Les élections régionales du 27 juin dernier ayant été un échec pour le Rassemblement national, il peut être riche d’enseignements d’examiner en profondeur le discours qu’a tenu Marine Le Pen en clôture du congrès du parti, le week-end dernier : comment envisageait-t-elle de rebondir, dans la perspective des présidentielles de 2022 ?
Du discours-fleuve de la présidente du parti, il s’est dégagé une énergie manifeste : Marine Le Pen n’a nullement l’intention de mettre un genou à terre. Elle a rappelé que ce scrutin des régionales avait été un scrutin hors-norme, et qu’il serait donc hâtif de tirer des conclusions définitives à partir des résultats d’une élection atypique.
Quelles sont les principales orientations se dégageant de ce discours ? Voulant tourner la page du « simplisme » et de « l’immaturité politique » – une référence à l’époque hussarde du Front national –, elle assume stratégiquement sa normalisation. L’islam, l’immigration, l’ensauvagement sont identifiés comme les ennemis de la première ligne. Sur la question européenne, Marine Le Pen entend jouer un rôle aux côtés des autres pays qui résistent et font entendre une autre voix à Bruxelles, et elle appuie en conséquence une alliance des souverainetés libres. L’identité reste aussi un axe structurant de son discours, une identité qu’elle veut assumée à l’intérieur, et rayonnante à l’extérieur, à l’inverse de ce que propose Emmanuel Macron. L’actuel président a été épinglé pour avoir bafoué avec constance la fonction présidentielle, transformant l’Elysée en une « boîte de nuit interlope », ou se ridiculisant sur le gazon du palais avec les « turlupins du web ».
Des angles morts apparaissent dans son panorama d’analyse : la bioéthique n’est pas évoquée, les dangers du lobby LGBT et de la culture mortifère qu’ils véhiculent ne sont présents qu’en filigrane. Si Marine Le Pen rend un hommage appuyé à la famille, perçue comme seul remède efficace à l’obsession de l’immigration des élites en place, la famille est pensée exclusivement sous l’angle uniquement nataliste, et non comme un modèle central devant irriguer toute la culture de la société. Finalement, dans la vision politique qui émerge de ce discours, est placé en haut de la hiérarchie des valeurs un Etat-nation tout puissant, qui ne laisse aucune place aux corps intermédiaires.
Cela étant posé, de nombreuses interrogations demeurent. Ces déclarations sont à mettre en perspective avec les multiples retournements opérés par la présidente dans les derniers mois et les dernières semaines, sur l’islam ou sur l’Europe en particulier. Dans ces conditions, que croire, qui croire ? Où est la vérité de Marine Le Pen, et où est la vérité du Rassemblement national ? Les revirements stratégiques induisent des atermoiements dans les convictions, et réciproquement. La lisibilité devient ardue… d’autant que ne sont pas mis en valeur les profils de qualité qui pourraient donner un sens à sa stratégie. La confiance accordée à l’extrême jeunesse de Jordan Bardella, la quasi-éviction de Louis Aliot, le choix de Julien Odoul comme porte-parole posent évidemment question.
Ce congrès a donc de quoi laisser perplexe, et les déclarations fermes faites à la tribune à Perpignan n’effacent pas d’un trait de plume les contradictions accumulées. Une seule chose est certaine : à l’heure où les Républicains multiplient les passes d’armes autour du mode de désignation de leur candidat, à l’heure où la question de la candidature possible d’Eric Zemmour stimule avec efficacité les rangs de la droite, le jeu reste très largement ouvert.
François Billot de Lochner
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