Catholique, es-tu plutôt« Charles de Foucauld » ou « Amiral de Joybert » ?

« Quel est le sens de la question , et d'abord qui est l'amiral de Joybert? », me répondras-tu.

« Et aussi, quel est le rapport entre un saint ermite, qui voue sa vie à l'amour de Dieu et un amiral, qui voue la sienne à envoyer des obus sur les marins du camp d'en face ? » Là, catholique, tu commences à entrevoir le rapport, encore que je ne sois pas tellement d'accord avec ta conception d'un amiral, mais ce n'est pas le sujet.

La question que je te pose à brûle-pourpoint, catholique, a pour but de te bousculer, de savoir su tu préfères être égorgé et canonisé, ou bien défendre ton pays et ses habitants, et être considéré comme indigne d'être canonisé.

 

Je crois, catholique, que tu vas me traiter de mécréant, que je te choque parce que tu sens en moi une remise en cause des critères de canonisation, bref tu me soupçonnes de protestantisme, d'apostasie, de faire l'apologie de la violence.

 

Ne le prends pas mal si je t'appelle « catholique », car je suis moi aussi catholique, du moins j'essaie, et parfois je doute.

 

Tout d'abord, catholique, je dois t'expliquer qui est l'amiral de Joybert, comment il s'est fait connaître et dans quel contexte. Dans les années 1970, au plus fort de la guerre froide, la France développait la force de frappe nucléaire dans le but de résister à l'invasion soviétique. Tu me diras que c'est très mal d'envoyer des bombes nucléaires sur de pauvres gens alors que le Christ est venu apporter la paix sur terre et, en cela, tu rejoins la position des clercs de l'époque. Ceux-ci étaient tellement séduits par les idéaux de paix et d'amitié universelle avancés par le bloc soviétique qu'ils s'opposaient fermement au programme d'armement nucléaire. Je te rappelle que certains cantiques de l'époque disaient qu'il fallait « remplacer les canons par des charrues ». Sur ce, notre bon amiral de Joybert, alors chef d'état-major de la Marine, leur a dit « messieurs de la prêtrise, mêlez-vous de vos oignons », autrement dit « allez-vous faire cuire un œuf », ou, plus familièrement « allez-vous faire f... ». Tu as peut-être oublié que, avant la chute du mur de Berlin, toute l'Europe de l'Est était envahie par l'union soviétique, et que les chrétiens y étaient persécutés. Peut-être as-tu entendu parler du cardinal Mindsenty et du père Popielsko. D'ailleurs, je ne sais pas si tu l'as oublié, si tu ne l'as jamais su ou appris dans tes manuels d'histoire. Peut-être aussi n'as-tu jamais voulu le croire, car tu as été convaincu que les idéaux de gauche apportaient la paix, la fraternité, l'amitié, et qu'il fallait faire disparaître les frontières.

Quelques années plus tard, notre pape Jean-Paul II subissait une tentative d'assassinat commanditée par l'Union Soviétique.

 

« Oui, et alors, quel est le rapport avec le père de Foucauld ? », et « où veux-tu en venir ? »me diras-tu. Patience, j'y viens, et tout va s'éclairer.

Le père de Foucauld, séduit un temps par l'islam, trouvait merveilleux ces hommes qui priaient cinq fois par jour, jeûnaient, se prosternaient, et se tournaient vers Dieu. « Quel exemple admirable, quelle sainteté », pensait-il. « Que ce serait merveilleux si nos catholiques prenaient exemple sur cette spiritualité exigeante, sur la pudeur avec laquelle les femmes musulmanes s'habillent ». Tu connais la fin de l'histoire. Le père de Foucauld a été égorgé par son ordonnance en qui il avait placé toute sa confiance, un peu comme Bernard Tapie qui a été brutalisé et cambriolé par les gens qu'il chérissait.

 

Tu es scandalisé parce que je compare le père de Foucauld avec Bernard Tapie ? Je reconnais que la comparaison est hasardeuse, mais une certaine naïveté les rapproche, et puis ils sont tous deux « enfants de Dieu », comme toi et moi, et tous deux baptisés catholiques.

 

J'aurais pu citer aussi le père Christian de Chergé, égorgé avec toute sa communauté, pour avoir fait confiance à ceux qui se présentaient comme des amis.

 

Maintenant, cher ami catholique, j'en viens à une question plus dérangeante : n'as-tu pas l'impression que, dans les positions du pape François, il y a le même aveuglement, la même naïveté, que chez le père de Foucauld, ou le père Christian de Chergé. Là, tu dois me suspecter d'être un suppôt de Satan, pour oser mettre en doute les vertus et la sagesse de prêtres qui ont consacré leur vie à Dieu.

 

Bien sûr que j'ose et je vais même te dire, cher ami catholique, que c'est parce que toi, laïc, tu n'oses jamais remettre en question les paroles des prêtres, que tu es si soumis, que tu n'as pas voulu croire que des enfants se faisaient violer par des prêtres pédophiles.

Comprends-moi bien, cher ami, je ne te dis pas que tous les prêtres sont des fous et que tu ne dois jamais les écouter. Je te dis juste qu'une saine obéissance suppose le discernement. Toi, cher ami laïc, tu as, dans les domaines qui touchent à la vie de la Cité ou à l'économie, des compétences et des connaissances que les clercs n'ont pas. Dieu t'a doté d'intelligence et d'esprit critique, ce n'est pas pour te laisser aveugler. Aussi, je t 'engage à dire, parfois, vigoureusement « messieurs de la prêtrise, mêlez-vous de vos oignons », mais reste dans ce genre de métaphores, et ne vas pas parler comme Raquel Garrido.

 

Je te laisse trouver toi-même la réponse à la question posée en préambule. Quant à moi, je suis résolument « amiral de Joybert », mais je pense que tu l'avais compris.

 

Bonne journée, cher ami catholique, « vale », si tu as des souvenirs de latin.

François de Cazaux