Fixer sa durée à un an, en augmenter la rémunération, et inciter à le partager entre le père et la mère : ce sont les principales propositions de réforme du congé parental, accusé notamment d'être à l'origine d'un chômage accru chez les femmes. Qu'en est-il vraiment ? Que penser de ces propositions ? Que nous disent-elles de notre société ?

État des lieux
Aujourd'hui 40% des enfants de moins de trois ans sont gardés par un parent en congé parental (dont 27% à plein temps). Le recours au congé parental augmente fortement avec le nombre d'enfants : 20% des familles prennent un congé parental au premier enfant, contre 40% au deuxième enfant et 70% à partir du troisième.
Voici en quoi consiste le dispositif actuel :

  • Un parent peut prendre un congé parental (à temps plein ou à temps partiel) rémunéré jusqu'aux six mois de son premier enfant ; le montant mensuel de la rémunération (pour un congé à temps plein) varie entre 370 et 550 € environ selon les situations.
  • La durée du congé parental est allongée à trois ans à partir du deuxième enfant, pour un montant identique.
  • À partir du troisième enfant, l'un ou l'autre parent peut également choisir de prendre un congé parental plus court et mieux rémunéré : un an seulement, avec une allocation mensuelle de 610 à 790 €.

Fin juillet, le député Michelle Tabarot (UMP-Alpes maritimes) a remis un rapport au Premier ministre sur le développement de l'offre d'accueil de la petite enfance, qui propose de réformer ce dispositif pour en supprimer trois effets pervers :

  • Pour éviter un éloignement trop long du marché du travail risquant d'aboutir à une situation de chômage, le congé parental serait porté à un an, mais il serait possible dès le premier enfant ;
  • Pour rendre le dispositif plus attractif pour les professions les mieux rémunérées (et les pères en particulier), le montant de l'allocation mensuelle serait porté à 67% du salaire brut (plafonné à 1800€) ;
  • Pour favoriser la parité professionnelle (aujourd'hui le congé parental est pris à 97,5% par des femmes), le congé serait partagé entre les deux parents, avec notamment deux mois sur 12 réservés au conjoint.

Points d'attention
Retour à l'emploi. Une précision d'envergure est nécessaire : dans quelle mesure est-on certain que le congé parental aggrave réellement le chômage des femmes ? On sait par exemple que 84% des femmes qui avaient un emploi stable avant leur congé parental l'ont retrouvé, et que le taux de chômage des femmes avant un congé parental (21%) ne diffère guère du taux de chômage après un congé parental (22%). Une étude d'impact prévue par la loi de financement de la Sécurité sociale de 2009 est attendue sur ce sujet. Ne serait-il pas intéressant d'en attendre les résultats avant de réformer le dispositif ?
Le bien des enfants. Sous couvert d'une attention accrue aux besoins du jeune enfant (jusqu'à un an), ne passe-t-on pas sous silence l'utilité d'une présence parentale pour les enfants de un à trois ans ? En un mot cette réforme qui inciterait plus de parents à prendre un congé parental plus court ne risquerait-elle pas de déshabiller Pierre (les enfants de un à trois ans) pour habiller Paul (les enfants de moins d'un an) ?

Le rôle des parents. Le discours consistant à promouvoir un meilleur partage des tâches au sein de la famille n'est-il pas au mieux utopique (il est peu probable que les pères, dont 30% ne prennent déjà pas leurs 11 jours de congé paternité , s'arrêtent deux mois complets), au pire idéologique : si l'on peut saluer et souhaiter une implication plus grande des pères dans l'éducation de leurs enfants, ne gommons pas toutefois que le père et la mère ont chacun un rôle spécifique pour lequel ils sont irremplaçables.
Laisser le choix aux familles
Proposer aux familles de prendre dès le premier enfant un congé d'un an mieux rémunéré constitue une mesure incitative tout à fait louable, à condition toutefois de ne pas supprimer la possibilité de prendre un congé plus long et moins rémunérateur. Le Mouvement mondial des mères (MMM) souligne également que raccourcir le congé parental aurait pour effet de réduire le nombre de parents bénévoles pour nombre d'associations et d'écoles (sorties scolaires, fêtes d'école...), autant d'activités qui bénéficient à l'ensemble de la société.
Cette réforme du congé parental n'est qu'une préconisation parmi d'autres du rapport Tabarot, dont l'objet est la mise en place d'un droit de garde renforcé , et où l'on peut notamment lire cette phrase éloquente :

La politique d'accueil de la petite enfance s'appuie en France sur le principe de libre choix : le libre choix est d'abord celui, pour les femmes, de s'intégrer au marché du travail.

Or assurer en vérité un libre choix consiste non seulement à aider les femmes à travailler dans de bonnes conditions, mais également à aider les femmes qui souhaitent s'occuper de leurs enfants à le faire dans de bonnes conditions. À moins, comme pourrait le laisser penser la récente remise en cause de la retraite des mères de famille [1], que l'on considère que ce travail n'est pas utile à la société ?

 

Sources :

 

[1] Cf. Roland Hureaux, Retraite des mères de famille : l'injustice et l'absurdité et Jacques bichot, Retraite des mères : et si légiférer et juger étaient des choses sérieuses ? (Décryptage, 3 septembre).

 

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