Source [Elements] : Quand les bourgeois progressistes – et les bourgeoises – s’intéressent aux banlieues de l’immigration, c’est toujours avec un angélisme condescendant. C’est le cas de la cinéaste Lola Quivoron venue présenter à Cannes son film, Rodéo. Quand un pot d’échappement exotique rencontre la sociologie bourdieusienne, cela donne un navet de plus dans la filmographie française contemporaine.
Déjà que, quand je vais voir un film qui me séduit a priori, je sors déçu de la salle neuf fois sur dix, je refuse de claquer quinze euros pour vérifier qu’un navet en est vraiment un. Bon, ces dernières années, ça m’est arrivé une fois, avec Grave ; je le regrette encore, tant ce machin, présenté comme un chef-d’œuvre d’une incroyable audace par l’ensemble de la critique, m’avait plongé dans un désarroi tenace. Qu’on me pardonne, mais je n’irai donc pas voir le Rodéo de Lola Quivoron. D’ailleurs, Grave était signé par Julia Ducournau. Lola, Julia, deux femmes… Vous voyez où je veux en venir.
J’en viens d’abord à ce que ce sont deux bourgeoises. Leurs prénoms le disent ; leurs interviews le trahissent jusqu’à la caricature. Pour comprendre, il faut partir de là. Car l’habitus est têtu. Et ce n’est pas Bourdieu qui dirait le contraire, lui le pourfendeur des héritiers mais dont, bizarrement, les fils sont de parfaits héritiers et qui enfanteront – si hélas ils se reproduisent – d’autres héritiers, chercheurs officiels, intellectuels organiques, artistes subversifs ou journalistes. Oui, en effet, l’individu est pour l’essentiel déterminé par son milieu. Et alors ? Qui irait reprocher à Proust d’être bourgeois ? La bourgeoisie eut sa grandeur, quand elle essayait d’imiter l’aristocratie, quand son goût était sûr, quand elle assumait son rôle – et le fait d’en avoir un, pour commencer – de classe supérieure – last but not least, elle était patriote. Le problème, ce n’est pas que les bourgeois héritent, en plus d’un « capital économique », d’un « capital culturel », mais quand leurs représentations les éloignent du reste de la société. Hippolyte Taine, bien sûr, prouve que la Révolution vient en premier lieu de ce que l’aristocratie ne comprenait plus rien au peuple ; Christopher Lasch, dès le milieu des années 90, annonçait la sécession de la bourgeoisie occidentale, abandon de poste intellectuel, matériel et moral vis-à-vis duquel le « populisme » peut être vu comme une réaction – juste et un peu désespérée – des classes populaires. Louis XIII savait mieux la vie de ses sujets les plus modestes qu’une journaliste de BFM ne connaît celle des femmes de ménage – à cet égard, bien sûr, on se souviendra longtemps des interviews de Gilets jaunes par les « envoyés spéciaux » sur les ronds-points qui découvraient cette étrange humanité vivant avec mille euros par mois.
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