La France demeure un Etat centralisé à bien des échelons : présence de l’essentiel des sièges de médias à Paris, institutions politiques naturellement localisées dans la capitale et concentration des richesses en Île-de-France.
Alors que la question de la place de l’Union européenne dans la vie de la cité demeure centrale tant Paris a concédé des pouvoirs à Bruxelles, celle des pouvoirs locaux revient en force et peut être une piste de réflexion pour envisager les équilibres politiques de demain.
Les années Macron auront été pétries de contradictions. On prendra comme exemple le plus frappant l’image de champion du centrisme européiste qui a fait exploser la dette comme aucun socialiste ne l’avait fait auparavant.
L’arrivée de ce président aux manettes a aussi rompu le bipartisme à la française et a participé de la réorganisation des équilibres politiques. Le pays est dominé verticalement par la majorité centriste et le Rassemblement National qui remportent respectivement les élections législatives et européennes ; mais la France demeure néanmoins horizontalement sous la coupe du vieux monde des socialistes et des LR. La débandade des deux vieux partis au niveau national ne s’est pas vérifiée au niveau local et les présidences de régions ainsi que de départements prennent parfois des allures de contre-pouvoirs comme des sortes de baronnies électives pour contrebalancer la prise de décision parisienne. Une tendance qui s’accroît avec le désengagement financier de l’Etat et l’instabilité ministérielle vécue au cours des sept années passées.
La subsidiarité spontanée
La dégradation accélérée du niveau du personnel ministériel, dont le balbutiant ministre des Affaires étrangères Stéphane Séjourné est l’exemple le plus frappant et la normalisation des conflits d’intérêts - dont témoigne le maintien d’Alexis Kholer comme secrétaire général de l’Élysée - sont autant d’éléments qui participent de la dégradation de la vie politique. Ces dégradations conjoncturelles ajoutées aux oppositions politiques suscitées par la nouvelle donne électorale ont mis sur le devant de la scène des présidents de régions comme la socialiste Carole Delga ou le LR Laurent Wauquiez. Le nouvel équilibre entre le pouvoir central et les régions pourrait donner des idées afin de transférer plus de compétences localement et ainsi donner leur chance à des collectivités là où l’Etat échoue.Dans ce cadre, on peut envisager des expériences diverses selon les colorations politiques et la qualité des élus sur des attributions comme la fiscalité, l’éducation ou même la gestion des services publics.
La Corse ouvre une brèche
L’obtention de plus d’autonomie par la région Corse pourrait ouvrir la voie à des mesures analogues pour d’autres collectivités. Déjà, la Bretagne a montré son intérêt et des entités comme l’Alsace et le Pays-Basque. Si les souverainistes pur-jus voient d’un mauvais œil cette dilution du pouvoir, elle peut néanmoins être source d’opportunités pour promouvoir localement des dynamiques contraires à la doxa parisienne.
Il ne s’agit pas ici de s’enthousiasmer de manière naïve mais d’envisager une ouverture. Il ne faut pas se leurrer : le déclin qui frappe la tête de l’Etat se vérifie à tous les échelons et si une décentralisation avancée peut permettre à des entités locales d’agir en faveur du bien commun, les résultats devraient être assez asymétriques selon le personnel politique disponible et selon les régions (ou les départements) envisagés. Une décentralisation heureuse apparaît par ailleurs hautement improbable sans rompre avec l’idéologie qui domine l’Etat central (taxes, logement social, millefeuille administratif, « rentabilité » des services publics…).
Faire le pari de la décentralisation - et donc le choix de la subsidiarité - implique de l’humilité et de la confiance, qualité peu courante dans l’ensemble du paysage politique. Reste que faute de décentraliser par conviction, la ruine de l’Etat central et les oppositions locales pourraient contraindre ici et là Paris à abandonner des prérogatives au profit des collectivités… A elles de se montrer à la hauteur.
Olivier Frèrejacques
Président de Liberté politique
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