La période médiatique est au sensationnel. Rumeurs, coups d’éclats, slogans, … Tout est fait pour vendre du contenu (qui a remplacé le papier). Dans cette jungle contemporaine, la nuance a disparu au profit du sentimentalisme et de la nécessité de choisir un camp.
Le président voulait aider les entreprises « quoi qu’il en coûte » mais les contraignait aussi à produire pendant les confinements ; le chef de file des Insoumis veut combattre le RN « par tous les moyens » mais n’explique pas où s’arrêtent ces « moyens »… L’omniprésence des réseaux sociaux et les chaînes d’information en continu impliquent une nouvelle donne dans la communication politique.
La culture de l’immédiat contre le temps long de la civilisation
Les impératifs dictés par les nouveaux modes de communication induisent de synthétiser au maximum la pensée et de s’attacher à éructer des slogans. Si l’art des formules et la répartie ne sont pas des éléments nouveaux, l’accélération des moyens de diffusion et la capacité dont disposent tous les acteurs de l’information à s’exprimer immédiatement (journalistes, lecteurs, politiques, entreprises…) ont ouvert la voie à une cacophonie terrible dans laquelle il faut choquer pour être entendu.
Il est aussi devenu nécessaire d’avoir un avis sur tout et sur tout le monde. On assiste donc à un jugement permanent, notamment caractérisé par les commentaires sous les contenus, permettant à chacun de faire part de sa petite idée. Un jugement et une presque obligation d’avoir un avis sur tout qui ne laissent plus de place à la nuance. L’accélération de l’histoire envisagée par Daniel Halévy semble ici s’inscrire contre la notion de temps long nécessaire aux civilisations.
Un mouvement irrémédiable ?
Peut-on sortir de « l’hyperinformation » ? Difficile de ne pas se battre avec les armes de son temps sinon à se retrouver dans une position de reclus ou à s’isoler. Il s’agit donc probablement de mieux user des moyens modernes de communication. S’en servir, les domestiquer et en faire des outils sans que ceux-ci fassent de nous des esclaves. L’addiction à l’information et aux réseaux sociaux est prégnante dans nos sociétés. Prendre le métro parisien montre l’accaparement majoritaire des usagers sur leur smartphone. Or, l’outil numérique ne donne pas les garanties d’apprentissage et de compréhension que le papier. De toute évidence, se détacher un peu de nos écrans ne peut être que profitable.
Loin d’être un simple effet de mode, l’invasion numérique est un phénomène de société et il nous faut vivre avec sans être débordés par celle-ci. L’écrivain Rod Dreher préconisait dans son ouvrage Comment être chrétien dans un monde qui ne l’est plus. Le Pari bénédictin de faire une ascèse numérique et de dominer la machine. C’est probablement un commencement de réponse pour notre temps.
Le défi numérique n’est pas qu’économique : il implique directement notre vision du monde et nos moyens d’action tant politiques que religieux. En se gardant de gloutonnerie numérique et en ne tombant pas dans le piège du slogan ou de la petite phrase (comme cela peut arriver dans les éditos de votre serviteur), nous pourrons conserver notre nuance, un esprit vraiment critique mais aussi et surtout notre libre-arbitre.
Olivier Frèrejacques
Délégué général de Liberté Politique
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