Le décret d'application relatif à la recherche sur l'embryon et sur les cellules embryonnaires a été signé le 6 février 2006 et publié au J.O. du 7 février. Il met en œuvre la loi de bioéthique du 4 août 2004 qui avait autorisé la transgression éthique consistant à faire de l'embryon humain vivant un matériau de laboratoire.
Ce texte — très attendu ou très redouté — n'est malheureusement pas une surprise, aux réserves suivantes.
1/ Le décret passe sous silence l'interdiction législative de la recherche sur l'embryon
Tout le monde l'a peut être oublié mais la loi de 2004, dans son article L. 2151-5, premier alinéa, disposait que "la recherche sur l'embryon humain est interdite".
Ce n'est qu'aux termes du troisième alinéa que, "par dérogation au premier alinéa [...], les recherches peuvent être autorisées sur l'embryon et les cellules embryonnaires lorsqu'elles sont susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs et à la condition de ne pouvoir être poursuivies par une méthode alternative d'efficacité comparable, en l'état des connaissances scientifiques".
Or le décret passe complètement sous silence le principe de cette interdiction qui faisait de la recherche sur l'embryon une recherche subsidiaire. Sans référence au principe de l'interdiction, le décret ne fait que réglementer l'exception (l'autorisation de la recherche sur l'embryon) qui, de ce fait, apparaît désormais comme la règle.
2/ Le décret gomme les conditions posées par la loi à la recherche sur l'embryon
La loi posait – on vient de le voir - deux conditions cumulatives : des perspectives de progrès thérapeutiques majeurs et une impossibilité de poursuivre les recherches par une méthode alternative d'efficacité comparable, en l'état des connaissances scientifiques (par exemple les recherches sur les cellules souches adultes ou issues du cordon ombilical).
Mais, d'une part, le décret ne mentionne plus la condition tenant à l'absence de méthode alternative d'efficacité comparable. C'est dire à quel point les chercheurs vont être peu incités à travailler sur les cellules souches adultes ou issues du cordon.
D'autre part, le décret, dans son article R. 2151-1, donne une définition tautologique et incantatoire de la condition tenant aux progrès thérapeutiques majeurs : "Sont notamment susceptibles de permettre des progrès thérapeutiques majeurs [...] les recherches sur l'embryon et les cellules embryonnaires poursuivant une visée thérapeutique pour le traitement de maladies particulièrement graves ou incurables, ainsi que le traitement des affections de l'embryon ou du fœtus."
Or ce n'est pas en martelant que sont thérapeutiques les recherches à visée thérapeutique que la certitude thérapeutique s'accroît. Ni en détaillant la liste des bénéficiaires potentiels que la recherche sur l'embryon en deviendra plus thérapeutique pour autant.
3/ Le décret contourne l'interdiction législative de la conception in vitro d'embryon à des fins de recherches
L'article L. 2151-2 de la loi dispose que la conception in vitro d'embryons à des fins de recherches est interdite. Or, les modalités du consentement du couple — ou du membre survivant d'un couple — à la recherche sur ses embryons, telles qu'elles sont détaillées par l'article R. 2151-4 du décret, permettent la création d'embryons pour la recherche.
D'abord, lorsque le couple n'a plus de projet parental sur ses embryons surnuméraires, il peut consentir à la recherche sur ces derniers. Ce pourrait être le cas pour les 120.000 embryons humains congelés. Ensuite, lorsque des embryons in vitro ont été diagnostiqués (par diagnostic préimplantatoire) porteurs d'une anomalie, ils peuvent être donnés à la recherche. Enfin, dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation (AMP), le couple peut "consentir dans le même temps par écrit à ce que les embryons, qui ne seraient pas susceptibles d'être transférés ou conservés, fassent l'objet d'une recherche".
Mais ce dernier consentement à livrer par avance certains des embryons qui seront conçus dans le cadre d'une AMP revient à ne pas se satisfaire du stock des 120 000 embryons surnuméraires et à vouloir bénéficier d'un flux d'embryons nouveaux et frais.
Ce consentement a priori constitue donc très clairement la conception in vitro d'embryons à des fins de recherche qui avait été interdite par la loi de 2004.
4/ Le décret accentue le rôle de machine à produire de la transgression joué par l'agence de la biomédecine
Les articles R. 2151-2 et R. 2151-13 disposent que "le directeur général de l'agence de la biomédecine peut autoriser un protocole de recherche sur l'embryon ou sur les cellules embryonnaires [...]" et "autorise l'importation et l'exportation de tissus et cellules embryonnaires ou fœtaux à des fins de recherche [...]".
Au regard de la grande discrétion du décret sur les conditions restrictives posées par la loi que nous venons de rappeler – et notamment de la subsidiarité de la recherche sur l'embryon — la liberté de l'agence de biomédecine d'autoriser ou de ne pas autoriser certains projets s'exercera donc dans le champ de la recherche sur l'embryon. L'agence pourra autoriser certains projets de recherche sur l'embryon plutôt que d'autres projets de recherche sur l'embryon.
Aussi quand sa directrice générale explique que "la mission de l'agence de la biomédecine est d'assurer que les recherches sur l'embryon seront effectuées avec toutes les garanties d'éthique", il faut décrypter le message : donner la mort à l'embryon — mais en le faisant avec compétence et sans polluer l'environnement – est globalement la seule éthique du décret.
La preuve en est que l'agence, aux termes du décret, se borne à apprécier la faisabilité du protocole, la pérennité de l'organisme et de l'équipe de recherche ainsi qu'une quantité de détails matériels et de procédures qui vont des diplômes des chercheurs au respect de l'environnement, en passant par le numéro de matricule attribué à chaque embryon qui permettra d'assurer sa traçabilité, comme pour n'importe quel produit mis sur le marché.
On ne se faisait pas d'illusion sur ce texte mais on regrettera tout de même qu'il faille autant de ministres et de personnalités catholiques pour porter une telle loi, signer un tel décret et mettre en œuvre de telles mesures.
*Jean-Marie Le Méné est président de la Fondation Jérôme-Lejeune
Photo : Alain Cordier, président du Conseil d'orientation de l'Agence nationale de biomédecine (source : Assumption College, www.assumption.edu).
Mgr Vingt-Trois dénonce la supercherie et la propagande
Dans un entretien paru le 16 février dans l'hebdomadaire catholique La Vie, l'archevêque de Paris dénonce "la supercherie et la propagande" autour de la recherche sur les embryons que vient d'autoriser le gouvernement français.
"On nous fait rêver d'un avenir fantasmatique où l'on pourrait guérir les maladies de Parkinson ou d'Alzheimer grâce à ces cellules souches embryonnaires. Il s'agit d'un acte de foi que l'on n'oserait même pas demander dans le domaine religieux !", s'insurge Mgr André Vingt-Trois, mettant en garde contre "la supercherie et la propagande, alors même qu'on touche au cœur de l'existence humaine".
"En France, des équipes sont déjà engagées, et avec des résultats très prometteurs, sur les cellules souches adultes, souligne-t-il. Le problème, c'est que leurs travaux sont largement ignorés et ne font pas la une des journaux."
"La France est l'un des rares pays à stocker massivement, depuis trente ans, des embryons en surnombre", explique Mgr Vingt-Trois, ajoutant : "Aujourd'hui on ne sait pas ce que ces embryons vont devenir. Va-t-on continuer longtemps à fabriquer des embryons en surplus ?"
L'enjeu est "le respect absolu de chaque être humain, quels que soient ses qualités et ses défauts", insiste-t-il, dénonçant parallèlement l'"eugénisme social" en toile de fond de récentes décisions de justice sur l'indemnisation après la naissance d'un enfant handicapé.
"Derrière ces décisions, on trouve l'idée générale qu'il serait préférable d'éliminer avant la naissance tous ceux qui ne sont pas conformes", dit l'archevêque.
Sources : La Vie - information : http://catholique-paris.fr/- Infocatho.
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