Euro

Jacques Bichot dans son essai Les enjeux 2012, de A à Z abécédaire de l’anti-crise, éditions AFSP/l’Harmattan, (pages 29 et suivantes, 130 et suivantes et 255), a consacré un chapitre à cette question avec trois scenarii, sans trancher, sauf en ce qui concerne la Grèce dont la sortie de l’euro lui semble nécessaire. Il apporte ici un éclairage complémentaire qui rejoint sur le fond l’analyse de Pierre de Lauzun (1/2).

Sur un point technique je vois les choses un peu différemment que Pierre de Lauzun, mais il se trouve que mon analyse est une preuve de plus de la pertinence de ses conclusions : il s’agit de l’impossibilité de monétiser ad libitum les dettes publiques de la zone euro, même si l’Allemagne n’y voyait pas d’inconvénient.

L’Europe n’est pas une économie fermée

La demande de monnaie n’est pas façonnable par les Banques Centrales ni par les Etats : si les agents veulent des créances non monétaires plutôt que de la monnaie, les autorités ne sont pas outillées pour les en empêcher. C’est une raison de plus pour être d’accord avec les données du problème telles que les campe Pierre de Lauzun : l’inflation ne viendra pas de la monétisation des dettes publiques. Peut-on la provoquer autrement ?

Si l’Europe était une économie fermée, peut-être : en augmentant massivement les salaires, on devrait y arriver – mais qui pourrait donner un ordre d’augmentation des rémunérations sur toute la Zone euro ? De plus, les eurocrates désiraient faire de l’euro une monnaie de réserve – c'est-à-dire, des créances en euros, un placement recherché par les Etats et autorités monétaires du monde entier – et ils ont hélas réussi. Cela tire l’euro vers le haut : il faudrait un déficit des balances des paiements courants nettement plus fort qu’aujourd’hui pour que l’euro devienne faible. Nous avons donc pris sur nos épaules une partie de la malédiction des entités dont la monnaie sert de réserve aux autres – malédiction dont la Grande Bretagne  puis les Etats Unis ont connu le poids redoutable. Dans ces conditions (euro à fort pouvoir d’achat dans les pays émergents), l’inflation est encore moins probable.

Sortir des déficits publics

Reste donc la sortie des déficits publics. Le problème est de la rendre aussi peu nocive que possible pour l’activité. C’est sur ce point que la réflexion est cruciale. Nos économies, sauf l’Allemagne, fonctionnent en régime de croisière, grâce aux déficits publics, avec des revenus sensiblement supérieurs à la production, ce qui provoque un mix de déficit extérieur (qui débouche sur une accumulation de fausses créances, au sens de Rueff [1], dans des mains extra-européennes) et de fausse épargne intérieure (épargne sans investissement de même niveau).

L’appétence pour la fausse épargne peut se combattre par une fiscalité confiscatoire. L’appétence pour les achats à bas prix de produits venus des pays émergents peut-elle se combattre autrement que par la mise en place de droits de douane élevés ?

Restait jusqu’à une date récente  une solution envisageable : la discipline salariale et sociale à l’allemande. Mais les dernières informations montrent que nos amis d’outre Rhin se laissent aller au plaisir des hausses de salaire à la française et à l’espagnole. Alors, même le rêve d’une grande Allemagne, de la Baltique à la méditerranée, n’est plus une solution aux malheurs de l’euro.

Ce rêve envolé, reste la piste d’une fiscalité démente sur les créances et d’un fort protectionnisme européen, complétés par la suppression aussi rapide que possible des obstacles bureaucratiques à l’activité, par exemple dans le cas français, celle de la pénurie artificielle de terrains à bâtir, ceux du code du travail et du code fiscal en passant par les 35 heures et le code de la sécu…. Nous n’en prenons pas le chemin. 

 

Jacques Bichot est économiste, auteur les enjeux 2012 de A à Z.

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[1] Jacques Rueff appelait « faux droits » les créances dont le montant dépasse nettement les investissements financés. Quand un Etat s’endette pour payer ses fonctionnaires, ses retraités, les retraités des régimes sociaux, pour payer des prestations sociales ou subventionner les organismes qui les versent, et subventionner des entreprises publiques déficitaires, cela fait beaucoup de dettes face à peu d’investissements – donc des faux droits au sens de Rueff.