Le pape François a donc décidé : il vient d’abroger le motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI qui, pour réconcilier le monde « du progrès » et celui de la tradition bimillénaire de l’ Eglise, avait ré-autorisé la messe tridentine, célébrée depuis toujours jusqu’à la réforme liturgique de 1969. C’est-à-dire qu’il autorisait ce qui n’aurait jamais dû être interdit…
Cette décision résonne comme un tremblement de terre, bien au-delà des seuls cercles de fidèles habitués à cette messe. Partout domine l’incompréhension. Incompréhension et stupéfaction. Car les termes employés par le pape, qui révèlent une nouvelle fois le problème qu’il a avec la charité, sont d’une extrême dureté.
Le couperet est tombé : il faut attendre que les derniers survivants attachés à cette forme du rite disparaissent et faire ce qu’il faut pour qu’ils ne se reproduisent pas. Une sorte de lent et sournois génocide liturgique, qui repose sur un malentendu historique : les églises « tradies » sont en effet remplies de jeunes. Manifestement, le pape n’a pas la moindre compréhension de ce qui se passe sur le terrain. Pourtant, les chiffres parlent d’eux-mêmes. A titre d’exemple, la moyenne d’âge des prêtres de la Fraternité Saint-Pierre, de l’Institut du Christ-Roi, ou de la fraternité Saint Pie X est inférieur à 40 ans. À l’inverse, la moyenne d’âge des prêtres du clergé français est quant à elle supérieure à 75 ans, l’âge théorique de leur retraite. Le moins que l’on puisse dire est que le pape François n’a pas choisi de miser sur l’avenir.
Les médias dominants ont chanté en François le pape du progrès, du dialogue, de la diversité. Sa décision récente émane d’un personnage qui prône au contraire le retour en arrière, le blocage, l’uniformité, et qui affiche un côté Ponce Pilate : les évêques auront leur mot à dire dans cette déconstruction programmée, et l’on sait d’ores et déjà ce que sera ce mot, de la part de l’immense majorité des évêques. Il est significatif que seule une toute petite poignée d’évêques français ait manifesté son intention de conserver des liens avec le monde traditionaliste… Faut-il rappeler la haine recuite exprimée récemment par un évêque français envers la fraternité Saint-Pierre ?
La tentative de coup d’arrêt qu’implique le texte pontifical à la sensibilité traditionnelle ne lésine pas sur les moyens : il ne doit pas y avoir de nouveau groupe constitué, pas de nouvelles paroisses personnelles, pas d’églises paroissiales. A une communauté en plein développement, l’on dit : « arrête de croître ». Ce qui signifie, pour des dizaines et des dizaines de milliers de fidèles, le retour à des chapelles trop exigües, à des hangars ou des salles inadaptées quand partout en Occident se pose la question douloureuse et lancinante de la multiplication des églises vides et inhabitées, promises à un avenir de disco-bar, de mosquée ou de gravats après destruction.
Pendant ce temps, l’Eglise d’Allemagne, pour ne citer qu’elle, s’enfonce dans l’hérésie, piétine le dogme, mais ne reçoit aucune admonestation à rentrer dans le droit chemin. Quand elle ne reçoit pas, en sous-main, des encouragements à continuer sa descente ininterrompue aux enfers. De même, imams et islamologues ont plus de facilité à dialoguer avec le souverain pontife que les représentants de fraternité et d’instituts à entrer en relation avec l’évêque du lieu. La diversité dont le pape François s’est fait le chantre n’est qu’une caricature grimaçante. Pour le Vatican, le multiculturalisme est une chance pour le monde, sauf s’il a pour objectif de réconcilier les cultures traditionalistes et progressistes de l’église catholique…
Soyons clairs : n’en déplaise à François, le « monde de la tradition », en dépit de la guerre vaticane qui lui est déclarée, a un bel avenir devant lui, quand l’avenir du « monde du progrès » semble nettement moins radieux.
François Billot de Lochner