Quel discernement pour l’Église aujourd’hui ?

Poser la question quel discernement suppose qu’on puisse l’atteindre. Peut-on y répondre aujourd’hui sans une lumière et une force particulière ?

Pour discerner le temps météorologique, il faut au moins pouvoir relever la tête afin d’humer l’air et sentir circuler le vent. Le catholique est écrasé à chaque nouvelle d’évêque défaillant, et dont la liste est égrenée comme si l’on voulait faire brûler l’Église à petit feu ! Il lui semble ne pouvoir qu’adopter les sentiments et la gestuelle de la Vierge Marie éplorée à La Salette (1846). Certes « il est naturel que ce qui est faillible défaille quelque fois[1]» ainsi que l’enseignait celui dont on fête le 7e centenaire de la canonisation (1323), saint Thomas d’Aquin (†1274), le docteur commun de l’Église. Même s’il s’agit seulement de « quelque fois », trop, c’est trop ! Seul l’Esprit-Saint peut conduire à la lumière nécessaire pour obtenir un redressement convaincant. Il faut le supplier de la donner pour le bien de l’Église sans que celle-ci soit assujettie par des groupes de pression ce qui serait bien plus grave qu’un affaissement laxiste de la vie morale déjà déplorable en lui-même.

Le but de cette réflexion ne consiste pas à dénoncer un mal que tous condamnent, ni à le minimiser, ni même à s’accorder sur un prétendu droit statistique à l’erreur dans une institution aussi vénérable et pérenne que l’Église en France, mais sur le discernement simple qu’on se trompe souvent en formulant mal un constat. « L’illusion et l’erreur sont pour une grande part dans la vie humaine[2]. »

Par elle-même la vie ordinaire et particulièrement médiatique disperse en raison d’un pluralisme de pensées déformantes qui divisent les opinions publiques, et les chrétiens en particulier. « L’erreur a des formes multiples, tandis que la vérité n’a qu’un visage[3]. » Cet avis d’un Père de l’Église n’exclut pas « la pluriformité légitime » (Synode extraordinaire de 1985) des expressions de la vérité attestée par le Magistère, mais son but est de ramener au visage du Christ, unique et unifié, qui dit le vrai. C’est donc la Parole de Dieu, au centre de l’annonce de la Vérité, qui indique ce visage du Christ puisque Jésus, le Verbe de Dieu, s’est identifié avec la Vérité (cf. Jn 14, 6) ; et qu’en outre pour les croyants à leurs « yeux ont été dépeints les traits de Jésus Christ en croix » (Ga 3, 1). Le péché est la cause des traits défigurés du Christ en sa Passion. Pour tout discernement vraiment ecclésial la Passion rédemptrice en est le point névralgique ce qui apparaît impensable aux yeux du monde.

Ce discernement est possible puisque le Christ le promet par sa Parole. Il convient dans un premier temps de reprendre confiance dans cette certitude de foi. Le contexte social doit ensuite être analysé avec des clés de lecture justes car il conditionne et ne détermine pas les actes malgré tous les montages sociologiques analysés. Un lobby, enfin, s’est probablement emparé de l’appareil directeur de l’Église et veut la faire capituler à l’air du monde, le Zeitgeist (esprit du temps), qu’il ne faut pas confondre avec les « signes des temps » (Si 42, 18 ; Mt 16, 3). La situation actuelle contre l’ordre moral objectif, « un ordre fixé par Dieu » (Vatican II, Gaudium et spes, 74, 3) que décryptait plus généralement saint Jean-Paul II sous le thème du refus de Dieu au titre de méta-tentation[4] ne peut être gommée d’un revers de main. Néanmoins il sera laissé à chaque lecteur le soin de prolonger chaque conclusion pour éviter que ce texte puisse être pris comme un brûlot contre qui que soit.

I L’Écriture assure que le croyant peut discerner avec clairvoyance

Alors que le pape François d’origine jésuite offre depuis fin août 2022, dans la tradition ignatienne, une série d’enseignements sur le discernement individuel que propose plus généralement l’Écriture sur le discernement collectif, celui qui concerne l’humanité prise globalement ? Il convient de distinguer sans les dissocier Ancien et Nouveau Testament.

Ancien Testament

L’histoire biblique débute par un mauvais discernement, tel celui de l’enfant qui ne discerne pas encore le bien du mal (cf. Dt 1, 39)[5], et surtout la connexion morale nécessaire entre un bon moyen utilisé et une bonne finalité.

Gn 3, 6 : « La femme vit que l’arbre était bon à manger et séduisant à voir, et qu’il était, cet arbre, désirable pour acquérir le discernement(katanoèsai). Elle prit de son fruit et mangea. Elle en donna aussi à son mari, qui était avec elle, et il mangea. »

Dieu, lui, discerne selon ses critères propres en allant directement au cœur de chacun (cf. 1 S 16, 7)[6] et il donne d’abord aux anges sauvés (cf. 2 S 14, 17)[7], puis aux hommes croyants les moyens de discerner ce qui vient de Dieu et ce qui n’en vient pas (cf. Dt 18, 21-22)[8]. Le Pasteur d’Hermas (2e siècle) reprendra cette première manière de discerner au sein de l’Église.

Dans l’Exode, un sens nouveau, autre usage du concept de discernement en lui étant connexe, est celui de discrimination : on dit du Seigneur qu’il discerne Israël de l’Égypte (cf. Ex 11, 7)[9], etc. Le discernement conduit donc à un détachement, à un traitement spécial, à une mise à part. Ce sera l’élection, le mode d’agir de Dieu vis-à-vis des hommes, pour le salut du plus grand nombre. Cela annonce l’usage qu’en fera le Nouveau Testament[10].

L’Ancien Testament aboutit à ce que l’homme en vienne à toujours désirer la sagesse[11] qui englobe en elle le bon discernement :

 « Car c’est une nation aux vues courtes, privée de discernement. S’ils étaient sages, certes ils aboutiraient, ils sauraient discerner leur avenir. »(Dt 32, 28-29)

C’est ce que le Roi Salomon demandera à Dieu dans sa prière, c’est-à-dire la sagesse-discernement, demande qui sera exaucée (cf. 1 R 3, 9-11). Malheureux homme il ne persévérera pas dans le bien discerné ! Le bon discernement n’est pas la garantie d’un bon agir.

Nouveau Testament : deux verbes

 

Dans l’évangile le verbe discerner est en premier utilisé deux fois par Jésus lui-même, sous la plume de saint Luc, en Lc 12, 56. Ce n’est pas encore discerner au point de juger/trancher (krinein ou diakrinein), mais c’est l’apparition d’une opinion forte qui surgit dans l’esprit, par suite d’une mise à l’épreuve ou d’une forte interrogation que la situation empirique provoque.

« Jésus disait encore aux foules : “Lorsque vous voyez un nuage se lever au couchant, aussitôt vous dites que la pluie vient, et ainsi arrive-t-il. Et lorsque c’est le vent du midi qui souffle, vous dites qu’il va faire chaud, et c’est ce qui arrive. Hypocrites, vous savez discerner (dokimazein)le visage de la terre et du ciel ; et ce temps-ci alors, comment ne le discernez-vous pas ?” Mais pourquoi ne jugez-vous pas par vous-mêmes de ce qui est juste ? »

Il convient de noter que la foi conduit à cette même attitude de clair-obscur : on adhère avec des raisons en faveur de ce à quoi on adhère déjà avec la fermeté de la volonté ainsi que l’enseignait saint Augustin et les scolastiques[12]. Une certitude d’adhésion volontaire à cause de la Vérité révélée et non pas celle d’une évidence.

Il se trouve d’autres usages de dokimazein qui convergent dans le Nouveau Testament avec la même nuance que pour la foi :

1/ Ph 1, 9-10 : « Et voici ma prière : que votre charité croissant toujours de plus en plus s’épanche en cette vraie science et ce tact affiné qui vous donneront de discerner (dokimazein) le meilleur et de vous rendre purs et sans reproche pour le Jour du Christ. » Le meilleur implique qu’on puisse s’arrêter à ce qui est simplement bon.

2/ Rm 12, 2 : « Et ne vous modelez pas sur le monde présent, mais que le renouvellement de votre jugement vous transforme et vous fasse discerner (dokimazein) quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait. » Il se trouve une gradation dans l’énumération finale.

3/ Ep 5, 10 : « Discernez (dokimazontes) ce qui plaît au Seigneur ». Cela renvoie au texte qui précède.

Cette forme n’exclut pas l’usage plus classique et plus absolu de discerner/trancher une affaire :

En 1 Co 12, 8-11 : « À l’un, c’est un discours de sagesse qui est donné par l’Esprit ; à tel autre un discours de science, selon le même Esprit ; à un autre la foi, dans le même Esprit ; à tel autre les dons de guérisons, dans l’unique Esprit ; à tel autre la puissance d’opérer des miracles ; à tel autre la prophétie ; à tel autre le discernement (diakriseis) des esprits ; à un autre les diversités de langues, à tel autre le don de les interpréter. Mais tout cela, c’est l’unique et même Esprit qui l’opère, distribuant ses dons à chacun en particulier comme il l’entend. » Il existe de bons et de mauvais esprits, il convient de trancher.

En He 5, 14 : « les parfaits, eux, ont la nourriture solide, ceux qui, par l’habitude, ont le sens moral exercé au discernement (diakrisin) du bien et du mal ».C’est en particulier la loi morale qui est ici visée.

Au total il ressort de cette brève analyse qu’il existe deux verbes pour discerner : d’une part, discerner-juger (diakrinein), ce serait le rôle du Magistère d’interpréter les événements, de trancher sur le bien et le mal en général ; et d’autre part, discerner plus à tâtons (dokimazein) en un appel au sens de la foi(sensus fidei) que possède tout fidèle du Christ qu’il soit membre de la hiérarchie ou pas. Il se trouve dans ce deuxième cas du plus et du moins dans le fait de trouver et de faire la volonté de Dieu. C’est à ce deuxième niveau que se situe tout le discernement que cet article propose.

L’Écriture assure au total que la réflexion chrétienne peut jouir dans l’Esprit d’un possible bon discernement.

II Analyse catholique du contexte social pour mieux la comprendre

Qu’est-ce qui semble empêcher le chrétien de bien discerner au point de recourir à l’analyse de corps étrangers à l’Église pour se substituer à elle ?

1/ Certains pensent que l’Église subit un vieillissement général de la communauté catholique ce qui induit en elle deux attitudes morales sociologiques, de l’ordre de l’affaissement dans le « politiquement correct », en somme la voix des moutons de Panurge mais qui peuvent se situer en deux camps visibles, comme on le constate dans les journées de préparation sur le prochain Synode.

Il se trouverait pour faire court les racornis et les ramollis. Voilà ce qu’en dit un philosophe qui a su distinguer ces deux attitudes différentes : « Quelque chose de pire que le vieillard frileusement blotti dans le passé (et que dans ce qui se trouvait de plus passager dans ce passé) et systématiquement rebelle à toutes les nouveautés [en somme le racorni] : [face à lui donc] le vieillard qui, par une espèce de peur infantile de passer pour retardataire, se laisse emporter sans discernement par tous les courants de l’opinion et de la mode. “Il faut être à la page, il faut rester jeune”, chevrote-t-il [en somme le ramolli] en écho aux derniers rugissements de l’actualité. Le ramolli est encore plus pitoyable que le racorni, car il n’offre qu’un semblant d’accueil au présent alors que l’autre au moins lui oppose un vrai refus[13]. »

Entre racorni et ramolli, il faut demander à l’Esprit Saint d’être préservés de l’une et l’autre tare ; mais ce que suggère le philosophe chrétien cité c’est que l’homme sain, le catholique d’aujourd’hui, devrait préférer mieux entendre le racorni, celui qui tient aux principes, au ramolli, celui qui suit sans discernement l’esprit mondain.

La distinction est récurrente au cours des siècles : « Il faut réformer les hommes par les réalités sacrées et non les réalités sacrées par les hommes[14] » s’insurge le légat pontifical, le cardinal Egidio de Viterbe, à l’ouverture du concile Latran V, 1512, s’exprimant au nom du pape de l’époque, au moment donc du début de la réformation protestante. Déjà les sages de l’antiquité romaine avaient noté : Animum debes mutare, non caelum (SÉnÈque, Lettre à Lucilius, 28, 6 : « l’âme doit changer, non le Ciel »). Pour les catholiques, il faut réformer les mœurs et non la foi ni la Tradition innervée par la foi ! Mais la tentation est récurrente qu’en voulant améliorer les mœurs on s’en prenne à la foi ou à la Tradition.

2/ Du côté des ramollis, de ceux qui voudraient réformer la foi, on trouve actuellement les vieux 68ards, donc une attitude intellectuelle incrustée depuis mai 1968 qui ne dépérit pas malgré les ans. Il faut dire que l’espérance de vie augmentant la présence de personnes marquées par cette idéologie dure plus que les générations précédentes.

Le cardinal Giacomo Biffi (†2015) à Bologne notait à leur propos la puissance idéologique qui ne peut plus discerner le vrai parce qu’elle ne le veut décidément plus et ne le peut plus : « L’idéologie ne se rend jamais, quelle que soit l’évidence de la réalité effective qui la dément[15]. »

À ce propos, le prophète concorde avec ce constat, par exemple en Jr 6, 16 : « Ainsi parle le Seigneur : Arrêtez-vous sur les routes et voyez, renseignez-vous sur les chemins de jadis : quelle était la voie du bien ? Suivez-la et vous trouverez le repos pour vos âmes. Mais ils ont dit : “Nous ne la suivrons pas !” »

Alors que le chrétien est appelé à discerner sur d’autres critères que sociologiques, en particulier sur le modèle de l’eucharistie qui opère comme la marque qui conduit à distinguer le vrai du faux. Saint Paul l’exprime en premier.

« Paul exige avec force que ceux qui vont communier qu’ils s’examinent eux-mêmes : “Celui qui mange et qui boit, s’il ne discerne (diakrinôn) le corps du Seigneur, mange et boit sa propre condamnation” (1Co 11, 29). Celui qui veut que le christianisme ne soit qu’une heureuse nouvelle, qu’il ne comporte aucune menace du jugement, celui-là le falsifie. La foi ne renforce pas la superbe de la conscience endormie ni l’autosuffisance de ceux qui font de leurs désirs la norme de leur vie et qui, ne concevant la grâce que comme acquiescement de Dieu à tous les désirs de l’homme, dévalue ce faisant à la fois Dieu et les hommes[16]. »

Pour le catholique l’eucharistie est à la croisée de tous les mystères de la révélation, il devient ainsi l’étalon pour arbitrer des théories originales et évaluer des pensées nouvelles.

« Bref, l’Eucharistie est le résumé et la somme de notre foi : “Notre manière de penser s’accorde avec l’Eucharistie, et l’Eucharistie en retour confirme notre manière de penser” (IrÉnÉe, Adv. hær. 4, 18, 5) » (CEC, 1327).

Discernons dans l’Esprit Saint les temps présents : où l’évangile est-il annoncé, là l’Esprit demeure. En tout cas, pas dans le wokisme, le féminisme, l’idéologie gender ou LGBT, le transhumanisme orgueilleux, l’antispécisme.

3/ Pourquoi veut-on faire taire l’Église en s’attaquant à sa tête ? Sans doute pour faire taire un rempart à ces idéologies car le sens du réel y est préservé. Alors on envoie des mouches à fumier pour détruire sa crédibilité.

Le chrétien ne se contente pas d’être bon en météo : si le vent est d’Ouest il va pleuvoir, s’il vient du Sud il va faire chaud. Il supplie que l’Esprit le réveille et l’éclaire sur le temps présent ! À qui profite le crime de la médisance, de la calomnie ?

Si certains ont à faire leur mea culpa, cela devrait se faire sans voyeurisme. On assiste publiquement à des « des contritions plus sales qu’un péché » (Charles Péguy, Ève)[17]. Des journaux se délectent dans le voyeurisme. A-t-on oublié que Jésus n’exige de la femme adultère que « va et ne pèche plus » (Jn 8, 11) ! Et au bon larron, il déclare : « Aujourd’hui tu seras avec moi en Paradis » (Lc 23, 43) sans demander un retour sur le passé désormais dépassé au contact du Christ Sauveur. Vient ici à point nommé le commentaire de Bossuet qui manifeste l’absence totale d’exigence de retour sur le passé dans le cœur de Jésus : « Aujourd’hui quelle promptitude, avec moi quelle compagnie, en paradis quel séjour[18]! »

Autre avis de deux contemporains pressentant la dévastation décadente en cours : « Texte de [Michel] Foucault sur l’aveu[19] : “Nous sommes devenus une société avouante… On avoue ses péchés, on avoue ses crimes… on avoue son passé et ses rêves. On s’emploie, avec la plus grande exactitude, à dire ce qu’il y a de plus difficile à dire… On en avoue en privé et en public […] … L’homme en Occident est devenu une bête avouante.” La société devient ainsi un confessionnal de plein vent où l’aveu sans repentir tient lieu d’absolution. Il faut souligner la part de l’exploration de l’inconscient dans ce dévoilement de l’âme. On a éliminé le mystère d’en haut ; après quoi on a supprimé, en l’éclairant, le mystère d’en bas. Le ciel fermé et l’égout grand ouvert…[20]. » C’est un appel à respirer de nouveau un air saint car si le Ciel n’est plus accessible sociologiquement par le biais de la « vraie religion » (Vatican II, Dignitatis humanæ, n. 1), la bassesse charnelle reprend vite le dessus.

Il y a eu certes un relâchement dans les coursives : un air de printemps où tout semblait permis après la victoire de 1945, avec l’implantation en France des mœurs américaines. La réaction catholique n’a pas été assez forte pour défendre la religion dite pure : « La religion pure et sans tache devant Dieu notre Père consiste en ceci : visiter les orphelins et les veuves dans leurs épreuves [on dirait aujourd’hui les personnes en risque d’être abusées ou de l’avoir été], se garder de toute souillure du monde [ne pas céder à l’impureté sous toutes ses formes, même légalisées]. »(Jc 1, 27).

Sur l’impureté de certains des ministres et des religieux et laïcs catholiques, cela s’explique, outre le péché originel et ses séquelles qui sont de génération en génération, c’est-à-dire la concupiscence appelée le fomes peccati (foyer du péché), s’ajoute le fait d’avoir trop inspiré pour certains l’air du temps : les journaux d’opinion, deux ans après la loi qui permet de tuer des innocents dans le ventre de leur mère, Le Monde et Libération, prônaient la libération sexuelle, la pédoperversité sous le nom anodin inventé par eux de pédophilie : Le Monde, 26/01/1977 ; Libération, 27/01/1977 ; surtout Le Monde, 23/06/1977.

En particulier pour les ministres du culte, ils ont été manipulés au point de pouvoir leur faire dissocier leur vie publique et leur prétendue vie privée, comme pour de simples mauvais hommes politiques. On leur a affirmé qu’il leur fallait, pour comprendre le souffle de l’Esprit, analyser les signes des temps, avoir tous les jours à la main le journal quotidien et la bible de l’autre ! (Karl Barth). Mais avec quel journal ! Certainement pas ceux cités plus haut qui n’ont pas même commencé à faire amende honorable publique de leur incitation à la dépravation.

Le prêtre ne peut maintenir une vie privée, même dans sa propre famille, qui serait autre que sa vie presbytérale. Le prêtre peut prendre des temps de recul, de retraite, sur le modèle du Christ, il demeure prêtre du Seigneur où qu’il soit. La prière personnelle, celle des Heures, en particulier n’est pas un repli sur soi :

Nous-mêmes, en tant que personnes de prière, nous prions pour représenter les autres, accomplissant ainsi un ministère pastoral de premier degré. Il ne s’agit pas de se retirer dans le privé, mais c’est une priorité pastorale, une action pastorale dans laquelle nous-même devenons à nouveau prêtres, nous sommes à nouveau remplis par le Christ, nous incluons les autres dans la communion de l’Église en prière et, dans le même temps, nous laissons émaner la force de la prière, la présence de Jésus Christ dans ce monde (Benoît XVI, Freising, Jeudi 14 septembre 2006).

Un prêtre ne peut avoir d’espace privé, car il est toujours avec le Seigneur ou avec le peuple (François, Rome, Congrès sur la formation du clergé, cinquante ans après la promulgation des décrets conciliaires Optatam totius et Presbyterorum ordinis, 20 novembre 2015).

Ces ministres abusés dans leur esprit – la schizophrénie provoquée par le départ entre vie publique et vie privée – se sont mués en « ceux qui boivent de nouveau à la coupe salée de la convoitise » (OrigÈne, Sur Josué, 4, 2) sur fond de nouvelles structures de péché du corps tout entier : le divorce depuis 1945, la pornographie partout, la contraception chimique, l’avortement, le mariage homosexuel [précisons que l’Église engage au respect des homosexuels mais condamne les actes intrinsèquement mauvais], et bientôt l’euthanasie.

Le problème d’une structure de péché, la banalisation du mal selon l’expression de la philosophe Hannah Arendt, c’est qu’ « à force de tout voir on finit par tout accepter, à force de tout accepter on finit par tout approuver » (selon Augustin)[21].

On prétend que face à cette société permissive, les clercs ont pu être tentés par le cléricalisme ? Peut être définie et « qualifiée de “cléricale” toute action défendant les intérêts du clergé[22] ». On disait avec un discernement critique : « propter vitam vivendi perdere causas (pour conserver sa vie en perdre les raisons) » alors que l’homme sage vivait en conformité à un autre adage : « potius mori quam fœdari (plutôt mourir que déchoir) ». Il ne faut pas négliger totalement ce facteur de l’homme intéressé. Mais tout cela est bien relatif au péché originel, et se décline avec humour : « Homo homini lupus (Plaute), sacerdos sacerdote lupior » (l’homme est un loup pour l’homme, le prêtre est encore plus dur pour un autre prêtre).

Il semble qu’une autre raison du silence complice vient plus profondément du manque de cohérence évangélique qu’on rencontre partout où il se trouve des hommes et de l’hommerie. Il se trouve celui qui ne se mouille pour rien au monde : « De minimis non curat praetor (le préteur ne se soucie pas des choses minimes) » !]. Il existe celui dont l’attitude est marquée par l’ambition ecclésiastique ou par la peur instinctive de ne pas être satisfait dans cet attrait débridé : « Tu es attaché à la vérité. Mais tu louches aussi vers le succès. Ne sais-tu donc pas que ces deux choses s’excluent ? Depuis quand peut-on à la foi plaire et dire vrai ? Il est de l’ordre que le monde te repousse, toi qui as choisi le bien que le monde ignore et déteste. Si tu en souffres trop si, tout en restant péniblement et comme à regret rivé à ta foi, tu jettes un œil chargé d’aigreur et d’envie sur les suffrages du monde, c’est que tu n’es ni très sûr ni très fier d’avoir choisi la meilleurs part…[23] ». C’est tout simplement l’esprit du monde qu’on trouve à droite ou à gauche, un peu partout.

Les clercs, et les laïcs, devraient davantage avoir à l’esprit qu’à force de ne pas vivre comme on pense [et donc comme l’enseigne l’Église], on finit par penser comme on vit et à tout justifier.

III Relecture critique d’une analyse contemporaine

Une commission récente indépendante note avec satisfaction l’évolution du droit ecclésial relatif aux abus dans les « crimes contre la vie, la dignité et la liberté humaine » (CIASE, édition en ligne p. 442)[24]. Ce primat accordé à la dignité de l’homme est constant avec la référence, en tout premier, à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948) (cf. p. 231).

Le décentrement de l’objet moral, celui du péché, et du sujet moral, celui du pécheur, vers la dignité de la victime (§ 0937) a-t-il plus de sens quand on traite de la justice, la charité et la miséricorde ? Il est vrai que la victime a été outragée objectivement et cela mérite compensation. Celle-ci se sent parfois abaissée subjectivement pour n’avoir pas résisté à l’agresseur et cela demande une guérison. Cette distinction appelle un discernement à poser en vérité. Il semble que la victime bénéficie d’un meilleur traitement objectivement en justice avec ce nouveau model. Qu’en sera-t-il subjectivement ? On peut se le demander ?

Quant à la révélation, elle tend à laisser agir à la fois Dieu qui peut guérir (cf. Jr 17, 14)[25] et exercer la justice (cf. Jr 11, 20)[26] laquelle passe instrumentalement par celle des hommes (cf. Rm 13, 1-7 ; 1 P 4, 15-17)[27]. La justice est honorée quand les lois humaines, canoniques et civiles, sont justes et appliquées au nom du principe équitable du contradictoire qui assure à chaque partie le droit de pouvoir prendre connaissance des arguments de l’autre partie sur les faits, sur le droit invoqué et sur les preuves amenées à partir desquels elle devra être jugée.

Le péché[28] est absent dans l’évaluation de cette commission (CIASE) alors que celle-ci se prononce sur de nombreux éléments de théologie morale. Un décentrement exclusif peut faire différer l’analyse critique sur le péché et le pécheur, et masquer la connexion fréquente, pas nécessairement systématique, entre la pédérastie et l’homosexualité en acte.

En amont de ce constat, qu’est-ce que la dignité invoquée partout ? L’Écriture recourt souvent à l’adjectif digne et il s’y manifeste du plus ou moins digne en tant qu’attribut du sujet (cf. Lc 15, 21) ou du plus ou moins honorable en relation avec le même sujet honoré (cf. Lc 14, 8). Le concile Vatican II (1965) ou la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948) ont négligé de définir le mot dignité, sans doute dans le fait qu’il semblait aller de soi tant il était utilisé dans l’Écriture ou dans la vie d’Après-Guerre, à la suite du mépris des dignités humaines sous le nazisme, le fascisme et le communisme.

Le Concile évoque deux fois saint Thomas pour son enseignement entier (GE, n. 10 ; OT, n. 16) qui définit la dignité, face à l’utilité orientée au profit d’un autre : « La dignité signifie la bonté d’une réalité en raison d’elle-même[29]. » La dignité renvoie donc à la bonté. Et la bonté établit un rapport vertueux à autrui (ou à soi pris comme un autre). Il existe une bonté originelle liée à la fin – à l’état natif (nascor : naître), la nature – et une autre bonté, circonstancielle[30], provenant de ce qui est obtenu par l’opération des vertus acquises ou même grâce à une distinction reçue socialement. La bonté mérite ainsi une protection morale, un honneur rendu à la dignité due à cette double origine unifiée. Manquer d’honorer cette dignité c’est offenser la justice et la charité, et souvent cela conduit à mal situer où doit porter la miséricorde.

La première dignité bénéficie d’un statut inamovible, juridique[31]. La révélation illumine pleinement cette dignité : l’homme est créé à l’image de Dieu (cf. Gn 1, 26-27). Son destin s’éclaire dans la révélation en Jésus-Christ : « le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné » (GS, 22 § 1). Le Concile note à ce niveau que la liberté de la créature « est constitutive de l’image d’être créé qui fonde la dignité de la personne » (GS, 86). La charité pour tous devrait s’exercer avec constance à ce premier niveau malgré la pression sociétale en croissance contre elle (cf. Mt 24, 12).

La seconde dignité, circonstancielle, celle des vertus et des acquis sociaux, prend appui sur la première mais demeure fragile car elle peut se perdre. Il n’existe au total aucune opposition entre vertu acquise (cf. Sg 8, 7 ; Ph 4, 8) et dignité première, entre l’homme chaste et l’homme digne. La remise en cause permanente du Catéchisme par la même commission s’avère inepte (CIASE, Recommandation 10). Bien au contraire la vertu intègre le champ plus vaste de la dignité. En raison de l’origine de chaque personne laquelle demeure digne par le seul fait d’être (cf. Jude 9)[32], la première dignité dépasse en l’intégrant la dignité seconde, celle de la vertu[33], sans jamais la dénigrer.

Or le chrétien juge le péché et le vice, pas le pécheur. Si la dignité première mérite toujours considération par un effet de la charité, la dignité seconde doit passer, elle, par le crible de la justice, ou parfois celui de la miséricorde en raison d’une vertu encore mal établie. L’indistinction entre ces deux types de dignité peut être périlleux pour saisir correctement où la justice et la miséricorde jouent leur rôle[34]. La société s’est habituée à une liberté liberticide contre le bien des enfants à naître (divorce, pilule contraceptive, avortement) à l’indistinction, la confusion : mourir dans la dignité (euthanasie)[35], émancipation par la gay pride, dignité du mariage homosexuel[36], dignité de toutes les minorités (woke) au détriment prochainement du bien commun, etc. Épouser l’esprit du siècle n’est pas un service à rendre à la vraie dignité de l’homme appelé à la conversion.

Mgr Arrieta, au Conseil pontifical pour les textes législatifs déclare « la difficulté de combiner charité et punition » (cité par la CIASE, n. 1270). En Dieu, les attributs de justice et de miséricorde ne forment qu’un, et l’Écriture a tôt noté l’abus possible dans la compréhension de la miséricorde : « Ne dis pas : “Sa miséricorde est grande, il me pardonnera la multitude de mes péchés !” car il y a chez lui pitié et colère et son courroux s’abat sur les pécheurs » (Sir 5, 6). Sans fausse tolérance (cf. Jos 24, 19)[37], ni l’omerta provoquée par une hiérarchie passive[38] (cf. Is 56, 10-11)[39], la vraie justice dénonce le péché et le vice et exige la réparation. La miséricorde relève d’un pardon accordé au pécheur dans la mesure où il se repent et prend la ferme résolution de ne plus itérer son péché et de le réparer.

La Règle pastorale de Grégoire le Grand invite à distinguer entre les pécheurs, ici le pédopervers et le pédodélinquant : « Il faut avertir ceux qui, de parti pris, sont livrés au péché, d’avoir à réfléchir prudemment que, lorsqu’ils commettent ainsi le mal par libre choix, ils attirent sur eux un jugement plus sévère. […]. Il n’y a pas de doute qu’ils eussent, en se repentant, plus aisément lavé leurs crimes s’ils étaient tombés par entraînement seul ; mais il faut beaucoup plus de temps pour extirper un vice qui s’est fortifié par suite du libre consentement du cœur. […] Et donc, parce que les péchés commis avec préméditation sont différents des autres péchés, le Seigneur ne poursuit pas tant les actes dépravés eux-mêmes que le dessein arrêté de mal faire. En effet, on pèche en action souvent par faiblesse, fréquemment aussi par manque de vigilance ; tandis que, dans les résolutions que l’on prend, c’est toujours avec mauvaise intention que l’on désobéit à Dieu[40]. » En théologie chrétienne, le délinquant ponctuel doit pouvoir bénéficier de plus de miséricorde que le pédopervers. La miséricorde se trouve toujours perdante dans le rapport de la commission uniformément concentré sur la victime. Elle occasionne la satire injuste contre la classe presbytérale innocente (à 95% ou +).

Entre le scandale et la vérité, Grégoire Ier avait désigné la vérité à préférer comme règle supérieure : « Tant que nous le pouvons sans péché, nous devons éviter le scandale au prochain. Mais si le scandale vient de la vérité, il vaut mieux laisser naître le scandale que de laisser de côté la vérité[41]. » Ces éléments de discernement, pas toujours appliqués hélas, ont forgé cependant la conscience sacerdotale et celle de la société chrétienne pendant des siècles, un autre pattern (modèle) totalement anthropo-centré provoquera un déséquilibre à la portée gravissime : « Honni l’homme qui se confie en l’homme, qui fait de la chair son appui et dont le cœur s’écarte du Seigneur !”» (Jr 17, 5).

Le concile Vatican II a offert une graduation simple, selon une échelle du maximum au très grave en considération d’un ordre moral objectif[42], en trois ou quatre temps, contre les péchés qui offensent la vie avec une évaluation finale entre l’offenseur coupable et l’offensé innocent, évaluation réalisée du point de vue, non de l’homme d’abord, mais en premier de Dieu qui dans le mystère du Verbe incarné s’associe à tout innocent : « 1/ tout ce qui s’oppose à la vie elle-même, comme toute espèce d’homicide, le génocide, l’avortement, l’euthanasie et même le suicide délibéré ; 2/ tout ce qui constitue une violation de l’intégrité de la personne humaine, comme les mutilations, la torture physique ou morale, les contraintes psychologiques ; 3/ tout ce qui est offense à la dignité de l’homme, comme les conditions de vie sous-humaines, les emprisonnements arbitraires, les déportations, l’esclavage, la prostitution, le commerce des femmes et des jeunes ; 4/ ou encore les conditions de travail dégradantes qui réduisent les travailleurs au rang de purs instruments de rapport, sans égard pour leur personnalité libre et responsable : toutes ces pratiques et d’autres analogues sont, en vérité, infâmes. Tandis qu’elles corrompent la civilisation, elles déshonorent ceux qui s’y livrent plus encore que ceux qui les subissent et insultent gravement à l’honneur du Créateur » (GS, 27, §3). La proposition de certains (CIASE, §1271-1273) de ramener le niveau “deux” ou “trois” concernant les abus sexuels, au niveau “un” par le truchement actuel du sentiment médiatique accablant, interroge. On ne change pas la morale, le droit, la « loi morale et évangélique » (GS, 74 : « lex naturalis et evangelica »)[43] sur une simple hégémonie de l’émotion médiatique. L’opinion publique n’est pas un tribunal canonique. Demain, comme aux États-Unis, il peut y avoir un retour, même partiel, sur la gravité incommensurable du niveau “un” (cf. GS, 51, §3 : « l’avortement et l’infanticide sont des crimes abominables »). Le commandement : tu ne tueras pas a toujours précédé le commandement tu ne commettras pas l’adultère dans les deux recensions de la Torah, l’enseignement de Dieu (cf. Ex 20, 13 avant Ex 20, 14 ; Dt 5, 17 avant Dt 5, 18). Par synecdoque, le crime de l’adultère résume, dans le Judaïsme et l’Église universelle, tous les péchés sexuels. Le fait d’avoir légiféré (1792 ; 1884 ; 12 avril 1945) contre l’unité et l’unicité du mariage a inévitablement amoindri la responsabilité sur la gravité de l’ensemble de ces péchés créant une nouvelle structure systémique de péché. La voilà la vraie systémie : elle naît en avril 1945 ! La boîte de Pandore est ouverte et ne se refermera pas.

Le drame des témoignages de ceux qui ont subi des abus sexuels ne laisse pas d’écœurer, mais l’abus sexuel, même si on peut l’apparenter psychologiquement à un homicide, peut être surmonté comme le narrent d’autres témoins (cf. Père Patrick C. Goujon sj, Études, n. 4286, [oct. 2021], 69-80)[44], certainement pas le meurtre-assassinat qui est sans retour. Le mot abus n’a pas été employé par certains médias ou autre (CIASE) en raison d’une symbolique faible au bénéfice du mot pédo-criminalité. L’idée positive est de reporter au maximum l’accent sur la victime, mais la révélation se tourne d’abord contre le péché (cf. Jn 1, 29), à la racine du mal. Il est plus fécond juridiquement et pastoralement d’appeler le mal par son nom en le désignant nettement : pédoperversité. Tout pédopervers, certainement à convertir, ne passe pas nécessairement à l’acte en devenant un pédocriminel.

Un contemporain (CIASE) écrit : « Un effet nocif du Catéchisme de 1992 et a fortiori du Compendium[45] est le nivellement. Considérer le viol comme un péché contre la chasteté conduit à faire de l’agresseur lui-même la victime » (CIASE, p. 340)[46]. L’agresseur devenu une victime a de quoi surprendre ! Caïn confondu avec Abel alors que le Catéchisme avait précisé aussitôt que « le viol est atteinte à la justice et à la charité » (CEC, 2356).

À l’inverse d’une attaque récurrente contre le Catéchisme, l’ACDF (Académie catholique de France)[47] note avec raison : « le Catéchisme de l’Église catholique condamne “la corruption des jeunes” (§ 2353) aussi bien que “le viol commis de la part d’éducateurs envers les enfants qui leur sont confiés” (§ 2356). Surtout, le paragraphe [du CEC n.] 2389 condamne “les abus sexuels perpétrés par des adultes sur des enfants ou des adolescents confiés à leur garde. La faute se double alors d’une atteinte scandaleuse portée à l’intégrité physique et morale des jeunes, qui en resteront marqués leur vie durant, et d’une violation de la responsabilité éducative”. » En outre, il faut confirmer ici le décalage que l’ACDF discerne dans ces propos contemporains (cf. CIASE § 0937)[48] contre la théologie universelle sous-jacente au Catéchisme ; et il faut ajouter une corruption à propos des dix autres mentions du Catéchisme péjorativement cité alors que son usage du concept de dignité s’avère considérable (117 x in CEC).

Un exemple, la liste de définitions donnée par ce qui n’est finalement qu’un Catéchisme (CEC, 2351-2356)[49] ne présume pas d’une gradualité dans la gravité, on passe du générique (luxure) aux cas particuliers dont le premier est plus développé car il peut comporter une diminution de responsabilité et sert de modèle à la suite. Ces actes ne sont pas mis sur le même plan, sinon ils auraient été énoncés linéairement. En matière de gravité maximale le CEC, bien au fait de la gradualité[50], cite justement GS, 27, §3 au n. 2322.

Mais que voulait dire le donneur de leçon, visiblement non moraliste, interrogé (CIASE § 0940) ? En théologie morale, le pécheur est certes la victime de la suggestion à laquelle il n’a pas résisté (cf. Gn 4, 7)[51]. Mais il doit finalement être qualifié de pécheur, coupable et non victime, en raison de l’acte mauvais qu’il commet puisque, s’il s’avérait libre au moment du passage à l’acte, la suggestion mauvaise demeurait toujours vincible (cf. 1 Co 10, 13)[52]. Le meurtrier n’est pas l’assassiné ! L’incompétence à s’exprimer sur les matières de la théologie morale catholique relève du relativisme ambiant dénoncé tôt en milieu ecclésial sain[53].

Un vrai « effet nocif » sociétal, systémique au vrai sens, provient du refus de se prononcer sur le péché et le pécheur. Il peut souvent exister une volonté de déculpabilisation du péché le plus grave, l’homicide-assassinat, au point de hisser d’autres péchés à un niveau de gravité plus élevé selon l’effet classique de substitution, logique d’accusation, dans la recherche d’un bouc émissaire faussement reconstruit[54].

 

Fr. Edouard Divry op

[1]                 Thomas d’Aquin, Summa theologiæ ( = ST), Ia, q. 48, a. 2, ad 3.

[2]                 Thomas d’Aquin, Summa contra Gentes (= CG), III, cap. 39, n. 4 : « deceptio et error magna pars miseriæ est ».

[3]                 Cyrille de Jérusalem, Catéchèse illuminandi 18, 1 in « Pères dans la Foi, n. 53-54 », Paris, Migne, 1993, p. 298.

[4]                  Jean-Paul II, Discours aux évêques, n. 3 (1er juin 1980), DC, tome 77, n°1788, p. 590.

[5]                 Dt 1, 39 : « Mais vos petits enfants dont vous avez prétendu qu'ils allaient être livrés en butin, vos fils qui ne savent pas encore discerner le bien et le mal, ce sont eux qui y entreront, c'est à eux que je le donnerai et ce sont eux qui le posséderont. »

[6]                 1 S 16, 7 : « Mais Adonaï dit à Samuel : “Ne considère pas son apparence ni la hauteur de sa taille, car je l'ai écarté. Les vues de Dieu ne sont pas comme les vues de l’homme, car l’homme regarde à l’apparence, mais Adonaï regarde au cœur.” »

[7]                 2 S 14, 17 : « Ta servante a dit : Puisse la parole de Monseigneur le roi donner l’apaisement. Car Monseigneur le roi est comme l’Ange de Dieu pour saisir le bien et le mal. » L’Ange pourrait être une façon de désigner Dieu lui-même.

[8]                 Dt 18, 21 « Peut-être vas-tu dire en ton cœur : “Comment saurons-nous que cette parole, Adonaï ne l’a pas dite ?” Si ce prophète a parlé au nom du Seigneur, et que sa parole reste sans effet et ne s’accomplit pas, alors le Seigneur n’a pas dit cette parole-là. Le prophète a parlé avec présomption. Tu n’as pas à le craindre. »

[9]                 Ex 11, 7 : « Mais chez tous les Israélites, pas un chien ne jappera contre qui que ce soit, homme ou bête, afin que tu saches que le Seigneur discerne Israël de l’Égypte. »

[10]                יַפְלֶ֣הEx 11, 7 (faire une différence)

Jn 9, 39 : « Jésus dit alors : “C’est pour un discernement (κρίμα) que je suis venu en ce monde : pour que ceux qui ne voient pas voient et que ceux qui voient deviennent aveugles.” » Rm 8, 29 : « Car ceux que d’avance il a discernés (προέγνω), il les a aussi prédestinés à reproduire l’image de son Fils, afin qu’il soit l’aîné d’une multitude de frères. » (cf. Rm 11, 2). Cf. 1 P 1, 20.

[11]                Cf. entre autres, pour acquérir le fait d’être avisé : Pr 1, 2-7 ; 13, 16 ; 14, 8 ; 16, 25 ; 21, 2 ; 28, 5 ; Qo 1, 17-18 ; Sir 17, 5-6.

[12]               Cf. Augustin, De Praedestinatione Sanctorum c. 2, n. 5, in PL  44, col. 963 : « Credere est cum cogitatione assentire ». Pour saint Thomas d’Aquin, cf. III Sent., d. 23, q. 2, a. 2, sol. 1, c., et ad 2 ; de Veritate, q. 14, a. 1, c., et ad 2 ; ST, Ia, q. 79, a. 10, ad 3 ; etc.

[13]                Gustave Thibon, Aux ailes de la terre : Pensées inédites, Monaco, édit. du Rocher, 2006, p. 300.

[14]                Mansi, tome 32, col. 669 D : « homines per sacra immutari fas est, non sacra per homines ».

[15]                Giacomo Biffi, Memorie e digressioni di un italiano cardinale, Sienne, Cantagalli, 2007, p. 616 (notre trad.).

[16]                Joseph Ratzinger, Congrès eucharistique de Bologne, 25 septembre 1997.

[17]                Charles Péguy, « Ève », Œuvres poétiques et dramatiques, «Nrf », Paris, Gallimard, 2014, p. 1237.

[18]                Bossuet, Premier sermon pour le Dimanche de la Quinquagésime, Paris, éd. L. Vivès, tome 8, 1862, p. 462.

[19]                “Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère” (Un cas de parricide au XIXe siècle présenté par Michel Foucault), Paris, 1973 (= Idem, Collection Folio histoire (n. 57), Paris, Gallimard, 1994).

[20]               Gustave Thibon, L’illusion féconde, Paris, Fayard, 1995, p. 110.

[21]                Le Pasteur Niemöller* (†1984), un résistant en Allemagne nazie notait avec humour l’enchaînement de la banalisation du mal :

                  Quand ils sont venus chercher les socialistes, je n’ai rien dit

                  Parce que je n’étais pas socialiste

                  Alors ils sont venus chercher les syndicalistes, et je n’ai rien dit

                  Parce que je n’étais pas syndicaliste

                  Puis ils sont venus chercher les Juifs, et je n’ai rien dit

                  Parce que je n’étais pas juif

                  Enfin ils sont venus me chercher, et il ne restait plus personne pour me défendre. »

[22]                Danilo Catellano, « Modernité et “cléricalisme” : méthodologie d’une défaite » in La dignité humaine : heurs et malheurs d'un concept malmené, Bernard Dumont, Miguel Ayuso, Danilo Castellano (dir.), Paris, édit. Pierre-Guillaume de Roux, 2020, p. 143-166, [p. 145].

[23]                Gustave Thibon, Le pain de chaque jour, Monaco, édit. du Rocher, 1945, p. 92.

[24]                 Rapport final - Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église : https://www.ciase.fr/rapport-final/

[25]                Jr 17, 14 : « Guéris-moi, Seigneur, et je serai guéri, sauve-moi et je serai sauvé, car tu es ma louange ! »

[26]                Jr 11, 20 : « Seigneur Sabaot, qui juges avec justice, qui scrutes les reins et les cœurs, je verrai ta vengeance contre eux, car c’est à toi que j’ai exposé ma cause. »

[27]                Rm 13, 1-7 : « Que chacun se soumette aux autorités en charge. Car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et celles qui existent sont constituées par Dieu. Si bien que celui qui résiste à l’autorité se rebelle contre l’ordre établi par Dieu. Et les rebelles se feront eux-mêmes condamner. En effet, les magistrats ne sont pas à craindre quand on fait le bien, mais quand on fait le mal. Veux-tu n’avoir pas à craindre l’autorité ? Fais le bien et tu en recevras des éloges ; car elle est un instrument de Dieu pour te conduire au bien. Mais crains, si tu fais le mal ; car ce n’est pas pour rien qu’elle porte le glaive : elle est un instrument de Dieu pour faire justice et châtier qui fait le mal. Aussi doit-on se soumettre non seulement par crainte du châtiment, mais par motif de conscience. N’est-ce pas pour cela même que vous payez les impôts ? Car il s’agit de fonctionnaires qui s’appliquent de par Dieu à cet office. Rendez à chacun ce qui lui est dû : à qui l’impôt, l’impôt ; à qui les taxes, les taxes ; à qui la crainte, la crainte ; à qui l’honneur, l’honneur. » 1 P 4, 15-17 : « Que nul de vous n’ait à souffrir comme meurtrier, ou voleur, ou malfaiteur, ou comme délateur, mais si c’est comme chrétien, qu’il n’ait pas honte, qu’il glorifie Dieu de porter ce nom. Car le moment est venu de commencer le jugement par la maison de Dieu. Or s’il débute par nous, quelle sera la fin de ceux qui refusent de croire à la Bonne Nouvelle de Dieu ? »

[28]                Nulle part n’est rappelé le CEC, 1487 : « Qui pèche blesse l’honneur de Dieu et son amour, sa propre dignité d’homme appelé à être fils de Dieu et le bien-être spirituel de l’Église dont chaque chrétien doit être une pierre vivante. »

[29]                Thomas d’Aquin, III Sent., d. 35, q. 1, a. 4, qc. 1, co.

[30]                Idem, ST IaIIæ, q. 20 a. 2 co ; De malo, q. 7, a. 4 co.

[31]                Idem, ST Ia, q. 2, a. 3, c : « La personne est une substance distinguée par une propriété qui ressortit à la dignité. »

[32]                Jude 9 : « l’archange Michel, lorsqu’il plaidait contre le diable et discutait au sujet du corps de Moïse, n’osa pas porter contre lui un jugement outrageant, mais dit : “Que le Seigneur te réprime !” »

[33]                Benoît XVI, Audience du mercredi : Catéchèse n. 2 sur saint Thomas d’Aquin, (16 juin 2010) : « Bien que la grâce soit plus efficace que la nature, cependant la nature est plus essentielle à l’homme » (Thomas d’Aquin, ST, IaIIæ, q. 94, a. 6, ad 2).

[34]                Cf. Thomas d’Aquin, In Mattheum, 5, 20, chap. 5, leç. 2, Marietti n. 429 : « La justice sans la miséricorde n’est que cruauté, la miséricorde sans la justice aboutit à la dissolution. » ; Bernard du Puy-Montbrun, « La Miséricorde et la justice, une double exigence », Liberté politique, n. 70, (juin 2016), p. 99-116.

[35]                Édouard Divry, « Crise de la dignité de l’homme souffrant ?», RETM, n. 240, (2006), p. 91-104.

[36]                Cf. Homosexuels catholiques, sortir de l'impasse, Préface de Sr Véronique Margron, Éditions de l’Atelier, 2012 ; Élian Cuvillier, Bénir les couples homosexuels ? Les enjeux d’un débat entre protestants, en coll. avec Charles Nicolas, Lyon, Oliétan, 2015 ; Frédéric Martel, Sodoma, Paris, Robert Laffont, 2019. Ces personnes sont référées par la CIASE.

[37]                Jos 24, 19 : « Alors Josué dit au peuple : “Vous ne pouvez pas servir le Seigneur car il est un Dieu saint, il est un Dieu jaloux, qui ne tolérera pas vos transgressions ni vos péchés. »

[38]                L’épiscopat bien formé selon les directives de Vatican II veille et avertit des déviances telles que l’obéissance indiscrète (cf. Thomas d’Aquin, ST, IIalIae, q. 104, a. 5, ad 3) ; ou le faux mysticisme érotique (cf. Idem, III Sent., d. 17, q. 1, a. 3, qc. 3, s.c. 2).

[39]                Is 56, 10-11 : « Ses guetteurs sont tous des aveugles, ils ne savent rien ; ce sont tous des chiens muets, incapables d'aboyer. Ils rêvent, restent couchés, aiment dormir. Les chiens sont voraces, insatiables, ce sont eux, les bergers incapables de comprendre. Ils suivent tous leur propre chemin, chacun, jusqu'au dernier, cherchant son intérêt. »

[40]                Grégoire le Grand, Règle pastorale, 3, 32 in PL 77, 115 ; cf. SC, n. 382, Paris, édit. du Cerf, 1992, p 495-497.

[41]                Idem, Sur Ézéchiel, livre I, homélie VII, n. 5, in SC, 327, Paris, Cerf, 1986, p. 240-241.

[42]                Cf. Vatican II, Dignitatis Humanæ, n. 7 ; Inter mirifica, n. 6 ; Jean-Paul II, Encycliques RH, n. 17 ; VS, n. 62.

[43]                La traduction du Centurion est défectueuse : « la loi naturelle et la loi évangélique » comme si elles n’étaient pas unies sous une même loi divine unifiante. La moralité ne se sépare pas de l’orientation à la grâce (cf. Père de Lubac).

[44]                Cf. le courageux témoignage du jésuite abusé dans son enfance, Patrick C. Goujon : « Il y a un travail pédagogique à faire dans l’Église pour que chacun reconnaisse les responsabilités qui ont été les siennes. L’adulte que je suis reconnaît que l’enfant que j’étais restait en contact avec ce prêtre [abuseur]. J’allais le voir quand il était là les dimanches, ça s’est passé comme ça, et je le dis aujourd’hui sans culpabilité. Un enfant qu’un adulte câline aime cet adulte – ce n’est pas une question d’abus de pouvoir. Ce n’est pas parce qu’il était prêtre que je me suis laissé prendre, comme on le laisse entendre quand on dénonce le cléricalisme, c’est parce qu’il me câlinait. C’est par l’affection que ce prêtre m’a pris au piège. Je peux assurer qu’à huit ans, ce n’est pas l’aura du prêtre qui m’attirait chez cet homme, mais le fait qu’il était câlin » (Études, n. 4286, [oct. 2021], 69-80, [p. 79]).

[45]                Le Compendium, n. 492, trop résumé se contente d’une liste et ajoute : « Commis sur des mineurs, de tels actes sont un attentat encore plus grave contre leur intégrité physique et morale. » Le texte latin n’existe pas encore : sont-ce les mineurs qui sont désignés ou les actes ? Les mineurs dans une lecture qui correspond à une écriture simple (cf. Augustin, De catechizandis rudibus).

[46]                Texte complet CIASE § 0940, audition du 15 nov. 2019 (G. Berceville) : « Un effet nocif du Catéchisme de 1992 et a fortiori du Compendium est le nivellement. Considérer le viol comme un péché contre la chasteté conduit à faire de l’agresseur lui-même la victime. Ce n’est pas possible ! Et on ne peut pas dire que se masturber ou violer revient au même, juste parce que, dans les deux cas, on perd l’état de grâce. [...] [Une] saine théologie ne conduit pas à ces amalgames, mais les caricatures sont possibles. » Il eût fallu citer au moins le Catéchisme qui au paragraphe viol (CEC, 2356) ajoute en premier par rapport à l’ordo expositionis (CEC, 2351-2356 cités infra note 46) par nature incomplet : « atteinte à la justice et à la charité » ! La lecture du Catéchisme par ce théologien s’est faite avec hostilité et dénigrement.

[47]                Analyse du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE) : https://www.youscribe.com/BookReader/Index/3257401/?documentId=4290283

[48]                CIASE § 0937 : « En théologie morale fondamentale, l’attention s’est focalisée sur la “matière” de l’acte moral, de préférence à l’évaluation de la responsabilité vis-à-vis d’autrui, ce qui a rendu possible de minimiser la gravité du viol, au regard des actes dits “contre nature” (masturbation, contraception, homosexualité). En outre, on peut noter que cette fixation de la morale sur la question sexuelle dénote un immense contraste avec l’enseignement de Jésus de Nazareth qui, dans les Évangiles, n’aborde jamais de son propre chef le thème de la sexualité. » Et pourtant, bien au contraire, cf Mt 22, 30 // Mc 12, 25 ; Mt 19, 12 ! He 13, 4 : « Que le mariage soit honoré de tous et le lit nuptial sans souillure. Car Dieu jugera fornicateurs et adultères. »

[49]                CEC : 2351 : « La luxure est un désir désordonné ou une jouissance déréglée du plaisir vénérien. Le plaisir sexuel est moralement désordonné, quand il est recherché pour lui-même, isolé des finalités de procréation et d’union.

2352 : Par la masturbation, il faut entendre l’excitation volontaire des organes génitaux, afin d’en retirer un plaisir vénérien. “ Dans la ligne d’une tradition constante, tant le magistère de l’Église que le sens moral des fidèles ont affirmé sans hésitation que la masturbation est un acte intrinsèquement et gravement désordonné ”. “ Quel qu’en soit le motif, l’usage délibéré de la faculté sexuelle en dehors des rapports conjugaux normaux en contredit la finalité ”. La jouissance sexuelle y est recherchée en dehors de “ la relation sexuelle requise par l’ordre moral, celle qui réalise, dans le contexte d’un amour vrai, le sens intégral de la donation mutuelle et de la procréation humaine ” (CDF, décl. “ Persona humana ” 9).

Pour former un jugement équitable sur la responsabilité morale des sujets et pour orienter l’action pastorale, on tiendra compte de l’immaturité affective, de la force des habitudes contractées, de l’état d’angoisse ou des autres facteurs psychiques ou sociaux qui peuvent atténuer, voire même réduire au minimum la culpabilité morale.

2353 : La fornication est l’union charnelle en dehors du mariage entre un homme et une femme libres. Elle est gravement contraire à la dignité des personnes et de la sexualité humaine naturellement ordonnée au bien des époux ainsi qu’à la génération et à l’éducation des enfants. En outre c’est un scandale grave quand il y a corruption des jeunes.

2354 : La pornographie consiste à retirer les actes sexuels, réels ou simulés, de l’intimité des partenaires pour les exhiber à des tierces personnes de manière délibérée. Elle offense la chasteté parce qu’elle dénature l’acte conjugal, don intime des époux l’un à l’autre. Elle porte gravement atteinte à la dignité de ceux qui s’y livrent (acteurs, commerçants, public), puisque chacun devient pour l’autre l’objet d’un plaisir rudimentaire et d’un profit illicite. Elle plonge les uns et les autres dans l’illusion d’un monde factice. Elle est une faute grave. Les autorités civiles doivent empêcher la production et la distribution de matériaux pornographiques.

2355 : La prostitution porte atteinte à la dignité de la personne qui se prostitue, réduite au plaisir vénérien que l’on tire d’elle. Celui qui paie pêche gravement contre lui-même : il rompt la chasteté à laquelle l’engageait son Baptême et souille son corps, temple de l’Esprit Saint (cf. 1 Co 6, 15-20). La prostitution constitue un fléau social. Il touche habituellement des femmes, mais aussi des hommes, des enfants ou des adolescents (dans ces deux derniers cas, le péché se double d’un scandale). S’il est toujours gravement peccamineux de se livrer à la prostitution, la misère, le chantage et la pression sociale peuvent atténuer l’imputabilité de la faute.

2356 : Le viol désigne l’entrée par effraction, avec violence, dans l’intimité sexuelle d’une personne. Il est atteinte à la justice et à la charité. Le viol blesse profondément le droit de chacun au respect, à la liberté, à l’intégrité physique et morale. Il crée un préjudice grave, qui peut marquer la victime sa vie durant. Il est toujours un acte intrinsèquement mauvais. Plus grave encore est le viol commis de la part des parents (cf. inceste) ou d’éducateurs envers les enfants qui leur sont confiés. »

[50]                CEC 2322 : « Dès sa conception, l’enfant a le droit à la vie. L’avortement direct, c’est-à-dire voulu comme une fin ou comme un moyen, est une “pratique infâme” (GS 27, § 3) gravement contraire à la loi morale. L’Église sanctionne d’une peine canonique d’excommunication ce délit contre la vie humaine. »

[51]                Le propos est métaphorique. Gn 4, 7 : « Si tu es bien disposé, ne relèveras-tu pas la tête ? Mais si tu n'es pas bien disposé, le péché n’est-il pas à la porte, une bête tapie qui te convoite ? pourras-tu la dominer ? »

[52]                1 Co 10, 13 : « Aucune tentation ne vous est survenue, qui passât la mesure humaine. Dieu est fidèle ; il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces ; mais avec la tentation, il vous donnera le moyen d'en sortir et la force de la supporter. »

[53]                Cf. Nova et Vetera, n. 82, (2007/1), p. 71-82. Et, sur un autre sujet dont le titre est évocateur, Joseph Ratzinger, « Le relativisme est aujourd’hui le problème central de la foi et de la théologie », La Documentation catholique, n. 2151 (1997), p. 29-57.

[54]                On le trouve, par exemple, lors de la décollation halal de l’abbé Jacques Hamel à Rouen (26/07/2016) où certains avaient présenté les agresseurs comme des victimes d’un islamisme reconstruit. Dans un autre contexte, Pierre Chaunu, « La légende noire antihispanique. Des Marranes aux Lumières. De la Méditerranée à l’Amérique. Contribution à une psychologie régressive des peuples », Revue de psychologie des peuples, t. 19 (1964/1), p. 188-223 [p. 223] (à propos de la disparition des premières nations d’Amérique) : « L’Amérique non ibérique et l’Europe du Nord se libèrent de leur crime sur l’autre Amérique et l’autre Europe. » Il est fréquent que le refus du constat de la responsabilité morale d’un crime conduit à produire des dérivatifs.