Les jeux d'argent en ligne, paris sportifs et hippiques, sont désormais légaux. La nouvelle loi, adoptée le 12 mai dernier, sonne le glas d'un monopole vieux de plus de quatre cents ans. Il avait été mis en place sous François Ier. Nombreux sont ceux qui y voient une juste et bonne ouverture à la concurrence en adéquation avec les principes de l'économie libérale. Mais cet événement du marché qui était autrefois la chasse gardée de la Française des jeux et du PMU pose aussi de nombreuses questions éthiques et politiques.
Il y avait les fléaux encadrés comme le tabac et l'alcool, il faudra maintenant compter avec le jeu d'argent en ligne ! La petite famille des produits à fort potentiel addictif autorisés par la loi s'agrandit. Et le dernier rejeton n'est pas des moindres. En 2008, l'association SOS joueurs enregistrait des chiffres alarmants : d'après son rapport d'activité, 79,5 % des joueurs seraient endettés. Une statistique qui ôte toute envie de développer le jeu en France. Pourtant, l'État fait tout le contraire : avec cette nouvelle loi, il développe un marché nocif pour la santé de ses occupants, et il se sert au passage.
Comme dans le cas du tabac et de l'alcool, les taxes appliquées au jeu sont lourdes. Les gains des joueurs, par exemple, seront taxés à hauteur de 7,5 %. Ce prélèvement au profit de l'État peut jouer un rôle dissuasif — c'est sa justification officielle — mais est-ce là le prix de la santé de nos concitoyens ? Car la question de la légalisation des jeux en ligne est bien une question de santé. L'addiction aux jeux naît d'une vulnérabilité. Personne ne saurait prédire les conséquences de cette ouverture du marché. Nous sommes tous susceptibles de tomber un jour dans l'addiction en raison d'une fragilité, passagère ou non. Et si le tabac touche indirectement l'économie, l'alcool ou l'addiction au jeu, eux, peuvent très rapidement entraîner la ruine d'une famille.
Sur le site de l'association SOS joueurs , on peut lire la mise en garde suivante : Les conséquences financières et sociales sont impressionnantes : enfants, parfois en bas âge, qui ne sont plus nourris correctement, loyers impayés... L'endettement est tel, qu'une vie de travail ne suffira pas à y faire face. L'entourage familial du joueur s'endette également pour venir en aide au joueur, tout cela n'empêchant en rien la poursuite du jeu.
Et comme si cela n'était pas suffisant, dès qu'il y a un jeu sur écran (c'est bien évidemment sur l'Internet que se trouve le plus de site de jeux : leur nombre est estimé à environ six mille par SOS joueurs), il y a un risque d'addiction supplémentaire car l'outil lui-même (l'écran) contient un facteur d'addiction. Inquiétant !
Surenchère
Certes, l'ouverture d'un monopole ne rend pas légal ce qui était interdit : le jeu d'argent en France était autorisé avant cette loi. Pourtant, l'inquiétude des organismes de prévention contre les addictions au jeu est bien compréhensible. À l'époque du monopole, faute de concurrence, la publicité n'avait pour seul but que de faire connaître l'offre. Depuis le 8 juin, onze opérateurs bénéficient de l'agrément de l'Arjel (Autorité de régulation des jeux en ligne) et ce n'est qu'un début. Cela signifie que l'espace publicitaire consacré au jeu va être multiplié, au minimum par onze. On imagine l'impact sur le public, et notamment sur les plus fragiles, avec la surenchère de slogans sur l'argent facile. Il suffit pour s'en convaincre de constater l'impressionnante visibilité des paris sportifs à l'occasion de la coupe du monde de football : ils occupaient le devant de la scène dans les médias, au détriment des matchs eux-mêmes.
Le jeu en ligne existait déjà de manière illégale par le biais de sites étrangers. Certains pensent, et c'est sans doute le cas de nos dirigeants, que le développement encadré est préférable à un développement pirate qui échapperait à toutes les règles. C'est dans cet esprit qu'a été créée l'Arjel, l'organisme agréé par l'État qui distribue les licences aux sites de jeux en ligne. Son rôle est d'abord de protéger le joueur, une mission hautement louable. Cependant, il s'agit là d'une concession limitée. La multiplication des jeux d'argent en ligne coûtera, nous ne pouvons en douter, cher à beaucoup, et la santé à certains.
Depuis quand le développement économique des loisirs se justifie-t-il par lui-même, particulièrement quand il est nocif ? L'État français devait-il ouvrir le monopole des jeux d'argent en ligne, paris sportifs et hippiques, sous prétexte que ces derniers sont pratiqués de manière illégale et qu'il perd de l'argent sur des gains qu'il pourrait taxer ? Mécaniquement, l'addiction va se répandre, et c'est l'État qui sera responsable.
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