L'intervention annoncée d'hélicoptères d'attaque français trahit l'inadaptation des bombardements et laisse présager des combats encore plus meurtriers. L'Eglise s'insurge.
Plus de deux mois après le recours à la force contre le pouvoir libyen, quelque 2700 missions de bombardements ne sont pas encore venues à bout de Mouammar Kadhafi. Echec prévisible, annoncé d'emblée par nombre d'experts militaires, faute d'une intervention au sol dont il n'est toujours pas question à cause de sa dangerosité pour les attaquants et des complications diplomatiques internationales qu'elle provoquerait. C'est aux hélicoptères d'attaque français (et britanniques, si l'on en croit Alain Juppé, mais Londres n'a pas l'air pressé de confirmer) que sera bientôt confiée la tâche de traquer les canons et les blindés libyens jusqu'en zone urbaine. Nul doute qu'ils feront du beau travail – militairement parlant. Il n'empêche que cette nouvelle escalade – l'action des hélicoptères se conjugant à celle des avions – nous éloigne davantage du but officiellement poursuivi : protéger les populations.
Une guerre d'usure.
Sans doute les premières frappes aériennes ont–elles empêché l'armée libyenne de tailler en pièces les rebelles au début de l'intervention (17 mars) en provoquant un bain de sang, mais cette mission protectrice décidée par le Conseil de sécurité des Nations Unies, s'est bel et bien muée en une guerre d'usure désormais menée par l'Otan. Six semaines de frappes, même chirurgicales , ont déjà provoqué nombre de dégâts collatéraux dont la mort, le 1er mai, d'un fils de Kadhafi, de son épouse et de leurs trois enfants (Saif, 2 ans, Cartago, 3 ans et Mastura, 4 mois), n'est qu'un exemple parmi d'autres, mais emblématique. Aurait–on voulu enfermer définitivement le dictateur libyen dans sa folie jusqu'auboutiste qu'on ne s'y serait pas pris autrement.
Pour sortir de l'enlisement, l'Otan soumet Tripoli à un déluge de feu sur (Le Figaro du 25 mai) dont on se demande comment on pourrait encore le qualifier de chirurgical . C'est faire cher payer à tous les Libyens des décennies d'atermoiment et de valse hésitation de la part des occidentaux – jusqu'à tenter in fine pour des motifs économiques le copinage avec un personnage infréquentable et capable de tout, comme l'ont illustré les attentats contre les avions de la Pan Am (1988) et d'UTA (1989). C'était alors qu'il fallait mettre Kadhafi hors d'état de nuire en le ciblant personnellement (les Américains avait tenté de le faire mais déjà par un bombardement qui avait tué une fille adoptive de Kadhafi). Au lieu que l'intervention militaire actuelle, venant prêter main forte à une opposition hétéroclite et brouillonne – dont la représentativité, hâtivement reconnue par la France reste problèmatique –, a plongé la coalition puis l'Otan dans une guerre tribale. Avec pour seul résultat à ce jour une partition de la Libye (les rebelles restant fixés à l'est du pays, avec les villes de Benghazi, Misrata, Brega et Ajdabiya et, notons-le, 75% des productions pétrolières avant la guerre) et la souffrance des populations. Par-dessus le marché, les civils libyens qui cherchent refuge en Europe trouvent porte close, comme l'a dénoncé la présidente de Médecins sans frontières, Marie–Pierre Allié : Nous sommes très choqués par le double discours des dirigeants européens, a–t–elle déclaré à La Croix (23 mai). C'est au nom de la protection des civils qu'ils ont décidé de faire la guerre en Libye – mais quand ces mêmes civils fuient la guerre et arrivent en Europe, ils refusent de les protéger ! Or, il ne s'agit pas seulement d'une obligation légale – tous les pays européens ont signé la convention de Genève et se sont engagés à accueillir les réfugiés de tous les conflits – mais aussi morale : à partir du moment où l'on décide de faire la guerre, il faut en assumer les conséquences.
La contestation de l'Eglise s'amplifie.
Comment, dans ces conditions, ne pas entendre l'appel angoissé du pape pour que la voie de la négociation et du dialogue prévale sur celle de la violence et qu'une solution à la crise soit trouvée par les organismes internationaux (15 mai, lors de la prière du Regina Caeli) ? En effet, ce n'est pas seulement le nonce apostolique à Tripoli, Mgr Giovanni Innocenzo Martinelli, mais bien toute l'Eglise par la voix du souverain pontife relayée par celle du cardinal Turkson, président du Conseil pontifical Justice et Paix, qui juge l'intervention en Libye très contestable (interview accordée à l'agence de presse italienne "Ansa", le 23 mai 2011). Cette guerre doit finir vite car ses motivations ne sont pas très claires , a déclaré le cardinal. En effet, a–t–il ajouté, les civils qu'il s'agissait de défendre se trouvent des deux côtés, avec les rebelles comme avec Kadhafi . Une réalité qui avait sans doute échappé à l'inspirateur de l'intervention française, l'homme qui murmure à l'oreille du président, Bernard-Henri Lévy.
Sources : Apic, Imedia, Ami, Amc
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