Le 23 février, démarre à Paris le 1er cycle de formation de "l'Université de la Vie". Fondée à l'initiative de l'Alliance pour les droits de la Vie (ADV), elle est proposée à ceux qui veulent agir autour d'eux au service de la vie.
DECRYPTAGE. — Pourquoi l'Alliance pour les droits de la Vie lance-t-elle ces cycles de formation ?
Tugdual DERVILLE. — Cette initiative répond à notre constat d'un besoin chez les personnes, notamment les chrétiens, qui désirent agir au service de la vie dans notre société. Les lois et les pratiques peuvent être en si grande contradiction avec leurs convictions sur la valeur de la vie qu'ils se sentent souvent hors jeu, impuissants, jusqu'à être parfois réduits à la protestation.
Protester, n'est-ce pas la seule chose qu'il reste à faire, à défaut de baisser les bras, par découragement ?
Heureusement non : la culture de vie est à construire ! Une dynamique exclusivement contestatrice risque d'être stérile. Il est vrai que les groupes de pression transgressifs (favorables à l'avortement, à l'utilisation des embryons pour la recherche, à l'euthanasie ou à la remise en cause des repères de la filiation) occupent de plus en plus les espaces de pouvoir : médias, culture et éducation d'abord, mais aussi, désormais pouvoir judiciaire et législatif... Ils sont ainsi devenus "répressifs". Et il nous faut apprendre à leur résister intelligemment.
Il est vrai que beaucoup de ceux que nous rencontrons aujourd'hui sont effectivement tentés par le découragement. Certains chrétiens se retirent du débat dans une attitude de rejet désengagé. D'autres acceptent des postes à responsabilités mais dans des lieux où ils savent qu'ils ne seront pas mis en demeure de renoncer à leurs convictions, ni d'ailleurs de les exprimer. Au risque, en cas de pression sociale, de céder sur l'essentiel.
Qui est concerné par le respect de la vie ?
Qu'on soit étudiant en médecine, sage-femme, magistrat, ingénieur, enseignant, parent d'élève, catéchiste, consommateur de biens ou de services, internaute... chacun se trouve régulièrement mis en demeure de choisir. Choisir de parler ou de se taire, choisir entre "vie et bonheur" ou "mort et malheur". Comme le note Jean Paul II dans l'Evangile de la vie, personne ne peut rester extérieur au débat.
Le choix de la vie est-il devenu si complexe qu'on doive s'y former ?
Comme le prédisait André Frossard, les errances contemporaines rendent parfois difficiles à démêler l'écheveau du bien et du mal. Comprendre ce que signifie respecter la vie a pu devenir complexe. La seule évocation de ce qui est désormais possible en matière de filiation avec les découvertes bioéthiques suffit, je pense, à illustrer cette remarque. Et nous recevons de plus en plus de questions. Elles émanent de soignants qui ont besoin d'éclairages éthiques ou de certains enseignants.
Vous adressez-vous essentiellement à ceux qui agissent dans le domaine de la santé ?
Les premiers inscrits viennent de tous horizons. Mais il est vrai que notre président, le docteur Xavier Mirabel, cancérologue, a noté que la formation éthique des soignants n'est pas à la hauteur de leurs performances techniques, ce qui entraîne chez beaucoup un sentiment de fragilité. Ils se sentent souvent isolés et peuvent être conduits vers de graves errances, sans forcément qu'ils aient eu le moyen d'anticiper. Un engrenage de microdécisions lourdes de conséquences a pu conduire à créer au sein d'institutions dont la vocation était de sauvegarder la vie, une "structure de péché" qui a l'effet inverse...
Quel type de formation proposez-vous ?
Nous allons nous appuyer sur notre expérience : nos équipes se réunissent chaque année depuis huit ans au cours d'une université d'été qui est devenue essentielle à l'efficacité de nos actions. Chaque mois, nous leur proposons aussi divers modes de formations théoriques ou opérationnelles. Nous réalisons des outils de formation : DVD, guides, argumentaires, ateliers, jeux de rôle... C'est cela, élaboré à usage interne, que nous voulons ouvrir plus largement. Et il y a aussi tous les témoignages que nous recevons et notre expérience de la consolation.
Dans le Bonheur blessé (CLD, 2005), vous évoquez largement l'expérience de la "consolation" : en quoi celle-ci marquera cette formation ?
Il s'agit de notre pratique quotidienne de l'aide aux femmes enceintes en difficulté, aux couples traversant l'épreuve de la stérilité, du handicap, des deuils anténataux ou postnataux, et aussi aux personnes vivant des dilemmes par rapport à l'acharnement thérapeutique ou à l'euthanasie, ou encore la catastrophe du suicide. Chaque situation nous fait appréhender une part de "la misère de notre peuple" à laquelle d'ailleurs aucun d'entre nous, dans sa vie personnelle, n'est finalement étranger. Et même s'il n'y a pas de recette miracle, nous voulons partager une façon très concrète d'aider nos contemporains à accueillir la vie.
En quoi l'enseignement de l'Église éclaire-t-il votre démarche ? Ne procure-t-il pas à sa manière des "recettes" ?
Notre spécificité est de concilier un regard aussi réaliste que possible sur ce que vivent les personnes et l'approfondissement du message chrétien à propos de la vie. Il ne s'agit pas là de concilier des contraires : nous ne cessons de découvrir à quel point le message de l'Église, pour peu qu'il soit annoncé de façon appropriée, rejoint en profondeur la soif des personnes, qu'elles soient ou non croyantes.
Que doit savoir une personne qui veut agir au service de la vie ? Vous devez certainement faire appel à un travail personnel de chaque participant...
La priorité est de commencer par approfondir sa compréhension de l'âme humaine : la sienne et celle de toute personne tentée par des actes de mort. Il faut aussi connaître les lois en vigueur, la façon dont elles sont appliquées. Par ailleurs nous voulons insister sur un aspect essentiel : rechercher la façon la plus juste de le dire. Nous avons rencontré beaucoup d'élus, accumulé des expériences contrastées (réussites ou désillusions) et travaillé les relations avec la presse : il n'y a pas de réponse toute faite, chacun ayant – selon son âge, son histoire, ses fonctions – des atouts différents pour s'exprimer.
C'est aussi pour cela que nous appelons chacun à un s'impliquer réellement, dans la mesure où nous avons comme objectif d'aider chaque inscrit à l'Université de la Vie à mieux valoriser ses atouts personnels. Nous commençons cette année avec un module général intitulé "La vie dans tous ses états", de cinq séances en soirée le jeudi, échelonnées sur cinq mois ; il constituera une base pour les modules d'approfondissement ou de spécialisation que nous développerons au semestre suivant. Et nous pourrons ainsi proposer des formations "à la carte".
Vous êtes appuyés par un certain nombre de personnalités. Quel est le sens d'un parrainage aussi prestigieux?
Ces encouragements, à commencer par celui du cardinal Philippe Barbarin, apportent bien sûr une forme de crédibilité à notre initiative en l'ouvrant au delà de notre seul mouvement. En ajoutant les compétences de ces amis qui ont accepté de manifester leur soutien à notre initiative, se dessine aussi notre état d'esprit, enraciné dans l'Église, ouvert à d'autres chrétiens, ancré dans l'expertise du monde médical, de la philosophie et de la présence auprès des plus pauvres : personnes handicapées, nourrissons, personnes malades... Ces personnalités sont également des témoins et des experts. Ils participeront, s'ils le souhaitent, au développement de cette Université. Nous souhaitons également donner beaucoup de place aux témoignages de personnes qui ont expérimenté dans leur chair ces drames qui rendent nécessaire accompagnement, aide ou consolation. Notre souhait est que l'Université de la Vie aide ses participants à devenir davantage "artisans de vie" autour d'eux.
*Tugdual Derville est délégué général de l'Alliance pour les droits de la Vie.
Propos recueillis par Philippe de Saint-Germain.
> Renseignements et inscriptions : www.universitedelavie.fr – Tel : 01 45 23 08 29
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