Les débats autour du projet de loi de bioéthique, qui reviendra à l’Assemblée nationale pour être définitivement voté lundi 7 juin, ont fait rage ces derniers jours. Fait rage ? Le terme est peut-être mal choisi. Une rage assez contenue, il faut malheureusement le souligner. Au sein de la commission spéciale de bioéthique, quelques rares, trop rares députés comme Patrick Hetzel, Xavier Breton, Annie Genevard, Emmanuelle Mesnard ou Agnès Thill se battent comme des lions pour l’honneur de ne pas voir s’imposer dans le silence un nouvel ordre pseudo-humaniste bouleversant comme jamais l’ordre de la création.
Leur travail s’apparente à Sisyphe poussant son rocher. Leurs amendements sont systématiquement rejetés. Se déploie sous nos yeux un débat totalement pipé, dont l’issue est d’avance déjà connue.
Le rapporteur n’est autre que Coralie Dubost, qui ne porte pas le joli nom de son mari, Olivier Véran, ce qui lui permet de faire efficacement oublier à quel point elle agit aux ordres du gouvernement. Quant à Jean-Louis Touraine, le co-rapporteur de la loi, il aura enchaîné pendant les débats des propos tous plus honteux les uns que les autres, témoignant de la vision totalement corrompue de la dignité humaine qui animent les plus acharnés de La République En Marche. Qu’attendre d’un homme politique qui explique que « les principes éthiques sont variables dans le temps et l'espace » ?
De courageux députés se battent, mais ils sont terriblement isolés. Certains sont affublés de l’infâmant « sans étiquette », qui réduit drastiquement leur temps de parole, alors même qu’ils sont censés, comme les autres, être les représentants de la nation. Ils sont tout juste tolérés par le système. Quant à ceux qui parlent au sein d’un « grand » parti, LR pour ne pas le nommer, ce sont définitivement des électrons libres. La structure qui les encadre ne les soutient en aucune façon. Il n’y a pas de projet anthropologique cohérent derrière leurs prises de position, et le parti n’attend qu’une chose, c’est de pouvoir les désavouer par de petites phrases fielleuses dans un entrefilet de presse. Il faut que l’opinion publique enregistre bien que ce sont des ringards, qui n’ont rien compris à la marche du monde et qui ne sauraient, évidemment, refléter la ligne de progrès humain du parti.
Le débat est pipé, et nous tremblons, lundi, d’apprendre le résultat final du vote qui fera régresser un peu plus la France au nom de ce fameux progrès. Une lumière dans la nuit toutefois : le motif de « détresse psycho-sociale », fumeux concept qui était destiné à autoriser les IMG, ou interruption médicale de grossesse jusqu’au terme, c’est-à-dire, les infanticides, pourtant voté par la même Assemblée en juillet, n’est cette fois pas retenu. Mais c’est pour d’obscures raisons, bien peu recommandables, et il est difficile de se réjouir pleinement : le député Jean-François Eliaou, LREM, a en effet expliqué que l’accent mis sur la détresse psycho-sociale était inutile, puisqu’en l’état actuel de la loi c’était déjà le motif invoqué dans 25 % des cas sans que cela pose de problèmes. 1 bébé sur 4, potentiellement tué à quelques jours de sa naissance, pour un motif futile. Le scandale des IMG ainsi justifiées avait tout de même percé dans la presse généraliste, et ému les esprits. Il est probable que quelques députés se sont laissé toucher par l’émotion du public et sont revenus sur leur décision de juillet.
C’est bien là tout le problème. Une loi comme cette loi de bioéthique n’est aucunement votée en fonction de convictions profondes, d’une vision de l’homme, de la dignité de la personne, mais au gré d’effets d’opinion, par opportunisme pour nombre de députés, ou pire encore, bien sûr, par idéologie mortifère. Pouvons-nous espérer qu’un jour se lève une classe politique qui agisse pour le bien commun, en fonction d’impératifs moraux supérieurs ? En attendant ce miracle, gardons toute notre lucidité à l’égard de structures politiciennes qui sont incapables de défendre et de promouvoir une vision de l’homme en cohérence avec ce qui n’est pas négociable.
Constance Prazel