[ENQUETE SUR LES MEDIAS CHRETIENS] Dans le cadre de notre série d'été, libertepolitique.com rencontre les acteurs de la presse chrétienne et tente avec eux de comprendre le rôle qu'ils jouent dans l'actualité et le débat politique. Comment ces médias voient-ils leurs vocations à l'aube de l'année électorale de 2012 ? Cette semaine, Antoine d'Abbundo, rédacteur en chef au magazine Pèlerin, répond à nos questions.

Quelles sont l'identité et la spécificité du magazine Pèlerin ?

Pèlerin est un hebdomadaire catholique d'information générale et grand public. C'est même le premier hebdomadaire catholique de France par sa diffusion et le nombre de ses lecteurs.

Notre identité définit notre spécificité. Pour nous, être un hebdomadaire catholique ne signifie évidemment pas traiter uniquement de questions religieuses ou de spiritualité. Nous avons une identité affirmée mais qui ne nous enferme pas. Nous ne sommes pas pudique mais il ne s'agit pas non plus de brandir cette identité comme un étendard de croisade. Cela nous permet d'être de plein pied dans le monde et en dialogue avec ce monde.

Comment cette ligne éditoriale se décline-t-elle dans le domaine politique ?

En politique, nous avons un discours citoyen qui rejoint celui  de nombreux organes de presse. Dans une démocratie comme celle qui existe en France, l'engagement citoyen, notamment par le biais de la politique, est un devoir fondamental pour tous, et par conséquent pour les chrétiens également.

Cet engagement peut prendre de multiples formes. Ce n'est pas forcément appartenir à un parti politique. Il s'agit simplement de vivre la démocratie et voter aux élections. Nous rappelons souvent à l'occasion des grandes échéances électorales que ce droit de vote est aussi un devoir. Le chrétien est aussi un citoyen et il ne peut pas rester indifférent aux affaires du monde. Il doit s'inscrire dans ce monde et faire des choix qu'il manifeste à l'occasion du vote.

Il existe un second niveau d'engagement en matière politique, cette fois-ci spécifique à l'hebdomadaire chrétien que nous sommes. C'est de défendre les valeurs de l'Evangile promues par l'Eglise ; lesquelles sont par exemple la défense de la vie dans tous ses aspects, de la naissance à la mort. Cela suppose bien entendu des engagements très concrets sur les questions de l'avortement, l'euthanasie, la maladie ou la dépendance mais également la lutte contre l'exclusion. Sur ces sujets, nous mettons en avant les plus faibles, les plus exclus et les plus en danger. Nous défendons également les valeurs de justice sociale et la mise en avant de la solidarité et du partage ou encore les grands combats en faveur dee écologie à condition que celle-ci n'oublie pas l'homme. Notre programme politique – s'il y en a un – ce sont les valeurs évangéliques que nous essayons de faire connaître, de promouvoir et de présenter de façon à convaincre qu'elles peuvent aider à construire un monde meilleur !

Comment ces ambitions s'appliquent-t-elles concrètement au débat politique ?

Cet engagement a des conséquences. Nous refusons de commenter par exemple la vie politique quand elle se réduit à des polémiques politiciennes, des faux débats ou à un jeu rhétorique de petites phrases. Nous essayons de travailler comme beaucoup au bien collectif, mais lorsque la vie politique se réduit à un combat d'ambitions personnelles, d'excès, voire de violences – sinon physiques du moins verbales –, nous le récusons comme nos lecteurs le récuseraient. Ils n'attendent pas de nous que nous soyons des commentateurs passifs de la vie politique, ni des chroniqueurs des petites bassesses de ce monde. Ils veulent un débat de fond. Il nous faut donc sans cesse dépasser le débat stérile pour poser les vraies questions et apporter des débuts de réponses construites.

Tout est affaire de finesse. Par exemple, lors du déclenchement de l'affaire DSK, la plupart des médias se sont mis en boucle sur cette actualité dans une surenchère nauséeuse pour le spectateur, l'auditeur ou le lecteur. Il y avait quelques bonnes analyses mais l'effet cumulatif empêchait souvent le recul. Nous essayons donc, pour reprendre une image biblique, de trier le bon grain de l'ivraie dans l'actualité politique pour avoir le discours le plus juste possible, sans surajouter aux polémiques stériles. Au contraire, nous essayons de mettre en lumière, au-delà de l'écume médiatique, les débats de fond, de façon honnête et profonde, pour que nos lecteurs puissent se faire eux-mêmes une meilleure idée des solutions qui émergent.

Nous refusons donc d'être un journal d'état des lieux mais nous essayons toujours de mettre face à un problème,  une personne, une bonne pratique ou une volonté qui essaye de trouver des solutions. C'est notre façon de vivre l'espérance chrétienne. Ce n'est pas de la naïveté face au monde mais l'espoir face aux difficultés.

A votre sens, quelle est la spécificité de l'engagement chrétien en politique ?

Comme je le disais tout à l'heure, le chrétien est aussi un citoyen. S'il est chrétien, c'est qu'il est dans le monde. Il participe donc à la vie de la cité et est appelé à agir dans le monde et prendre sa part de responsabilité. Le chrétien parce qu'il a une exigence pour le monde, doit également avoir une exigence pour lui-même.

En politique, l'une des spécificités du chrétien est sans doute la foi. C'est elle qui l'inscrit dans une relation de vérité et de fidélité. Le chrétien n'aura pas forcément des idées ou des engagements fondamentalement différents d'un autre, mais la source des ses engagements est dans sa foi et la vision du monde qui en découle. Cette spécificité, c'est-à-dire cette foi qui lui dicte également sa relation au divin, au sacré, à l'homme et au monde, n'est pas quelque chose qui doit le retrancher ou le singulariser. Invoquer la foi comme source de son engagement politique n'est pas invoquer un grand mystère. C'est au contraire essayer de trouver les mots pour exprimer et expliquer ses convictions et les inscrire dans des actes.

La foi inspire donc le chrétien dans ses engagements mais ça ne veut pas dire pour autant qu'il n'est pas possible de trouver des points d'accord avec d'autres personnes qui ont d'autres sources d'inspiration spirituelle ou intellectuelle.  L'engagement est quelque chose qui se partage.

Quels sont les projets de Pèlerin pour l'année électorale à venir ?

Nous avons l'ambition de participer activement à ce grand moment de la vie publique. Ce temps sera propice à décrypter pour nos lecteurs les grands débats et les enjeux de ces élections.

Pour nous, ce sera également l'occasion d'aller à la rencontre de ce qu'on a appelé un temps la  France profonde . Celle qu'on entend peu, qu'on voit peu et qui ne prend pas la parole. Elle est pourtant très active par ailleurs. Ils sont artisans, petits entrepreneurs, instituteurs, employés et animent les associations et les paroisses. Nous voudrions donc leur donner la parole afin qu'ils nous expliquent quels sont les attentes et les problèmes réels des Français. Il s'agit de redonner la parole à tous les Français : les familles, les vieux, les jeunes, ceux des campagnes, ceux des villes ou des quartiers difficiles. Qu'est-ce qu'ils espèrent encore et de quoi ils désespèrent ? Nous voulons plonger, avec et pour nos lecteurs, dans les forces vives de la France !

 

Propos recueillis par A.B.

 

 

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