Nos coups de coeur
Les grandes familles religieuses ont été largement parties prenantes de la Grande Guerre. Leurs responsables, qu’ils soient chrétiens, musulmans ou juifs, ont accompagné toutes les dimensions du conflit : de la légitimation de la guerre au soutien à la mobilisation des peuples belligérants, en passant par la charité à l’égard des victimes, voire des appels à la paix. Or, jusqu’à présent, aucun historien n’avait traité ce thème à l’échelle du monde en guerre, un défi que Xavier Boniface a relevé.
Au début du XXe siècle, les religions entretiennent avec le monde qui les entoure des rapports renouvelés, à l’exemple du catholicisme social ou de la démocratie chrétienne qui cherchent à « aller au peuple ». La guerre allait confirmer leur vitalité, mais aussi leur autorité morale auprès des populations, comme le montre leur position ambivalente à l’égard du conflit.
Intégrées dans les sociétés contemporaines et soucieuses de prouver leur fidélité patriotique, les Églises justifient la guerre, allant parfois jusqu’à parler de guerre sainte et de croisade, relayant les propagandes nationales et soutenant les Unions sacrées : l’évêque d’Amiens, Mgr Dizien, commente l’appel à l’union du président de la République, Poincaré, dans un sermon à la cathédrale dès le 15 août 1914 ; des aumôniers militaires de différentes confessions accompagnent toutes les armées mobilisées. Cet engagement multiforme des religions dans le conflit favorisera après la guerre des rapprochements œcuméniques et, en France, la réconciliation entre les Églises et la République.
À l’échelle internationale, les Églises appellent aussi à la paix : le pape Benoît XV propose une paix blanche, sans vainqueur, ni vaincu, en 1917. Mais ils ne sont pas écoutés, et ils sont même parfois durement contestés. Les religions cherchent également à tempérer la violence de la guerre, à prêcher l’apaisement et la modération, à l’image des fidèles impliqués dans des œuvres humanitaires.
Dans les deux camps en présence, l’auteur observe les évolutions spirituelles des combattants et des civils, ainsi que les attitudes des hiérarchies confessionnelles. Il montre les initiatives religieuses, comme celles du Vatican, en faveur de la paix et du respect des populations. Mais il pointe aussi le rôle parfois ambigu des hommes de foi, prompts à justifier la guerre et ses horreurs. En privilégiant le fait religieux, à travers ses composantes géopolitique, sociale, politique, culturelle et théologique, il décale notre regard sur la Grande Guerre.
Jean Voisin
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