Nos coups de coeur
Le Travail à visage humain
Voici un livre qui déroute. On est vite désarçonné par certaines dissertations psychosociologiques, très érudites, qui sonnent mal avec de vigoureuses analyses, très stimulantes et sur lesquelles il faut rester.
"L'ambivalence du travail, nous disent par exemple les auteurs, apparaît dans le fait qu'il permet à l'homme de se comprendre et de se structurer dans un engagement créatif et personnel, mais qu'en même temps il lui procure une occasion de se fuir dans la jouissance de l'efficience, du pouvoir et de la maîtrise ou de la mainmise sur les choses et les êtres " (p.
62).
Ce livre est en effet une mine pour tous ceux dont le désir d'avoir n'a pas étouffé la vitalité. Il frappe juste en situant la racine de la violence dans la peur de soi, dans la peur de l'être que l'on est et qu'on refuse d'être. Et il nous libère du cercle vicieux par lequel l'homme qui considère qu'il est impossible de combattre tel mal, s'y soumet librement, s'y conforme, perd ses convictions et s'engage peu à peu dans une dérive irresponsable : quelle démission !
Oui, la décision est le lieu de " l'humanisation " du travail, de l'éradiction de la violence que nous nous faisons à nous même, et à ceux qui travaillent pour nous, par peur de nous-mêmes.Les auteurs ouvrent cette philosophie du management sur une perspective biblique : " Sans projet politique, [le Nouveau Testament] proposait les conditions sine qua non d'une organisation humaine universelle et concrète, mais essentiellement dépendante pour cela de son lien à Dieu et au Christ. Il s'agissait d'abolir progressivement les logiques de pouvoir, non en prétendant les éradiquer par un pouvoir (celui de Dieu, de la pensée, du discours, des structures ou des institutions) mais en invitant chaque homme à la conversion de sa peur —racine de la violence du pouvoir — en une confiance intelligente d'amour envers Dieu, le prochain et le monde " (p. 157).A. P.-T.Article paru dans >I>Liberté Politique N°13
