Nos coups de coeur
Le titre de l’ouvrage que Roland Hureaux consacre à la figure de Jésus Christ se réfère à la dimension historique de la vie de Jésus Christ, pas nécessairement opposée à la foi. Bon connaisseur de l’Antiquité romaine, l’auteur, en historien, s’efforce d’insérer la vie de Jésus dans la continuité du contexte politique, économique et social de son temps.
Considérant que la principale source reste les quatre Evangiles, il pose par hypothèse que ses auteurs, juifs imbus du 8e commandement « Tu ne porteras pas de faux témoignage », ont voulu faire un récit véridique. Les faits sont pour lui plus importants que l’interprétation symbolique, trop souvent le moyen d’évacuer la question de la vérité .
Jésus de Nazareth, roi des juifs est la pancarte (titulus) que Pilate affiche en haut de la croix. En abrégé INRI.
Le livre insiste d’abord sur la dimension royale de Jésus, prenant au sérieux le titre de « fils de David » et donc héritier légitime du trône d’Israël que la foule attribue à Jésus sans que personne ne le lui refuse. Hérode moins que personne qui fait tout pour éliminer un rival potentiel. Pilate y insiste aussi « Crucifierai-je votre roi ? ». Le titre de messie, en revanche, est vivement contesté.
Dans la Judée du Ier siècle, avoir une origine illustre et un métier modeste (charpentier) n’était pas incompatible, les Juifs, à la différence d’autres peuples, n’interdisant pas aux plus illustres d’exercer un métier manuel.
L’auteur insiste également sur la dimension juive de la figure de Jésus, démontant de fausses oppositions, comme celle de la Loi et des Béatitudes. Parmi les groupes auxquels se heurte Jésus, les Pharisiens sont à la fois les plus hostiles et les moins éloignés : l’expérience politique de l’auteur lui a appris comment les petites différences font souvent les grands affrontements.
Fidèle à la loi juive, Jésus la comprend différemment des Pharisiens : une meilleure hiérarchie des commandements, un retour à ce qui en fait la raison d’être : le sabbat est fait pour l’homme et non l’inverse. Il en durcit certains : indissolubilité du mariage, interdiction de haïr, de jurer. L’idée que Jésus serait venu adoucir la Loi et y ajouter le commandement de l‘amour et la miséricorde (déjà très présente dans a Loi juive) est fausse.
Comme chez les Maccabées, puis les Pharisiens, les Zélotes ou les Esséniens, l’attachement à la loi est pour aussi Jésus une manière de résister à la toute puissance de la civilisation hellénistique dominante. Mais, pas plus que les Pharisiens, il n’envisage une révolution violente.
Hureaux tente de comprendre ce qui a déterminé la mise à mort de Jésus, exécutée par l’autorité romaine à la demande du grand prêtre Caïphe : plus que son enseignement, la crainte que l’agitation qu’il suscitait ne rompe le pacte « colonial » entre la puissance romaine et les élites juives.
S’y ajoutent le fait anthropologique (non spécifique aux Juifs), décrit par René Girard du caractère sacrificiel de toute royauté ou encore l’hostilité naturelle des bureaucrates (scribes) et des leaders charismatiques.
Sur toute une série de questions, l’auteur tente d’apporter des éclairages inédits :
Le jeune homme riche ne serait-il pas Saul, le futur Saint Paul ?
Les paraboles sont-elles un enseignement à la portée du peuple ou au contraire une manière cryptique de parler, réservée aux initiés ?
Jésus était un surdoué : quelles langues savait-il, outre l’hébreu et l’araméen : le grec, le latin et les autres langues de la région ?
Pourquoi les Esséniens sont-ils absents des Evangiles ?
Les frères de Jésus étaient-ils de vrais frères ou des cousins ?
Jésus Christ a une relation très particulière, quoique chaste[1], avec les femmes, en particulier Marie Madeleine, ce qui suppose que, contrairement aux légendes pieuses, il ait pris à un moment donné ses distances avec sa mère Marie.
La couverture est illustrée par un tableau peu connu d’Honoré Daumier, Ecce homo, le célèbre caricaturiste du XIXe siècle.
[1] Dès le début de sa vie publique, Jésus fait l ‘objet d’une étroite surveillance. Ses ennemis reconnaissent eux-mêmes qu’on ne put rien lui reprocher sur le plan des mœurs.