Source [Conflits] : Comme les États-Unis depuis les années 1990, la Chine commence à utiliser le droit extraterritorial pour défendre ses intérêts dans l’arène internationale. Recherchant l’équilibre entre coercition et attractivité, le PCC développe un arsenal juridique puissant.
Le milieu des années 1990 a vu une évolution dans l’utilisation par les États de leurs lois pour tenter d’encadrer les activités économiques de portée mondiale. À partir de 2013, les États-Unis infligent des amendes à des sociétés étrangères – notamment européennes – pour des faits commis en dehors du territoire américain qu’ils estimaient porter atteinte à leurs intérêts aussi bien économiques que diplomatiques[1]. L’affaire de la BNP[2], et plus encore celle d’Alstom[3], leur vaut alors de vives critiques au sujet de l’extraterritorialité de leurs lois. Des craintes naissent aujourd’hui au sujet de la Chine. Ce pays, au poids économique considérable, pourrait poursuivre la même ambition extraterritoriale.
Une technique juridique devenue instrument de pouvoir
Une loi extraterritoriale est une loi promulguée unilatéralement par un État et qui concerne des situations hors de ses frontières. Bien qu’elle soit souvent contestée, cette technique juridique est de longue date considérée comme légale par le droit international[4] dans la mesure où l’État n’utilise pas, pour l’exécuter, la coercition au-delà de son territoire. Le droit pénal en fait une large application à travers le monde tant concernant les auteurs de faits répréhensibles à l’étranger que les victimes d’une agression à l’étranger. L’extraterritorialité se retrouve également dans le droit de la concurrence ou le droit fiscal.
La technique n’a cependant d’effet véritable que lorsque l’État qui l’emploie dispose sur son territoire d’actifs ou de personnes lui permettant d’exercer une coercition afin de contraindre au respect de sa loi (par des saisies ou des arrestations par exemple). Plus un État est impliqué dans le commerce international, plus il est susceptible d’héberger de tels actifs, et plus la force de sa compétence juridictionnelle s’accroît. Les États-Unis, dont la monnaie est la référence des échanges internationaux et d’où beaucoup d’entreprises de nouvelles technologies sont issues, disposent d’une capacité extraterritoriale particulièrement remarquable. La Chine, fortement intégrée au commerce mondial (bien que sa monnaie ne rencontre pas le même succès que le dollar), dispose de ce fait également d’une compétence juridictionnelle significative. La production chinoise a décuplé en 20 ans pour atteindre en 2019 les deux tiers de la valeur ajoutée produite aux États-Unis[5]. Cet accroissement s’est accompagné d’un renforcement des flux d’investissement direct à l’étranger, entrant et sortant[6].
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