Jean-Pierre Raffarin a adressé mardi 8 juin aux associations de défense des homosexuels un projet de loi contre l'homophobie dont l'adoption est prévue avant la fin de l'année. Avec ce projet, le gouvernement cherche à se " recentrer " après son refus explicite d’ouvrir le mariage aux homosexuels.

Si tel est le cas, il fait un bien mauvais calcul, car il livre aux lobbies gays les meilleures armes pour se disqualifier intellectuellement et politiquement.

En effet, en voulant lutter contre " les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe ", le gouvernement n’étend pas simplement un dispositif utilisé contre le racisme. Il met directement en danger la liberté de la presse et par conséquent la liberté de discuter et de chercher la vérité sur la sexualité humaine.

Car c’est bien sûr le terme d’homophobie qui pose problème. Ce véritable cheval de Troie libertaire est conçu contre le sens communément reçu de la différence sexuelle, en tant que celle-ci est au principe du couple, de la famille et de la société, fut-elle libérale et démocratique.

Le lobby gay est passé maître dans l’art de l’agit-prop, et de plus en plus rares sont ceux qui savent et osent lui résister, à commencer par le gouvernement. Les militants homosexuels instrumentalisent à merveille les récentes affaires d’agressions subies par des personnes homosexuelles (en janvier Sébastien Nouchet, brûlé vif dans le Nord, ainsi que récemment à Marmande, où cinq jeunes gens ont roué de coups un autre homosexuel) pour réclamer un élargissement du dispositif répressif.

Pourtant, la loi du 18 mars 2003 réprimant les violences volontaires faites aux personnes est suffisante. En faisant porter la question sur les propos discriminatoires, ces lobbies manipulent la légitime indignation contre ces actes injustes afin de créer une continuité entre la violence physique, la violence verbale et la violence symbolique.

Ce qui est en jeu dans cette nouvelle loi, à travers la lutte contre les propos discriminatoires, c’est l’utilisation habituelle des mots et du sens qu’ils portent. Comme le fait remarquer l’avocat Christophe Bigot, dire qu’" on ne doit pas favoriser l’union de deux personnes de même sexe " est discriminatoire, car on dit par là " qu’une personne, en raison de son orientation sexuelle, doit avoir un droit en moins " (Libération, 11 juin 2004).

Autrement dit, affirmer que l’homosexualité relève de la vie privée et ne peut donc disposer de traduction juridique et politique, deviendra dans quelques mois passible d’une plainte devant les tribunaux. Tout ceci grâce à un gouvernement qui, par ailleurs, refuse l’idée même du mariage entre deux homosexuels et a fortiori l’homoparentalité !

Inconscience ? incompétence ? hypocrisie ? On ne sait comment qualifier une telle stratégie.

En tout cas, il y a ici grave méconnaissance de la logique des lobbies gays qui ont délibérément choisi de développer le thème de l’homophobie pour parvenir à une parfaite égalité des droits, c’est-à-dire rendre le mariage et la filiation indifférents aux sexes des protagonistes.

Ces mêmes lobbies ressassent à longueur de pages et de colloques que l’homophobie ne se manifeste pas seulement dans l’injure (" sale pédé "), mais bien plus radicalement dans la matrice des discours, des normes et des institutions qui rendent possibles et presque " naturelles " de telles injures. Cette matrice a un nom : l’hétérosexisme.

Les Français sont en majorité, sans le savoir, " hétérosexistes "… et probablement la majorité des députés UMP. Ceux-ci risquent de l’apprendre à leur dépens dans quelques mois quand, s’opposant au " mariage " homosexuel, et au nom de la loi qu’ils auront votée, ils seront poursuivis pour propos homophobes.

Thibaud Collin est agrégé de philosophie.

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