Dans les débats médiatiques sur le projet de Traité constitutionnel, tout a été dit...sauf l'essentiel : le sens de l'Europe et d'une certaine manière, le sens de l'homme. En effet deux conceptions de l'Europe s'affrontent : une conception essentialiste et une conception existentialiste.

La première Europe est celle qui s'enracine dans la culture, l'histoire et la géographie de l'Europe. C'est celle de nos pères et j'espère celle de nos fils. Celle qui a façonné notre civilisation commune, influencée par la philosophie grecque, le droit romain dont le christianisme, sans les rejeter, a fait une synthèse. Le cœur de cette Europe est notre conception de l'homme comme personne humaine, ouverte à l'autre et à la transcendance. C'est cette Europe qui a permis la réunification.

Mais cette vision "identitaire" est jugée étriquée, "Europe de la fermeture et du repli" par les partisans de la deuxième Europe, celle qui s'invente ex nihilo, faisant du passé table rase. C'est l'Europe ouverte, nous dit-on, aux pays qui s'engagent par contrat en faveur de la démocratie, fondée sur les droits de l'homme, définis sur la base d'une conception réductrice de l'homme, c'est-à-dire amputés de leurs références à l'anthropologie chrétienne. Ces droits de l'homme, en tant qu'individu, sont bien différents des droits universels de la personne, ouverte à autrui et à la transcendance.

Nul besoin de faire référence à l'histoire, la géographie ou la culture qui freinent son avancée. C'est un monde nouveau, en devenir : une promesse en quelque sorte. Seul importe la vision normative et individualiste de la société. On invente un monde à partir de rien ! Un monde ouvert, "affranchi de la notion de frontières".

On le voit bien, "un clivage plus radical encore qu'entre souverainiste et fédéraliste apparaît entre ceux qui croient à l'identité de l'Europe et ceux qui la refusent au nom d'une fraternité cosmique" (Éric Branca, Valeurs Actuelles). François Ewald, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique précise : "[Ce clivage] oppose les tenants d'une vision identitaire, protégée et presque séparée de l'Europe, aux partisans d'une Europe universaliste, ouverte, principe de paix perpétuelle." La proximité idéologique avec la "nouvelle éthique mondiale" qui a cours à l'ONU n'est plus à démontrer !

Cette nouvelle Europe, consiste à "construire un ensemble politique affranchi de toute forme d'identité raciale, ethnique, religieuse et civilisationnelle" poursuit François Ewald. En d'autres termes, il est nécessaire de "déconstruire" une vision de l'homme bi-millénaire pour inventer 'homo europeus, normatif et individualiste, finalement terriblement seul !

Et maintenant ? Semaines après semaines, colloques après colloques, la Fondation de service politique a tenté d'éclairer les esprits. En conscience, certains diront oui, d'autres voteront non. Au-delà du texte, imparfait puisque fruit d'un compromis entre le États membres, les partisans du oui peuvent considérer que pour changer l'esprit du texte, il vaut mieux être à l'intérieur que dans une France isolée.

Oui, l'Europe (et particulièrement la France) est dans une phase dépressive due au relativisme des valeurs et à l'individualisme qui faussent l'interprétation des textes, spécialement la Charte européenne des droits fondamentaux.

Les politiques, comme les citoyens, ont perdu le sens du bien commun et du bien intégral de la personne, comme nous le rappelle Benoît XVI. Il suffit de compter les lois votées contre l'homme (clonage thérapeutique au Royaume-Uni, euthanasie aux Pays-Bas et en Belgique, "mariage" gay en Espagne...)

Ceux qui parmi nous diront oui, craignent qu'une renégociation soit contraire à leurs aspirations. Quelle serait la conception de l'homme qui prévaudrait dans ces nouvelles décisions ? Ils savent qu'il leur faudra redoubler d'énergie et d'espérance pour s'engager davantage avec nos frères d'Europe centrale et orientale pour que l'homme retrouve sa dignité et ses droits, selon l'intuition des pères fondateurs, en particulier Robert Schuman.

Les partisans chrétiens du non n'ont pas d'autres motivations qui ont refusé la politique du pire, en s'engageant à fond pour l'aménagement du texte constitutionnel afin de préserver une lecture raisonnable de la Charte des droits fondamentaux.

Quelque soit le résultat dimanche, il sera nécessaire de se retrouver, au-delà de nos appréciations personnelles : l'heure de l'engagement des chrétiens sonne pour redonner à l'Europe tout son sens !

*Elizabeth Montfort est ancien député européen, administrateur de la Fondation de service politique

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