Gérald Darmanin fait figure de jeune premier dans le gouvernement d’Emmanuel Macron. Il a pour lui l’énergie de la jeunesse, ce qu’il faut de sérieux pour parler à une frange de la droite très attachée à la respectabilité, et « en même temps » ce qu’il faut de modernité « républicaine » pour pouvoir se mouvoir avec aisance dans le monde de la République en marche.
Le ministre de l’Intérieur, qui a pu donner l’impression de s’inspirer de Nicolas Sarkozy, son ami de toujours, son modèle, mentor et presque père, comme il le dit lui-même, en a tous les défauts, sans en avoir la poigne. L’itinéraire politique qui l’a conduit jusqu’à la place Beauvau a fait la part belle à l’arrivisme et à une extrême… plasticité idéologique : Gérald Darmanin a parfaitement intégré les canons du grand écart cher au parti gouvernemental. Devant l’Assemblée, il rappelait naguère avec fierté que son deuxième prénom était Moussa et que son grand-père priait très républicainement Allah. Aujourd’hui, il joue les matamores pour défendre son projet de loi contre les séparatismes, à coups de formules chocs comme « la contagion islamiste gangrène les quartiers ».
Avec de tels propos apparaît d’autant plus scandaleux l’acharnement qu’il met à s’attaquer aux jeunes de « Génération identitaire », le mouvement qui s’est fait une spécialité de défendre nos frontières contre l’assaut migratoire. Depuis que les partisans de Damien Rieu et de Thaïs d’Escufon ont monté une opération de communication sur la barrière des Pyrénées contre l’immigration clandestine, Gérald Moussa Darmanin n’a plus qu’une obsession en tête : les faire interdire. Quelle inconséquence ! On ne peut pas attaquer sans la moindre mesure ceux qui défendent les frontières et expliquer simultanément qu’il ne faut pas se laisser gangrener par l’islamisme : l’un ne va pas sans l’autre.
L’affaire de la dissolution des Identitaires n’est pas simple. Le dossier est un peu maigre, pour ne pas dire vide. Une expédition en montagne, fût-elle accompagnée de drapeaux et de banderoles, ne suffit pas pour obtenir la dissolution d’une organisation au motif qu’elle porterait atteinte à la sécurité de l’Etat… D’autant qu’il y a peu, Damien Rieu a été relaxé en appel par les tribunaux au sujet d’une opération du même genre menée dans les Alpes. N’en déplaise au gouvernement, les Identitaires font preuve de mesure et d’intelligence : ils n’ont pas recours à la violence et savent occuper l’espace public sans jamais le dégrader… Ils connaissent le droit, et ils savent qu’il est pour eux.
Gérald Darmanin tempère, vitupère, souhaite de toute son âme et toute son énergie dissoudre « Génération Identitaire ». Il en rêve la nuit, comme son prédécesseur Christophe Castaner, mais il n’a pour l’instant pas les moyens de le faire. Être contre l’immigration n’est pas (encore) un crime passible de prison. Nous sommes (encore) dans un état de droit, et il est (encore) assez difficile d’embastiller ses opposants politiques à coups de lettres de cachet. Sa hargne médiocre apparaît d’autant plus scandaleuse qu’ « en même temps », il laisse d’autres structures cracher leur haine et leur venin sans le moindre scrupule, à l’image de la Ligue de Défense Noire Africaine qui vomit à longueur de journée contre les blancs et l’armée française, ou appelle au meurtre de nos soldats. Elle ne risque rien, elle.
Darmanin joue un petit jeu diablement dangereux. D’abord parce si le dossier de Génération Identitaire est un peu trop vide, le sien, concernant des accusations de viol, commence à se remplir de manière significative : il n’est jamais bon de jouer les accusateurs aveugles quand on est soi-même accusé. Ensuite, parce que c’est faire preuve d’une grave méconnaissance de l’état de l’opinion, et donc, manquer de flair politique. Cette semaine, un sondage du Parisien donne Marine Le Pen à un niveau jusqu’à présent jamais atteint face à Macron, la plaçant pour la première fois dans la situation d’être éligible. C'est un signe intéressant que les Français ont atteint un seuil critique de saturation à l’égard du modèle macronien et de la bien-pensance. Dissoudre les Identitaires ? Darmanin peut s’y risquer, mais comme dirait Brecht, il va avoir un peu plus de mal à dissoudre le peuple...
Constance Prazel