Voici le témoignage d'un fonctionnaire britannique, conseiller du PPE, après le lynchage politique dont l'Italien Rocco Buttiglione a fait l'objet après son audition par la Commission des libertés civiles.

"Rocco Buttiglione a été proposé par le gouvernement italien pour être commissaire pendant les cinq prochaines années.

Le président de la Commission veut lui donner le portefeuille de la Justice et des affaires intérieures. Cette responsabilité comprend les questions telles que le combat contre le terrorisme, le droit d'asile, l'immigration, les visas, le contrôle des frontières, le combat contre le crime organisé, les drogues, le trafic d'êtres humains, le respect des droits de l'homme et la politique anti-discrimination.

"Chaque commissaire doit être auditionné par une commission du Parlement européen, qui doit remettre son évaluation dans la semaine. M. Buttiglione a été entendu par ma commission (Libertés civiles, justice et affaires intérieures) et il a dû répondre à une série de questions assez hostiles sur son point de vue concernant l'homosexualité. M Buttiglione a eu des liens très étroits avec le Vatican, et on le dit être l'auteur de plusieurs encycliques pontificales. Il a exposé son avis personnel comme catholique, affirmant que l'homosexualité (ceci est la traduction de l'italien reprise par la presse) était un péché, mais il a établi une distinction claire entre son point de vue privé et la politique de l'Union européenne, qu'il a confirmée, notamment par la Charte des droits fondamentaux, qui interdit la discrimination en se basant sur divers critères, le dernier étant l'orientation sexuelle (article 20 – qui comprend aussi "la religion ou la conviction"). La réponse de Buttiglione n'a pas rassuré certains groupes politiques.

"Lors de cette audition, il est apparu clairement que pour les partis politiques opposés à la nomination de M. Buttiglione, l'obstacle principal concernait son avis sur l'homosexualité. Mais ils n'ont pas cru ses réassurances et qu'il confirmerait la loi de l'Union européenne en vigueur et sa mise en oeuvre. Leurs objections n'ont pas porté sur sa compétence pour être commissaire.

"Ceci a mené à deux jours d'intenses négociations pour trouver une sortie honorable, puisque la realpolitik veut que M. Buttiglione soit approuvé, puisque le Parlement ne peut pas rejeter ou approuver un commissaire seul, mais la Commission dans son ensemble. Puisque les deux plus grands groupes - le centre droit/démocrates chrétiens et le centre gauche/socialistes – contrôlent assez de votes entre eux pour s'entendre et trouver un accord, mon meilleur pronostic est que ni l'un ni l'autre camp voudra créer une crise politique majeure en rejetant la Commission.

"Nous essayons toujours de trouver une issue acceptable, afin de préserver l'atmosphère de travail du Comité pour les cinq années à venir, en trouvant une solution à un problème qui a peut-être une grande importance pour quelques-uns, mais ne représente seulement qu'une petite partie du portefeuille de M. Buttiglione. Je suis consterné que quelques députés européens chrétiens-démocrates disent dans la presse que M. Buttiglione a été choisi pour ses convictions chrétiennes, alors que personne ne doute de sa compétence. On en conclura que la Commission des libertés civiles du Parlement européen ne croit vraiment pas en la liberté religieuse."

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