Depuis plusieurs mois, des scandales d’ordre sexuel frappent l’Eglise en France, fragilisant une institution déclinante et provoquant malaise et dégoût chez les catholiques. Cette spirale qui semble ne plus en finir nous révèle la faiblesse des hommes et particulièrement ceux qui dirigent.

Un problème de fond

 

Le 7 novembre, le président de la Conférence des évêques de France, Monseigneur Éric de Moulins-Beaufort, jetait un pavé dans la marre, évoquant onze évêques mis en cause dans des affaires de violences sexuelles. Des violences d’ordre divers qui prolongent le malaise créé par la CIASE, la Commission « indépendante » sur les abus dans l’Eglise mandatée par les évêques en 2019.

Un petit séisme en France, car l’actualité politique a rendu cette annonce relativement marginale, mais un nouveau traumatisme pour les catholiques de France. Les abus concernent des faits de nature variée et de gravité inégale mais marquent un terrible coup à la confiance qui peut être donnée aux hommes d’Eglise et particulièrement à la hiérarchie qui est ici en cause.

L’Eglise catholique, dont les pasteurs doivent en premier lieu mener les hommes vers le Salut, produirait ainsi ce qui se fait de plus ignoble dans l’humanité. A l’heure d’une perte de valeur inédite dans la société française et alors que la pauvreté est galopante, l’Eglise devrait être un refuge mais avec de tels scandales elle perd toute forme de crédibilité. Comment des hommes d’Eglise, ici des évêques, ont accepté une telle charge alors même qu’ils avaient de lourds pêchés sur la conscience ?

 

Un problème de forme

 

S’il peut paraître secondaire, le problème de la forme donnée à ces annonces nous en dit aussi long sur le problème de fond. Le président de la Conférence des évêques de France (CEF) a évoqué onze mis en cause. Les faits reprochés sont d’ailleurs très divers et ne peuvent décemment pas être mis sur un pied d’égalité (des avances inappropriées ne sont pas de même nature que des faits relevant de la pédocriminalité). Parmi les onze, on retrouve Monseigneur Barbarin, pourtant relaxé en 2020. Figure également un prélat condamné en 2001 et mort en 2018 ; pourquoi en parler aujourd’hui ?

On touche ici un problème de forme qui est l’incapacité de formuler une autocritique intelligible de la part de l’Eglise de France ; cette incapacité semble refléter une incompréhension de l’institution sur ses propres faiblesses et probablement l’incompétence crasse d’une génération d’évêques. Ces défauts de forme donnent encore plus d’épaisseur aux scandales et entretiennent l’incompréhension et même le ressentiment de nombre de catholiques.

 

Revenir au temps long et couper des têtes

 

Il s’agirait dans un premier temps de punir les auteurs avec une réelle sévérité. Certains évêques devraient probablement être réduits à l’état laïc et l’Eglise doit collaborer avec l’appareil judiciaire afin que les coupables soient jugés. Dans une période où la nature même de péché est remise en cause jusque dans l’Eglise, condamner et punir sévèrement ceux qui ont commis des actes graves est une œuvre de Salut indispensable. Pour cela, il s’agit de rompre avec le relativisme qui gangrène l’institution.

Les méthodes d’enquête controversées (notamment la CIASE) et la communication hasardeuse de la CEF doivent faire l’objet d’échanges avec les fidèles qui ne comprennent plus leur Eglise et ses méthodes. L’Eglise n’a jamais autant parlé de dialogue mais est aujourd’hui incapable de communiquer.
A courir après la modernité, elle a oublié qu’elle était une institution du temps long. L’Eglise appelle les hommes à l’éternité, elle ne peut pas se plier à la mode de l’immédiateté. La nécessité de crever l’abcès et de faire « amende honorable » dans le cas des scandales n’empêche pas de prendre le temps de la réflexion quant à la forme à donner aux communications officielles.
Un retour à l’essentiel, à ce que l’Eglise a toujours enseigné, semble plus que jamais primordial. L’enthousiasme parfois superficiel des canonisations express ou des lauriers dressés un peu vite sur la tête de catholiques « engagés » dans la cité fait des ravages (Jean Vanier, abbé Pierre, Marthe Robin) et illustre la nécessité de prendre du recul et de ne pas s’emballer comme l’époque le suggère.