Si l'on observe le fil des événements entre la démission de François Fillon et la nomination du nouveau gouvernement, le Premier ministre apparaît comme l'homme fort de l'exécutif. Une impression que l'intervention télévisée du Président, le 16 novembre, n'a pas démentie.
Alors que le Premier ministre était donné partant il y a encore quelques semaines, François Fillon se succède à lui-même. Certes Jean-Louis Borloo, l'ex-favori, ne s'est pas montré brillantissime dans les divers postes ministériels qu'il a occupés. Sa gestion de la pénurie de carburant a été plutôt calamiteuse, mais il avait pour lui un style un peu bobo et la sympathie de beaucoup de Français qui aiment les figures politiques du centre à défaut de voter pour elles.
Ces critères n'ont pourtant pas été décisifs. La raison du succès de François Fillon tient à d'autres circonstances, habilement exploitées. Le blocage de la réforme territoriale au Sénat en est probablement une.
Le Président veut cette réforme. Or François Fillon a le soutien des parlementaires et en particulier celui de six ou sept sénateurs capables de bloquer la réforme territoriale. C'était donc Jean-Louis Borloo ou la réforme. Le Président a choisi la réforme et... François Fillon.
Signe du nouvel ascendant du Premier ministre, c'est Claude Guéant, secrétaire général de l‘Élysée qui, contrairement aux usages, est venu à Matignon avec son petit carnet prendre ses ordres pour établir la composition du gouvernement. Ces moeurs ne sont pas dans les traditions de la Ve République. Manifestement, François Fillon, au plus haut dans les sondages a cessé d'être un simple collaborateur pour un Président dont la cote de popularité est au plus bas.
De fait, les arbitrages entre Nicolas Sarkozy et François Fillon se sont globalement faits à l'avantage du Premier ministre : une équipe recentrée – l'ouverture c'est finie – reflétant les sensibilités diverses de l'UMP, avec des départs et des arrivées soigneusement dosées pour ajouter à la confusion du centre et des villepinistes.
Enfin il est probable qu'il y a eu un accord entre le Président et l'ancien nouveau Premier ministre au cours d'un entretien durant lequel Nicolas Sarkozy a demandé à son fidèle Secrétaire général de sortir du bureau. Quelles ont été les conditions posées par le Premier ministre ?
Nouveau centre de gravité
Tout se passe donc comme si le centre de gravité de l'exécutif s'était déplacé de l'Elysée à Matignon.
L'intervention télévisée n'a fait que confirmer cette impression. L'exercice était difficile pour un Président affaibli dans les sondages et dont la personnalité exaspère beaucoup de Français.
Au-delà de la plaidoirie pro domo plus ou moins convaincante, Nicolas Sarkozy s'est surtout montré soucieux, au nom de l'intérêt général et au risque de sa popularité, de poursuivre les réformes en maintenant, les équilibres budgétaires et la compétitivité fiscale de la France.
Mais quelle absence, de souffle, de grandeur pour la France dans les propos ! De Gaulle disait : L'intendance suivra. On ne reprochera pas au Président d'avoir le souci de l'intendance et d'être pragmatique.
Mais conduire la France c'est aussi lui donner une mission, lui insuffler une ambition, lui proposer un dessein. Ses adversaires, de gauche comme de droite, l'accusent de ne pas avoir entendu les Français et de ne pas prendre en compte leurs souffrances. Un procès d'intention et un reproche injuste, sans doute, mais c'est la France que le Président, malgré lui, ne semble pas comprendre, ne pas voir, ne pas entendre. La suppression du malencontreux ministère de l‘Identité nationale et la fin de son calamiteux débat, sans parler de celui de la Famille, ne sont-ils pas plus que des signes : un aveu ?
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