontre qu'on n'a pas su découvrir les ressorts d'un projet clairement identifié. Celui qui, respectant les spécificités nationales, les accordera dans un but perceptible avec des objectifs déterminés.

En d'autres termes, le marché ne suffit pas à créer une âme commune ni même à tirer toutes les économies vers le haut, sans compter que la primauté de l'esprit mérite mieux qu'un chèque en blanc signé en faveur d'une Europe sans visage.

Mais nous ne voulons pas conclure sur le désenchantement. La crise profonde révélée dimanche dans sa gravité exige des hommes de bonne volonté un surcroît d'imagination, de générosité et de fidélité vraie à la vocation des peuples européens.

> Editorial à paraître dans le prochain numéro de France catholique.

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