L'annonce d'un afflux de prostituées comme "produits annexes" de la Coupe du Monde de football, qui s'ouvre ce 9 juin à Münich, a relancé le débat sur la prostitution et le trafic d'êtres humains.

Malka Marcovich, directrice pour l'Europe de la Coalition contre la traite des femmes (CATWE) à l'initiative d'une vase campagne de sensibilisation et d'action, a révélé que lors des Jeux olympiques de Sydney en 2000 ou encore lors de la Coupe du monde de rugby en Australie en 2003, l'industrie du sexe avait augmenté son chiffre d'affaire de 50%. Elle a également expliqué qu'en Lituanie, on présentait aux jeunes filles le travail en Allemagne comme une "promotion" et qu'au Brésil, des filles étaient recrutées à la sortie des écoles.

Pour sa part, le ministre français des Sports, Jean-François Lamour, s'est indigné que la Coupe du monde puisse être salie de la sorte : "Cet esclavage des temps modernes est contraire à l'éthique du sport et aux valeurs de l'olympisme". Son ministère diffuse un clip de sensibilisation destiné aux supporters pour les inviter à refuser la traite des femmes ; de son côté, le gouvernement allemand distribuera des plaquettes d'information à l'entrée des stades.

À Bruxelles, la Commission des droits de la femme présidée par le député slovaque Anna Zaborska s'est mobilisée pour l'adoption de la résolution sur "La prostitution forcée dans le cadre des manifestations sportives internationales". À l'occasion d'un échange de vue sur la traite des femmes susceptibles d'exploitation sexuelle avec Mme Liese Prokop, ministre autrichien de l'Intérieur et présidente en exercice du Conseil, l'association Femina Europa lui a soumis deux propositions pour que les autorités publiques s'attaquent aux causes de la prostitution.

Prévention. En premier lieu, il paraît extrêmement urgent que l'Union européenne, en coopération avec les États membres et les pays candidats (Roumanie, Bulgarie, Croatie...) propose une campagne de prévention à destination des femmes vulnérables des pays d'Europe centrale et orientale.

Seule l'Union européenne est en mesure de débloquer des fonds suffisants pour une campagne de mise en garde et d'information très précise sur les risques de trafic et d'exploitation sexuelle des femmes, par la voix des médias, en particulier la télévision locale et nationale, vecteur d'information très populaire. Par le biais d'un spot ou la diffusion de clip (véhiculant un message clair qui doit être assorti d'un contrôle sérieux) il est possible de toucher très rapidement une population jeune et plus particulièrement susceptible d'être victime des filières mafieuses [1].

Cette mesure est très urgente en raison de l'arrivée de plusieurs milliers de femmes sur le sol allemand, souvent sans visa et sans protection juridique, acheminées par des trafiquants peu soucieux de la dignité et de l'intégrité des femmes. En outre, il convient de mener également une campagne d'information en direction des "clients potentiels" afin de les responsabiliser sur leur part de complicité dans la traite de ces femmes.

S'attaquer aux causes. En second lieu, à moyen et long terme, il convient de traiter les causes de la prostitution : la pauvreté et la vulnérabilité. Il est impensable que les femmes soient obligées de choisir entre la misère et les cruelles illusions de "l'eldorado de la prostitution".

Il n'est pas rare, en effet, que des femmes roumaines abandonnent leurs enfants à leur voisinage, pendant quelques semaines, afin de trouver un emploi dans les pays limitrophes. Les revenus gagnés leur permettent, à leur retour, d'élever correctement leurs enfants le reste de l'année. Dans la plupart des cas, ce travail résulte d'un trafic mafieux.

La mise en œuvre des recommandations et des programmes européens (Daphné, formation initiale, formation tout au long de la vie, conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, microcrédits,...) est une réponse à la pauvreté et au chômage des femmes, attirées par une promesse d'emploi à l'extérieur de leur pays et qui se traduit vite en cauchemar [2].

Enfin, Femina Europa souhaite que le Parlement européen et la Commission vérifient que les recommandations contenues dans ces textes ainsi que dans les conventions de l'Onu et du Conseil de l'Europe soient appliquées par les gouvernements des États membres et des pays candidats. Une coopération entre toutes ces instances est nécessaire pour éradiquer la traite et l'exploitation sexuelle des femmes et décourager la demande par des mesures d'ordre éducatif, social et culturelle [3].

*Elizabeth Montfort est ancien député européen, présidente de Femina Europa, administrateur de la Fondation de service politique.

Pour en savoir plus :

■ Contact : info@femina-europa.com

■ La pétition lancée par la Coalition internationale contre la traite des femmes (CATW), http://catwepetition.ouvaton.org

■ Le clip du ministère de la Jeunesse et des Sports et de la Fédération française de football

Ne soyons pas complices !

Notes[1] Cf. Rapport Prets, art. 6, 18 et 19 ; Résolution sur la prostitution forcée, cons. E

[2] Cf. Rapport Prets, art. 2, 13, 15, 59 ; Résolution sur la prostitution forcée, cons. D

[3] Cf. Rapport Prets, art. 11

■ D'accord, pas d'accord ? Envoyez votre avis à Décryptage