Intimidations, sabotage : en Bretagne, agriculteurs et journalistes accusent l'agroalimentaire

Source [Marianne] : Agriculteurs sous pression, salariés licenciés, journalistes menacés… En Bretagne, ils sont nombreux à faire les frais de leur opposition aux règles du système agroalimentaire et industriel promues par les coopératives. Pour « Marianne », des connaisseurs du secteur n'hésitent pas à évoquer un modèle impitoyable et violent.

Du côté de l'agriculture bretonne, on ne refuse pas impunément de jouer le jeu selon les règles de l'agroalimentaire. C'est ce dont témoignent les paysans ou les salariés qui s'en affranchissent, ainsi que des journalistes s'intéressant de près au dossier. Tentatives d'intimidation, voire de sabotage : les exemples s'accumulent, peignant un tableau accablant. « On m’a fait comprendre que je dérangeais », nous confie ainsi Gilles Lanio, féru d’agriculture et ancien président de l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF) et du Syndicat des apiculteurs du Morbihan. Il fait partie de ces éleveurs ou cultivateurs bretons qui ont osé s’opposer à certaines pratiques agro-industrielles en vigueur dans la région. À commencer par l’épandage de produits phytosanitaires décidé par une importante coopérative, et dont l'effet sur ses ruches était dévastateur : « Il n’y avait pas une odeur dans l’air, mais les insectes payaient cash. Dans mes deux ruches, les abeilles se tortillaient par terre et mourraient. J’ai pris des photos, et cela avait fait scandale. »

L’utilisation de ces pesticides est très réglementée, du fait de leurs risques à la fois pour l’humain et pour l’environnement. Depuis 2020, ces produits ne peuvent plus être pulvérisés près des habitations, le gouvernement ayant fixé les distances minimales d’épandage à 5 et 10 mètres, selon les types de cultures. Signe que le sujet inquiète les autorités, le Conseil d’État, en décembre 2022, a exigé une distance de sécurité plus importante entre les habitations et les zones d’épandage des pesticides les plus toxiques.

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L’apiculteur a finalement rencontré le président de la coopérative en question : « Il m’a prévenu que j’aurai des ennuis, que je devais arrêter. Je n’ai pas lâché. » Mais ça n’a pas manqué : « On m’a pisté, saboté mon véhicule, piraté mon ordinateur… J’ai eu droit à 36 vacheries. » Si bien que Gilles Lanio a dû, en 2020, quitter son mandat à la présidente de l’UNAF : « Autour de moi, les gens ne me croyaient pas, je me suis retrouvé seul. On m’a traité de traître et de profiteur parce que je refusais les produits nuisibles aux abeilles, c’est quand même pitoyable. » Aujourd’hui, le Breton est membre d’une association apicole nommée « API 56 », qui sensibilise les professionnels et le grand public aux nouvelles pratiques et à la préservation de la biodiversité.

OMERTA AUTOUR DE L'AFFAIRE NUTRÉA-TRISKALIA

Mais c’est un témoignage parmi tant d’autres. « Les agriculteurs sont les esclaves des coopératives, estime Serge Le Quéau, militant syndical à l’Union syndicale Solidaires et membre du Conseil économique social et environnemental. Ils n’ont plus aucune liberté et s’ils osent sortir du rang, ils le paient au prix fort. » L’ancien postier, breton d’origine, a consacré des années de sa vie au combat des victimes de produits phytosanitaires, notamment dans l’affaire Nutréa-Triskalia – coopérative bretonne désormais renommée Eureden. Plusieurs de ses salariés déclarent avoir été intoxiqués par des pesticides, entre 2009 et 2010. « C’était une hécatombe sur le site de Glomel dans les Côtes-d'Armor se rappelle Serge Le Quéau. Sur les 15 salariés qui y travaillaient en l’an 2000, tous étaient – à l’exception d’un – soit décédés soit malades en 2015. »

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