Appel de Mgr Aillet : "Le 24 mars, printemps des consciences"

[Document] - Dans une Lettre aux fidèles de son diocèse, Mgr Marc Aillet appelle à la mobilisation pour la « Manif pour tous » du 24 mars. Quand la voix de la raison n'est plus entendue, les chrétiens ne peuvent pas se taire. L'Eglise est dans son rôle en apportant sa contribution au réveil des forces morales et spirituelles de la société contre les assauts répétés de la culture de mort. L'enjeu est considérable pour le bien commun. L'heure est à la résistance, dans la justice, l'espérance et l'unité.

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LE 13 JANVIER dernier à Paris, le projet de loi Taubira de « mariage et adoption pour tous », a suscité une mobilisation sans précédent, tant par son ampleur que par la diversité des manifestants et leur motivation : on ne marchait pas pour défendre des intérêts particuliers, mais on avait conscience, de manière plus ou moins explicite, de promouvoir le bien commun de la société, un bien précieux à transmettre aux générations futures.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette mobilisation ne semble pas avoir eu d’effets immédiats sur le gouvernement : son absence presque totale de réaction a même pu s’apparenter à un certain mépris. Le débat parlementaire a été à l’image des auditions devant la commission des lois de l’Assemblée nationale : un parti-pris idéologique, un refus d’entendre la voix de la raison en tournant systématiquement en dérision les arguments avancés, une occultation des vrais enjeux pour la société, en particulier « le droit de l’enfant » au profit d’un mortifère « droit à l’enfant ». Les 700.000 pétitions déposées au CESE n’ont pas eu plus de succès. Les media qui minimisent cette mobilisation, au mépris de son ampleur inédite en France, continuent de donner la parole aux promoteurs du projet de loi qui s’en prennent avec virulence à leurs adversaires en brandissant contre eux le facile qualificatif d’« homophobes » pour les diaboliser aux yeux de l’opinion.

Face à une telle fin de non-recevoir et devant l’obstination du gouvernement, voire une certaine faillite des institutions républicaines qui apparaît de plus en plus comme un déni flagrant de démocratie, la partie est-elle perdue pour autant ? Non, et il convient de rester mobilisés, même si le doute et le découragement semblent en gagner plus d’un.

Un combat de long terme

Il reste que la mobilisation historique du 13 janvier est une lame de fond qui ne saurait se réduire à un combat à court terme, lequel demeure pour autant légitime. En effet on ne saurait être dans une logique d’affrontement ou de rapport de forces. Face au mépris et à la dérision, il n’est pas question de se laisser aller à quelque forme de violence ou d’agressivité que ce soit. C’est un combat spirituel où les ennemis ne sont pas « des êtres de chair et de sang », comme dirait saint Paul : c’est la « béatitude des doux » qui doit nous animer ; et la douceur n’a rien à voir avec la mollesse et la lâcheté, elle est même la vertu qui nous aide à convertir la violence en force d’âme. Mais il semble bien que l’on soit engagés dans une « guerre idéologique » qui entend procéder à la déconstruction de la société et à la déstructuration de la personne humaine, jusqu’à détruire son lien constitutif au Créateur, pour hâter l’avènement d’un « homme nouveau ».

Tel est bien, semble-t-il, le sens de la « réforme de civilisation » prônée par Mme Taubira, au nom de laquelle le gouvernement entend « arracher les enfants au déterminisme de la religion » (Christine Taubira à l’Assemblée nationale ») et faire de l’Éducation nationale un instrument susceptible de promouvoir une « morale laïque » pour « arracher l’élève à tous les déterminismes, familial, ethnique, social, intellectuel » (Vincent Peillon). Au bout du compte, ce projet totalitaire n’a d’autre objectif que d’imposer à l’ensemble de la société une politique hélas synonyme de « culture de mort » (promotion de l’idéologie du genre, mesures visant à faciliter l’accès des femmes à l’IVG, remise en cause annoncée de notre politique familiale et du droit de la famille, légalisation programmée de la procréation médicalement assistée , autorisation des expérimentations sur l’embryon humain, du « suicide assisté », des « salles de shoot », etc.).

Dans ces conditions, la manifestation du 24 mars ne sera pas d’abord une démonstration de force, qui chercherait à tout prix à faire plier le gouvernement, même s’il est légitime de réclamer purement et simplement le retrait du projet de loi Taubira. Car ne nous y trompons pas : adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, il doit encore être discuté au Sénat, puis vraisemblablement, revenir en seconde lecture à l’Assemblée, sans préjuger de son application, si d’aventure il parvient à franchir toutes ces étapes parlementaires. Mais il s’agit plus encore de montrer qu’il existe en France un vaste et profond mouvement de résistance spirituelle, morale, sociale et politique, sous-estimé par les organes institutionnels et les appareils de partis.

Unis sur l’essentiel

Sans doute les déclarations de certains porte-paroles de la « manif pour tous » ne sont-elles pas toujours ajustées. En même temps, leur diversité et leur profond désir de rester unis sur l’essentiel, à savoir le retrait du projet de loi, sert ce mouvement de résistance, au-delà des divergences d’approches. Je sais bien aussi que la date retenue, due à des contraintes indépendantes de la volonté des organisateurs, pourrait gêner les catholiques qui entrent en ce dimanche 24 mars dans la grande semaine sainte.

Toutefois, devant l’importance de l’enjeu, j’encourage les fidèles du diocèse qui le décideront en conscience et en auront la possibilité, à se rendre à Paris le 24 mars. Moi-même, je célèbrerai la Messe anticipée du dimanche des Rameaux, le samedi 23 mars à 18h à la cathédrale Sainte-Marie de Bayonne et je les accompagnerai afin de manifester ma sollicitude de pasteur pour leur légitime engagement : pour vous, je suis évêque, mais avec vous je suis chrétien… et citoyen !

L’Église n’a certes pas vocation à se lancer dans la bataille politique, mais son rôle est bien de réveiller les forces morales et spirituelles de la société. Mon intervention se situe dans cette ligne. Comme évêque et en conscience, je ne saurais me soustraire à ma mission prophétique. Comme le Pape Benoît XVI nous le rappelait, lors de notre visite ad limina : « Dans les débats importants de société, la voix de l’Église doit se faire entendre sans relâche et avec détermination. En continuant  d’exercer comme vous le faites la dimension prophétique de votre ministère épiscopal, vous apportez dans ces débats une parole indispensable de vérité qui libère et ouvre les cœurs à l’espérance. » « Garante de la culture de l’humain », qui est née, comme le rappelait notre pape émérite, « de la rencontre entre la Révélation de Dieu et l’existence humaine », l’Église a quelque chose à dire sur l’homme, précisément parce que l’homme a été créé à l’image de Dieu, fondement ultime de sa dignité, et parce que « le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le Mystère du verbe incarné » (Vatican II). La manifestation du 24 mars, comme celle du 13 janvier, doit être l’expression d’un véritable printemps des consciences.

Un enjeu considérable

Je n’oublie pas pour autant les souffrances des personnes homosexuelles et de leurs familles, pour lesquelles l’Église a une longue expérience d’accompagnement pastoral. Je ne veux pas non plus minimiser les nombreuses situations de précarité économique et sociale engendrées par la crise actuelle, pour lesquelles des solutions politiques tardent à être trouvées et qui exigent de notre part un engagement redoublé en ces jours de carême. Mais le projet de loi de mariage et d’adoption pour tous représente un enjeu considérable pour l’avenir de notre société et c’est pourquoi je me permets d’insister sur la juste mobilisation qu’il réclame.

En vous engageant d’abord à la prière, car « l’action déborde toujours de la prière » (Marthe Robin), je vous propose de consacrer le vendredi 22 mars à une journée de jeûne et de prière à cette intention.

Avec mes sentiments dévoués dans le Christ et Son Église.

+ Marc Aillet, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron,
le 13 mars 2013

 

Source :Diocese-bayonne.org