[Source : Renaissance Catholique]
Conférence de Mgr Schneider, évêque auxiliaire d’Astana (Kazakhstan)
Quand Notre-Seigneur Jésus-Christ a prêché les vérités éternelles il y a deux mille ans, la culture et l’esprit qui régnaient à cette époque lui étaient radicalement opposés. Concrètement, le syncrétisme religieux, le gnosticisme des élites intellectuelles et la permissivité morale étaient particulièrement contraires à l’institution du mariage. “Il était dans le monde, mais le monde ne l’a point connu” (Jean I, 10). Une grande partie du peuple d’Israël, en particulier les grands prêtres, les scribes et les pharisiens, rejetèrent le magistère de la Révélation divine du Christ et jusqu’à la proclamation de l’indissolubilité absolue du mariage : “Il est venu parmi les siens, mais les siens ne l’ont pas reçu” (Jean I, 11). Toute la mission du Fils de Dieu sur terre consistait à révéler la vérité : “C’est pourquoi je suis venu dans le monde, pour rendre témoignage à la vérité” (Jean 18, 37).
Notre-Seigneur Jésus-Christ est mort sur la Croix pour sauver les hommes des péchés, s’offrant lui-même en parfait et agréable sacrifice de louange et d’expiation à Dieu le Père. La mort rédemptrice du Christ contient également le témoignage qu’Il donnait de chacune de ses paroles. Le Christ était prêt à mourir pour la vérité de chacune de ses paroles : “Mais maintenant vous cherchez à me faire mourir, moi qui vous ai dit la vérité que j’ai entendue de Dieu. Pourquoi ne comprenez-vous pas mon langage ? Parce que vous ne pouvez écouter ma parole. Vous avez pour père le diable, et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement, et il ne se tient pas dans la vérité, parce qu’il n’y a pas de vérité en lui. Lorsqu’il profère le mensonge, il parle de son propre fonds ; car il est menteur et le père du mensonge. Et moi, parce que je dis la vérité, vous ne me croyez pas. Qui de vous me convaincra de péché ? Si je dis la vérité, pourquoi ne me croyez-vous pas ?”… (Jean 8, 40-46). Jésus était prêt à mourir pour la vérité, incluant toutes les vérités qu’Il avait annoncées, y compris la vérité de l’indissolubilité absolue du mariage.
Jésus-Christ est le restaurateur de l’indissolubilité et de la sainteté originelle du mariage non seulement par sa parole divine, mais de façon plus radicale par sa mort rédemptrice, par laquelle Il a élevé la dignité créée et naturelle du mariage à la dignité de sacrement. “Le Christ a aimé l’Église, et s’est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier. […] Car jamais personne n’a haï sa propre chair ; mais il la nourrit et en prend soin, comme Christ le fait pour l’Église, parce que nous sommes membres de son corps. C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair. Ce mystère est grand ; je dis cela par rapport à Christ et à l’Église ! ” (Eph. 5, 25.29-32). C’est pour ce motif que les paroles suivantes de la prière de l’Église s’appliquent aussi au mariage : “Dieu qui d’une manière admirable avez créé la dignité de la nature humaine et l’avez restaurée d’une manière plus admirable encore”.
Les apôtres et leurs successeurs, en premier lieu les pontifes romains, successeurs de Pierre, ont saintement gardé et fidèlement transmis la doctrine non négociable du Verbe Incarné sur la sainteté et l’indissolubilité du mariage, et aussi bien dans la pratique pastorale. Cette doctrine du Christ est exprimée dans les affirmations suivantes des apôtres : “Que le mariage soit honoré de tous, et le lit conjugal exempt de souillure, car Dieu jugera les impudiques et les adultères.” (Hébreux 13, 4) et “A ceux qui sont mariés, j’ordonne, non pas moi, mais le Seigneur, que la femme ne se sépare point de son mari ; si elle est séparée, qu’elle demeure sans se marier ou qu’elle se réconcilie avec son mari, et que le mari ne répudie point sa femme” (1 Cor. 7, 10-11). Ces paroles inspirées par l’Esprit-Saint furent toujours proclamées dans l’Église durant deux mille ans, servant d’indication qui oblige, et de norme indispensable pour la discipline sacramentelle et la vie pratique des fidèles.
Le commandement de ne pas se remarier après s’être séparé de son conjoint légitime, n’est pas une règle positive ou canonique de l’Église, mais parole de Dieu, comme l’enseignait l’apôtre saint Paul : “J’ordonne, non pas moi, mais le Seigneur” (1 Cor. 7, 10). L’Église a proclamé ces paroles de façon ininterrompue, interdisant aux fidèles validement mariés de contracter un mariage avec un nouveau partenaire. Par conséquent, l’Église, selon la logique Divine et humaine n’a pas la compétence d’approuver ne serait-ce qu’implicitement une cohabitation more uxorio en dehors d’un mariage valide, admettant ces personnes adultères à la sainte communion. Une autorité ecclésiastique qui promulgue des règles ou orientations pastorales prévoyant une telle admission, s’arroge un droit que Dieu ne lui a pas donné. Un accompagnement et discernement pastoral qui ne propose pas aux personnes adultères (ceux que l’on appelle les divorcés remariés) l’obligation divinement établie de vivre dans la continence comme condition sine qua non pour être admis aux sacrements, se révèle en réalité un cléricalisme arrogant, puisqu’il n’y a pas de cléricalisme plus pharisien que celui qui s’arroge des droits divins.
L’un des témoins les plus anciens et sans équivoque de l’immuable pratique de l’Église romaine de ne pas accepter par la discipline sacramentelle la cohabitation adultère des fidèles encore liés à leur conjoint légitime par le lien matrimonial, est l’auteur d’une catéchèse connue sous le titre Le pasteur d’Hermas. Cette catéchèse a été écrite très probablement par un prêtre romain au début du deuxième siècle sous la forme littéraire d’une apocalypse ou récit de visions. Le dialogue suivant entre Hermas et l’ange de la pénitence, qui lui apparaît sous la forme d’un pasteur, démontre avec une admirable clarté l’immuable doctrine et pratique de l’Église catholique en cette matière : “Que fera donc le mari, Seigneur, dis-je, si la femme persiste dans cette passion de l’adultère ? - Qu’il la renvoie, dit-il, et qu’il reste seul. Mais si, après avoir renvoyé sa femme, il en épouse une autre, lui aussi alors, commet l’adultère (Mc 10,11 Mt 5,32 Mt 19,9 ; cf. 1Co 7,11). - Et si, Seigneur, dis-je, après avoir été renvoyée, la femme se repent et veut revenir à son mari, ne faudra-t-il pas l’accueillir ? - Certes, dit-il. Si le mari ne l’accueille pas, il pèche, il se charge d’un lourd péché, car il faut accueillir celui qui a péché et qui se repent […] C’est en vue du repentir que l’homme ne doit pas se remarier. Cette attitude vaut d’ailleurs aussi bien pour la femme que pour l’homme. L’adultère, dit-il, ne consiste pas uniquement à souiller sa chair : celui-là aussi commet l’adultère, qui vit comme les païens. […] Si on vous a enjoint de ne pas vous remarier, homme ou femme, c’est parce que, dans de tels cas, la pénitence est possible. Donc, mon intention n’est pas de faciliter l’accomplissement de tels péchés, mais d’empêcher que le pécheur retombe.” (Herm. Mand., IV, 1, 6-11).
Nous savons que le premier grand péché du clergé fut celui du grand prêtre Aaron, quand il céda aux demandes impertinentes des pécheurs et leur permit de vénérer l’idole du veau d’or (cf. Ex. 32, 4), remplaçant en ce cas concret le Premier Commandement du Décalogue de Dieu, c’est-à-dire remplaçant la volonté et la parole de Dieu par la volonté pécheresse de l’homme. Aaron justifiait son acte de cléricalisme exacerbé par le recours à la miséricorde et à la compréhension des exigences des hommes. La Sainte Écriture dit à ce propos : “Moïse vit que le peuple était livré au désordre, parce qu’Aaron l’avait laissé dans ce désordre, l’exposant à devenir la risée de ses ennemis.” (Ex. 32, 25).
Ce premier péché clérical se renouvelle aujourd’hui dans la vie de l’Église. Aaron avait donné la licence de pécher contre le premier commandement du Décalogue et de pouvoir demeurer sereins et joyeux dans ce péché, si bien que les gens dansaient. Il s’agissait en ce cas d’une joie dans l’idolâtrie : “Le peuple s’assit pour manger et pour boire ; puis ils se levèrent pour se divertir.” (Ex. 32, 6). Au temps d’Aaron, il s’agissait du premier commandement. De nos jours, plusieurs membres du clergé, même parmi les plus hauts placés, remplacent le sixième commandement par la nouvelle idole de la pratique sexuelle entre des personnes qui ne sont pas validement mariées, en un certain sens le veau d’or vénéré aujourd’hui par des membres du clergé. L’admission de ces personnes aux sacrements sans leur demander de vivre dans la continence comme condition sine qua non, revient, au fond, à permettre de ne pas observer le sixième commandement. Et ces ecclésiastiques, comme de nouveaux “Aaron”, tranquillisent ces personnes, leur disant qu’elles peuvent être sereines et joyeuses, c’est-à-dire continuer dans la joie à pratiquer l’adultère, en raison d’une nouvelle “via caritatis” et du sens “maternel“ de l’Église, et qu’ils peuvent même recevoir l’Eucharistie. Par une telle orientation pastorale, les nouveaux “Aaron” du clergé font du peuple catholique la risée de ses ennemis, soit du monde non croyant et sans morale, qui pourra vraiment dire, par exemple :
- Dans l’Église catholique, on peut avoir un nouveau partenaire à côté de son conjoint, et la cohabitation avec lui est admise dans la pratique.
- Dans l’Église catholique, une certaine polygamie est donc acceptée.
- Dans l’Église catholique, l’observance du sixième commandement du Décalogue, que hait tant notre société moderne, écologique et éclairée, peut admettre de légitimes exceptions.
- Le principe du progrès moral de l’homme moderne, selon lequel on doit accepter la légitimité des actes sexuels hors mariage, est finalement reconnu et accepté de façon implicite par l’Église catholique, qui a toujours été rétrograde, rigide et ennemie de la joie de l’amour et du progrès moral de l’homme moderne.
C’est en ces termes que commencent déjà à parler les ennemis du Christ et de la vérité divine, qui sont les véritables ennemis de l’Église. Par le nouveau cléricalisme aaronite, l’admission des adultères pratiquants et impénitents aux sacrements, rend les fils de l’Église catholique la risée de leurs ennemis.
Le fait que le saint qui donna le premier sa vie en témoin du Christ fut saint Jean-Baptiste, le précurseur du Seigneur, demeure toujours une grande leçon et un sérieux avertissement aux pasteurs et aux fidèles de l’Église. Son témoignage pour le Christ consista à défendre l’indissolubilité du mariage et à condamner l’adultère, sans l’ombre d’un doute ni d’une ambiguïté. L’histoire de l’Église catholique a l’honneur de compter de lumineuses figures qui ont suivi l’exemple de saint Jean-Baptiste ou ont donné comme lui le témoignage de leur sang, souffrant persécutions et préjudices personnels. Ces exemples doivent guider particulièrement les pasteurs de l’Église aujourd’hui, afin qu’ils ne cèdent pas à la tentation cléricale caractéristique de vouloir plaire davantage aux hommes qu’à la sainte et exigeante volonté de Dieu, volonté à la fois aimante et infiniment sage.
Dans la foule nombreuse de tant d’imitateurs de saint Jean-Baptiste, martyrs et confesseurs de l’indissolubilité du mariage, nous ne pouvons en rappeler que quelques-uns des plus significatifs.
Le premier grand témoin fut le pape Saint Nicolas Ier, dit le Grand. Il s’agit du conflit au IXe siècle entre le pape Nicolas Ier et Lothaire II, roi de Lotharingie. Lothaire, d’abord uni, mais non marié, avec une aristocrate du nom de Waldrade, puis uni par le mariage à la noble Theutberge pour des intérêts politiques, puis de nouveau séparé de celle-ci et marié à sa précédente compagne, voulut à tout prix que le pape reconnût la validité de son second mariage. Mais bien que Lothaire jouisse de l’appui des évêques de sa région et du soutien de l’empereur Louis, qui vint envahir Rome avec son armée, le pape Nicolas Ier ne se plia pas à ses demandes et ne reconnut jamais son second mariage comme légitime.
Lothaire II, roi de Lorraine, après avoir répudié et enfermé son épouse dans un monastère, cohabitait avec Waldrade et recourant à des calomnies, menaces, tortures, demandait le divorce aux évêques locaux pour pouvoir l’épouser. Les évêques de Lorraine, au concile d’Aix-la-Chapelle en 862, cédant aux astuces du Roi, acceptèrent la confession d’infidélité de Theutberge, sans prendre en compte qu’elle lui avait été extorquée par la violence. Lothaire II épousa donc Waldrade, qui devint reine. Il y eut ensuite un appel de la reine déposée au pape, qui intervint contre les évêques complaisants, suscitant désobéissances, excommunications, et rétorsions de la part de deux d’entre eux qui se tournèrent vers l’empereur Louis II, frère de Lothaire. L’empereur Louis décida d’agir par la force et au début de l’année 864, vint à Rome avec les armes, envahissant la cité léonine avec ses soldats, dispersant même les processions religieuses. Le pape Nicolas dut quitter le Latran et se réfugier à Saint-Pierre et se dit prêt à mourir plutôt que de permettre de mener une vie more uxorio en dehors d’un mariage valide. Finalement l’empereur céda à la constance héroïque du pape et accepta ses décrets, obligeant aussi les deux archevêques rebelles Gontier de Cologne et Thietgaud de Trèves à accepter la sentence pontificale.
Le cardinal Walter Brandmüller examine en ces termes ce cas emblématique de l’histoire de l’Église : “Dans le cas examiné, cela signifie que du dogme de l’unité, de la sacramentalité et de l’indissolubilité, enracinés dans le mariage entre deux baptisés, il n’y a pas de route qui permette de faire marche arrière, sinon celle – inévitable et pour cela à rejeter – de retenir que ce sont des erreurs dont il faut s’amender. L’attitude de Nicolas Ier, dans la discussion sur le nouveau mariage de Lothaire II, aussi conscient des principes qu’inflexible et intrépide, constitue une étape importante sur le chemin de l’affirmation de l’enseignement sur le mariage dans le milieu culturel germanique. Le fait que le pape, comme également ses divers successeurs en des circonstances analogues, se soit montré avocat de la dignité de la personne et de la liberté des faibles – c’était pour la plupart des femmes – a fait mériter à Nicolas Ier le respect de l’historiographie, la couronne de la sainteté et le titre de Magnus”.
Un autre exemple lumineux de confesseurs et martyrs de l’indissolubilité du mariage nous est offert par trois personnages historiques impliqués dans l’affaire du divorce d’Henri VIII, roi d’Angleterre. Il s’agit du cardinal saint John Fisher, de saint Thomas More et du cardinal Réginald Pole.
Quand on apprit pour la première fois qu’Henri VIII était en train de chercher des moyens de divorcer de sa légitime épouse Catherine d’Aragon, l’évêque de Rochester, John Fisher, s’opposa publiquement à de telles tentatives. Saint John Fisher est l’auteur de sept publications dans lesquelles il condamne le divorce imminent d’Henri VIII. Le primat d’Angleterre, le cardinal Wolsey et tous les évêques du pays, à l’exception de l’évêque de Rochester, John Fisher, soutinrent la tentative du roi de rompre son premier mariage qui était valide. Sans doute agirent-ils ainsi pour des motifs pastoraux et alléguant la possibilité d’un accompagnement et discernement pastoral. Au contraire, l’évêque John Fisher eut le courage de faire une déclaration très claire à la chambre des Lord, affirmant que le mariage était légitime ; qu’un divorce serait illégal et que le roi n’avait pas le droit de poursuivre dans cette voie. Dans la même session du Parlement, fut approuvé le fameux “Act of Succession”, par lequel tous les citoyens devaient prêter le serment de succession, reconnaissant la progéniture d’Henri et Anne Boleyn comme légitimes héritiers du trône, sous peine d’être coupables du crime de haute trahison. Le cardinal Fisher refusa de prêter serment, fut emprisonné en 1534 à la Tour de Londres et décapité l’année suivante.
Le cardinal Fisher avait déclaré qu’aucun pouvoir ni humain ni divin ne pouvait rompre le mariage du roi et de la reine, parce que le mariage était indissoluble et que lui-même serait prêt à donner volontiers sa vie pour défendre cette vérité. Le cardinal Fisher faisait remarquer en cette circonstance que Jean-Baptiste ne voyait pas de mort plus glorieuse que celle offerte pour la cause du mariage, et pourtant le mariage n’était pas aussi sacré à cette époque qu’il le devint quand le Christ versa son sang pour le sanctifier.
Dans au moins deux récits de son procès, saint Thomas More observa que la vraie cause d’inimitié d’Henri VIII à son égard, était le fait que Thomas More ne reconnaissait pas Anne Boleyn comme la femme d’Henri VIII. L’une des causes de l’incarcération de Thomas More fut son refus d’affirmer avec serment la validité du mariage d’Henri VIII et Anne Boleyn. A cette époque-là, contrairement à la nôtre, aucun catholique ne croyait qu’une relation adultère puisse être, en des circonstances déterminées et pour des motifs pastoraux, considérée comme un vrai mariage.
Réginald Pole, futur cardinal, était un cousin éloigné du roi Henri VIII, et avait reçu de lui dans sa jeunesse une généreuse bourse d’études. Henri VIII lui offrit l’archevêché de York s’il le soutenait dans son procès de divorce. Pole aurait dû ainsi être complice du mépris qu’Henri VIII avait pour le mariage. Lors d’un entretien avec le roi au palais royal, Réginal Pole lui dit qu’il ne pouvait approuver ses plans, pour le salut de l’âme du Roi et pour ne pas aller à l’encontre de sa propre conscience. Personne jusqu’alors n’avait osé s’opposer ouvertement au roi. Quand Réginald Pole prononça ces paroles, le roi se mit dans une telle colère qu’il saisit son poignard. Mais la simplicité candide avec laquelle parlait Pole, comme s’il avait prononcé un message de Dieu, et son courage face à un tyran, lui sauvèrent la vie.
Certains membres du clergé, suggérèrent à cette époque au cardinal Fisher, au cardinal Pole et à Thomas More d’être plus “réalistes” dans l’affaire de l’union irrégulière et adultère d’Henri VIII et Anne Boleyn et moins “noir-blanc” et qu’on pourrait peut-être faire un bref procès canonique pour constater la nullité du premier mariage. On aurait pu ainsi éviter un schisme et empêcher Henri VIII de commettre ultérieurement de graves et monstrueux péchés. Et pourtant face à un tel raisonnement, il y a un grand problème : le témoignage entier de la Parole divine révélée et de la tradition ininterrompue de l’Église disent qu’on ne peut renier la réalité de l’indissolubilité d’un vrai mariage ou tolérer un adultère qui se consolide avec le temps, quelles que soient les circonstances.
Un dernier exemple est le témoignage de ceux que l’on appela les cardinaux “noirs” dans l’affaire du divorce de Napoléon Ier, un noble et glorieux exemple de membres du collège cardinalice pour tous les temps. En 1810, le cardinal Ercole Consalvi, alors secrétaire d’État, refusa d’assister à la célébration du mariage de Napoléon Ier et Marie-Louise d’Autriche, étant donné que le pape n’avait pas pu s’exprimer sur l’invalidité de la première union entre l’empereur et Joséphine de Beauharnais. Furieux, Napoléon ordonna que les biens de Consalvi et de 12 autres cardinaux soient confisqués et qu’ils soient privés de leur rang. Ces cardinaux devraient donc se vêtir comme de simples prêtres et c’est ainsi qu’on les surnomma les “cardinaux noirs”. Le cardinal Consalvi raconta l’affaire des 13 cardinaux “noirs” dans ses Mémoires : #“Nous fûmes donc obligés, le même jour, de ne plus faire usage des insignes cardinalices et de nous revêtir de noirs, ce qui donna lieu à la dénomination des “noirs” et des “rouges”, par laquelle on désigna les deux parties du sacré Collège… Dans le premier accès, l’empereur ordonna d’abord de fusiller trois des cardinaux absents, Opizzoni, Consalvi et un troisième dont on ne sait pas le nom avec certitude (mais que l’on croit être le cardinal di Pietro), et s’étant finalement limité à moi seul, la chose ne se réalisa pas”.
Puis le cardinal Consalvi relate avec plus de détails : “Après de nombreuses délibérations entre nous treize, on arriva à la conclusion qu’aux invitations de l’empereur, au sujet du mariage, nous ne serions pas intervenus, c’est-à-dire ni au mariage ecclésiastique pour la raison énoncée ci-dessus, ni au mariage civil parce que nous estimions qu’il ne convenait pas à des cardinaux d’autoriser de leur présence la nouvelle législation, qui sépare un tel acte de la bénédiction nuptiale, ainsi qu’on l’appelle, indépendamment de ce que cet acte lui-même donnait lieu de regarder comme brisé légitimement le lien précédent, ce que nous ne pensions pas, et avec justice. Nous décidâmes donc de ne pas intervenir. Quand le mariage civil eut lieu à Saint-Cloud, les treize n’intervinrent pas. Vint le jour où se fit le mariage ecclésiastique. On vit préparés les sièges pour tous les cardinaux ; jusqu’à la fin on ne perdit pas l’espérance de les compter tous parmi les spectateurs de cet acte qui intéressait le plus vivement la Cour. Mais les treize ne parurent point. Les quatorze autres cardinaux intervinrent … Quand l’empereur entra dans la chapelle, son regard se porta d’abord vers l’endroit où étaient les cardinaux. En n’y voyant que le nombre de quatorze, son visage parut si courroucé que tous les assistants s’en aperçurent”.
“Nous nous rencontrâmes presque tous ensemble dans l’antichambre du ministre, et on nous introduisit dans son cabinet. 11 y était, ainsi que le ministre de la police, Fouché. Dès que Fouché m’aperçut : « Eh bien ! Monsieur le cardinal, s’écria-t-il, je vous ai prédit que les conséquences seraient affreuses. Ce qui me fait le plus de peine, c’est que vous soyez du nombre ! » Ils nous firent asseoir en cercle, et alors le ministre des Cultes commença un long discours qui ne fut compris que du plus petit nombre, car, parmi les treize, il y en avait à peine trois qui sussent le français. Il nous dit donc en substance, que nous avions commis un crime d’État, et que nous étions coupables de lèse-majesté ; que nous avions comploté contre l’empereur. De ce délit, interdit et puni très sévèrement par les lois en vigueur, il se trouvait dans la désagréable nécessité de nous manifester les ordres de sa Majesté nous concernant, qui se réduisaient à trois points, à savoir : 1° nos biens, soit ecclésiastiques, soit privés, nous étaient enlevés et mis sous séquestre ; nous en étions entièrement dépouillés ; 2° on nous défendait de faire usage des insignes cardinalices et de toutes marques de notre dignité, sa Majesté ne nous considérant plus comme cardinaux ; 3° sa Majesté se réservait de statuer sur nos personnes. Il nous fit entendre que quelques-uns d’entre nous seraient mis en jugement”. Nous fûmes donc obligés, le même jour, de ne plus faire usage des insignes cardinalices et de nous revêtir de noir, ce qui donna lieu à la dénomination des “noirs” et des “rouges”, par laquelle on désigna les deux parties du sacré Collège”.
Que le Saint-Esprit suscite en tous les membres de l’Église, du plus simple et humble fidèle jusqu’au Souverain Pontife, toujours davantage de courageux défenseurs de la vérité de l’indissolubilité du mariage et de la pratique immuable de l’Église en cette matière, même si une telle défense devait risquer de leur apporter de considérables préjudices personnels. L’Église doit plus que jamais s’employer à annoncer la doctrine et la pastorale du mariage, afin que dans la vie des époux et spécialement de ceux que l’on appelle les divorcés remariés, soit observé ce que l’Esprit-Saint a dit dans la Sainte Écriture : “Que le mariage soit honoré de tous, et le lit conjugal exempt de souillure” (Héb. 13, 4). Seule une pastorale du mariage qui prend encore au sérieux ces paroles de Dieu se révèle véritablement miséricordieuse, puisqu’elle conduit les âmes pécheresses sur la voie sûre de la vie éternelle. Et c’est cela qui compte !
4 décembre 2016 XXVe Fête du livre de Renaissance Catholique, Villepreux (78)
+ Athanasius Schneider, Évêque auxiliaire d´Astana, Kazakhstan