Non sans audace, Laurent Wauquiez s’est rebellé contre la loi du 20 juillet 2023[1] visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols dont l’objectif est « zéro artificialisation des sols » (ZAN).
Artificialisation : toute modification de l’état végétal d’une parcelle, par la construction soit d’une maison, soit d’équipement publics et privés.
Cette rébellion ne manque pas de bonnes raisons.
[1] Cette loi fait suite à d’autres allant dans le même sens.
Une loi absurde
D’abord parce que la nouvelle loi est absurde ; elle repose sur des présupposés faux, le principal étant que la France verrait ses terres agricoles et son espace naturel menacés par la prolifération des constructions. Ce risque existe d’autant moins aujourd’hui que le nombre d’installations de jeunes agriculteurs, est en chute libre (un problème autrement plus grave que l’artificialisation) et que des dizaines de milliers d’hectares agricoles retournent à la friche. Il faut vraiment n’être jamais sorti de Paris pour imaginer, comme ceux qui sont à l’origine de cette loi, que la France risque le trop plein de constructions. Elle est déjà parmi le grand pays celui qui a la plus faible densité de population. Les espaces verts, sans implantation humaine, y sont considérables, notamment dans le Massif central : voir l’autoroute A 89 entre Clermont-Ferrand et Brive-la-Gaillarde : 180 km sans aucune présence humaine.
Ensuite, au point où en est la population française, les anticipations de croissance sont limitées. La surface « artificialisée » ne pourra s’accroitre qu’à la marge.
Il faut le rappeler à ceux qui craignent le « mitage » (belle expression qui assimile l’homme un insecte nuisible), c’est-à-dire les constructions isolées ? Il ne faut certes pas revenir aux excès passés mais rien ne justifie pas la rigueur actuelle, une rigueur qui ne cesse de se renforcer, au fur et à mesure que diminue le risque.
Des consignes qui viennent de haut
Derrière ce souci de préserver l’espace, la volonté des instances internationales comme le Forum de Davos ou le GIEC de limiter la place de l’homme dans la nature en ne permettant pas les constructions hors des seules métropoles et si possible en hauteur. Plus l’agglomération sera petite, plus la nouvelle loi s’appliquera avec rigueur, ce qui laisse entendre que la dispersion de l’habitat, une réalité historique millénaire de notre pays n’appelle que des regrets et, faute de pouvoir être abolie, doit être arrêtée.
Le dossier doit aussi mentionner au passage le rappel de certaine autoroutes inutiles. Toulouse -Castres est aujourd’hui contestée à tort ou à raison mais quelle est la fréquentation de Pau-Langon ?
Si cette loi est appliquée, les conséquences en seront dramatiques
Contre le monde rural
D’abord pour la ruralité. Thierry Coste va jusqu’à parler du « plan secret de nos élites contre le monde rural ».[1] Les villages seront désormais gelés à leur population actuelle ; pas un pavillon ne pourra être construit à leur périphérie. Cette position se conjugue avec le gel des dotations pour les communes petites et moyennes, toute augmentation étant réservée aux structures intercommunales destinées, sans qu’on l’avoue, à prendre un jour la place des communes.
Ce blocage apparait particulièrement désespérant pour les jeunes ménages, « Entre la fin du prêt à taux zéro et la zéro artificialisation nette des sols, on a tué le pavillon individuel » (Robin Rivaton). Ajoutons la forte hausse des taux. Ce que beaucoup de leur grands-parents et parents ont fait : s’installer dans une maison à eux pour y fonder une famille est un rêve qui leur est désormais interdit. Toute une génération sera privée d’habitat individuel. C’est là un changement majeur[2] .
Ne nous étonnons, pas que le vote de cette loi coïncide avec une nouvelle chute drastique de la fécondité qui ramène celle de la France très en dessous du seuil de reproduction des générations. Cela en conformité avec les consignes du Forum de Davos pour lequel, la maison individuelle, l’individualisme, la classe moyenne et sans doute l’esprit de liberté que tout cela implique sont à combattre. Une antienne répétée non seulement par les milliardaires qui règnent là-haut mais aussi par des ministres écologistes français, comme Emmanuelle Wargon pour qui le pavillon individuel est un « non-sens écologique ».
Orientation catastrophique enfin pour l’emploi en milieu rural (au sens large, incluant petites et moyennes villes). Il suppose une adéquation qui se fait automatiquement dans les grandes villes entre les emplois, la main d’œuvre et les logements. Le développement, des emplois en milieu rural, si nécessaire après tant de délocalisations sera entravé par l’impossibilité de loger les jeunes salariés. Autre moyen de concentrer le développement économique, s’il y en reste, dans les grandes villes.
Même si la lutte contre l’ « artificialisation » des sols est une mauvaise cause, le ministre de l’Environnement est fondé à dire que si Laurent Wauquiez veut se présenter à l’élection présidentielle, il doit respecter la loi.
Une crise du système représentatif
Par derrière cette contradiction, comment ne pas voir une crise de la démocratie représentative.
D’autres lois que la base conteste ont été votées par le Parlement. D’abord la loi sur l’eau qui prévoit de créer dans chaque département un établissement unique chargé de gérer l’eau de toutes les communes, alors même que la situation actuelle : une gestion décentralisée entre les communes ou les établissements intercommunaux ne présente aucun inconvénient et que personne sur le terrain ne demande qu’elle change. Ses conséquences sont prévisibles : une gestion plus loin du terrain, le recrutement de centaines voire de milliers de fonctionnaires nouveaux pour faire marcher la nouvelle machine, un prix de l’eau au consommateur beaucoup plus élevé (alors qu’on se préoccupe, dit-on, de maintenir le niveau de vie). La loi n’est pas encore appliquée mais elle est refusée par la quasi-totalité des maires.
Sur le même registre, presque tout l’édifice intercommunal, création technocratique s’il en est, suscite pourtant des murmures. Les grandes communautés de communes sont devenues des machines bureaucratiques couteuses qui ne donnait satisfaction à personne. Peu de maires de base qui ne dise que les choses marchaient aussi bien et à moindre coût au temps où il n’y avait que des syndicats de communes ( SIVOM ou SIVU) .
La réforme de 1992 (loi Joxe) qui a mis fin à l’ancien système ne visait à résoudre aucun problème car il n’y en avait pas : elle avait un but idéologue : mettre en place une structure dans laquelle, malgré elles, les communes se fondraient progressivement par le transfert progressif de compétences.
Conformisme et passivité
La plupart des lois qui ont été votées et dont les maires ne veulent pas, n’auraient pas dû l’être, particulièrement par le Sénat, supposé représenter les collectivités locales.
Que l’assemblée soit de gauche ou de droite, toute une technocratie nationale et européenne, s’évertue à faire adopter par les parlementaires des lois élaborées selon leurs propres schémas de pensée, lesquels suivent souvent, des principes d’origine internationale (pas seulement la commission européenne, qui la plupart du temps exécute de directives venues d’ailleurs : Davos, GIEC, OMC, OMS etc.).
Que ces manœuvres réussissent si bien, est l’effet des consignes des partis dont les dirigeants sont en symbiose avec la haute technocratie ; elle est aussi l’effet de la passivité coupable de la plupart des parlementaires.
Les dernières sénatoriales ont montré comment le processus électif a favorisé presque partout le conformisme et la docilité vis-à-vis de l’appareil bureaucratique. Ceux qui sont passés sont souvent le moins à même de répondre aux revendications unanimes de maires. Ceux qui auraient pu opposer quelque résistance à ces appareils ont rarement passé la barre.
Ce conformisme généralisé fait toute la valeur de la révolte de Laurent Wauquiez. Il a raison de demander au pouvoir de réviser la loi du 20 juillet 2023. Mais c’est toute la procédure législative qu’il faut revoir pour rendre sa signification à la démocratie représentative.
Roland HUREAUX
[1] Plon 2023
[2] Même si une partie des anciennes générations vivait en collectif.