Putsch d'Alger : un enjeu d'honneur pour l'armée française

Il y a soixante ans, du 21 au 25 avril 1961, plusieurs généraux tentèrent un coup d’État contre le gouvernement de Gaulle dans le but de renverser le cheminement de l’Algérie vers son indépendance. Une question d'honneur pour l'armée ? 

Le putsch avait-il une chance de réussir ? Ou était-ce un combat perdu d’avance et illusoire organisé par « un quarteron de généraux en retraite » ?

Le putsch a parfaitement réussi sur le plan matériel. Les putschistes ont pris Alger sans difficulté. En revanche, qu’entendaient-ils faire après ? La réponse n’est pas claire, car eux-mêmes ne voulaient pas d’un coup d’État de type « fasciste » pour reprendre une formule de Challe. Cela étant, comment envisageaient-ils la réaction du général de Gaulle ? Comment pouvaient-ils imaginer que Paris resterait inerte ? Sachant que se posait aussi le problème de la reconnaissance internationale de l’entreprise. Le putsch était donc une idée illusoire et aventurée. Pour avoir une chance de succès, encore aurait-il fallu que ses dirigeants aient eu un projet politique. Étant à la fois en butte à la politique gaulliste, au FLN ainsi qu’à une opinion musulmane qui, à ce moment-là est en train de basculer vers le FLN, et refusant au surplus de mettre les civils pro-Algérie française dans la boucle, les putschistes s’enferment dans une spirale d’échecs. Quand on sait que le contingent comme les généraux emprisonnés avaient accès à la radio, il y a dans tout cela une forme d’amateurisme.

Mais comprendre avril 1961 impose de saisir que l’armée entend réitérer le 13 mai 1958 avec l’idée qu’Alger serait capable d’imposer sa voix et de contraindre Paris à suivre ses choix. La grande différence, c’est que le pouvoir politique est dorénavant celui de la Ve République. Sous la IVe, l’armée avait davantage les mains libres face à des institutions civiles faibles. Avec de Gaulle à la tête de l’État, cette manière de faire est finie. En plus, les putschistes saisissent mal les enjeux géopolitiques qui président à la politique gaullienne : pour eux l’Algérie est tout, alors que pour de Gaulle, c’est plutôt la partie d’un tout qu’il n’entend pas voir entraver sa politique étrangère et de défense.

Quelles étaient les motivations des putschistes ?

Elles étaient diverses. Principalement, ils refusaient de voir l’armée française quitter l’Algérie et que celle-ci puisse être indépendante. C’est aussi, pour ces militaires, le sentiment que la mission qu’ils avaient été conduits à mener n’avait finalement servi à rien et qu’ils étaient désavoués par le pouvoir politique. J’ajoute un troisième élément, très important, le refus de voir se réitérer ce qui s’est passé en Indochine : l’humiliation de la défaite et le massacre de populations ralliées aux forces françaises. Ainsi, le commandant Hélie de Saint Marc déclare à son procès qu’« on peut demander beaucoup à un soldat, en particulier de mourir : c’est son métier. On ne peut lui demande de tricher, de se dédire, de se contredire, de mentir, de se renier, de se parjurer ». L’enjeu est bien une question d’honneur plus que de politique pour de nombreux militaires.