Le projet de révision des lois bioéthiques de 1994 sera discuté en deuxième lecture à l'Assemblée nationale les 9 et 10 décembre prochains. Les députés débattront de la recherche sur l'embryon, le don d'organes, le clonage et le brevetage du vivant.

Les choix qui seront faits à cette occasion auront des conséquences considérables. Il importe que les choix effectués puissent recevoir l'éclairage scientifique et éthique propre à dissiper les effets de mode et les intérêts financiers qui ne sont pas réellement au bénéfice des patients.

En premier lieu, force est d'observer que l'autorisation d'effectuer des recherches sur les embryons surnuméraires — qui va constituer la principale modification de la loi bioéthique de 1994 — n'est appuyée d'aucune justification scientifique. Alors qu'il existe une méthode alternative reconnue, les cellules souches circulant chez l'adulte, il paraît exorbitant que la loi française envisage une disponibilité globale de ces embryons humains pour la recherche, sans même qu'aucune donnée chiffrée soit fournie sur le nombre des embryons existants et sur celui de ceux qui seront détruits.

Cette imprécision est d'autant plus fâcheuse qu'un amendement introduit depuis le vote du Sénat permettrait non seulement de disposer pour la recherche des embryons " en stock " à la promulgation de la loi, mais aussi de créer " du flux " avec la possibilité de disposer des embryons surnuméraires à venir. Ceci reviendrait à créer des embryons pour la recherche.

Par ailleurs, il faut relever que le dispositif répressif envisagé n'interdit pas la conception in vitro d'embryons humains à des fins thérapeutiques. Cette lacune permettrait donc de concevoir des embryons puis de les soumettre au diagnostic pré implantatoire (DPI) dans le but de sélectionner celui qui serait compatible avec une greffe cellulaire. Il s'agirait alors de constituer un " bébé-médicament ", en acceptant délibérément l'élimination des autres embryons, en bonne santé, mais incompatibles avec la greffe.

En second lieu, s'il faut se réjouir que la loi s'apprête à condamner toute forme de clonage humain, il est toutefois incompréhensible que la fabrication d'embryons humains par clonage puis la destruction de ces embryons à des fins industrielles, commerciales, de recherche ou thérapeutiques ne fassent l'objet que d'une simple interdiction, faiblement réprimée, dans le code de la santé publique. Autant dire qu'à l'encontre de firmes qui trouveront dans l'usage du clonage humain, en toxicologie, une alternative financièrement intéressante à l'expérimentation animale, la dissuasion ne sera pas suffisante.

Enfin, après l'échec récent du vote à l'ONU sur la convention internationale contre le clonage humain, la position de la France apparaît confuse. La voix de la France était sans doute la seule capable de dénoncer avec justesse la collusion du scientisme et du marché au détriment des pays les plus démunis. Dès lors comment comprendre le double langage de notre pays consistant à condamner tout clonage en interne et à se ranger, sur la scène internationale, dans le camp de ceux qui se livrent déjà à la transgression du clonage ?

Bioéthique : les textes de référence

Source : www.genethique.org

En 1994, les premières lois sur la bioéthique sont votées (cf. loi 94-654). Il est alors prévu qu'elles soient révisées 5 ans plus tard, en 1999.

Le Comité Consultatif National d'Ethique (CCNE) donne, en 1998, un premier avis sur la révision de ces lois (cf. avis n°60). Cette révision ne sera abordée que deux ans plus tard à partir de 2001. C'est pourquoi le CCNE émet un second avis cette année là (cf. avis n°67).

Entre temps, MM. Claeys et Huriet de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques publiaient deux rapports : le premier sur l'application de la loi 94-654 de 1994, le second sur le clonage, la thérapie cellulaire et l'utilisation thérapeutique des cellules souches.

Enfin en juin 2001, le projet de loi du gouvernement était déposé à l'Assemblée nationale. Une Commission spéciale de l'Assemblée l'a analysé et en a donné un rapport. C'est sur ce rapport que les députés ont discuté. Le projet de loi sur la bioéthique a été adopté le 22 janvier 2002 en première lecture, par la majorité des députés : 325 voix pour, 21 contre et 151 abstentions.

En raison du calendrier électoral (élections présidentielles et législatives) le projet de loi n'a été adopté par le Sénat que le 31 janvier 2003 à 196 voix contre 107 et 12 abstentions. Il est de nouveau examiné par l'Assemblée nationale (renouvelée), en deuxième lecture, en décembre 2003.

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