En ouvrant la voie à une possible dépénalisation du suicide médicalement assisté en France, le rapport sur la fin de vie qu’a remis le professeur Didier Sicard au chef de l’État le 18 décembre dernier remet radicalement en cause nos principes juridiques et éthiques de protection de la vie des malades.
La loi sur la fin de vie actuellement en vigueur et le code de déontologie médicale guident les professionnels de santé à l’aide d’un repère fondamental extrêmement clair : le refus de tout geste qui provoquerait intentionnellement la mort du malade. Toutes les formes d’administration intentionnelle de la mort, directes ou indirectes, sont interdites par la législation française.
Le CCNE saisi par François Hollande
En visant les « personnes atteintes d’une maladie évolutive et incurable au stade terminal » pour lesquelles pourrait être accordée une « assistance au suicide en cas de demande libre et éclairée », le Pr Sicard dynamite l’ultime garde-fou de notre édifice juridique en matière de respect de la vie humaine, alors même qu’il récuse dans le même temps toute volonté de légalisation de l’euthanasie sur le modèle des États du Benelux.
La proposition choc de la commission présidentielle de réflexion sur la fin de vie a été immédiatement saluée par François Hollande, qui, saisissant la balle au bond, a demandé au Comité consultatif national d’éthique (CCNE) de réfléchir aux modalités à prévoir pour « permettre à un malade autonome d’être assisté dans sa volonté de mettre lui-même un terme à sa vie [1]» et annoncé qu’un projet de loi serait présenté au Parlement dès le mois de juin.
Marisol Touraine, en charge au gouvernement du portefeuille de la Santé et des affaires sociales, a tenu à faire part de sa satisfaction devant ce qu’elle considère de la part de l’Élysée comme étant « un pas très important, une brèche, en tout cas un pas en avant ». L’avis du CCNE est quant lui attendu courant avril.
Suicide assisté : une nouvelle forme d’euthanasie
Le modèle qui inspire la réflexion du rapport Sicard est la procédure autorisée depuis 1997 dans l’État américain de l’Oregon, imitée aujourd’hui par celui du Montana et la ville de Washington, où le malade en fin de vie peut obtenir de son médecin l’ordonnance d’un produit létal qu’il s’auto-administre à domicile au moment où il le souhaite.
Pour légitimer sa proposition, l’ancien président du CCNE donne l’impression dans son rapport que le suicide médicalement assisté où c’est le malade qui se donne la mort et non le médecin qui l’achève ne relève pas de la catégorie de l’euthanasie. Le bienheureux Jean-Paul II avait mis en garde contre ce distinguo artificiel entre assistance au suicide et euthanasie qui ne dédouane aucunement le médecin de la gravité de son geste :
« Partager l’intention suicidaire d’une autre personne et l’aider à la réaliser par ce qu’on appelle le suicide assisté signifie que l’on se fait collaborateur d’une injustice qui ne peut jamais être justifiée [2]. »
Le suicide médicalement assisté n’est qu’une modalité particulière de l’euthanasie où l’action posée par le médecin – fournir des produits létaux à son malade – se rapporte à la même intention criminelle de précipiter sa mort. Peu importe que le professionnel de santé n’accomplisse pas lui-même le geste fatal, il aura été celui sans le concours duquel le malade n’aurait pas pu supprimer sa vie.
Abus frauduleux de faiblesse
Ce raisonnement moral n’est pas l’apanage du seul enseignement de l’Église, on le retrouve également dans notre droit pour lequel le fait de porter assistance à celui qui souhaite mettre fin à ses jours est passible de poursuites.
Aujourd’hui, le médecin qui procurerait des substances mortelles à un patient qui lui en ferait la demande serait condamné pour les délits d’empoisonnement ou de non assistance à personne en danger, avec la circonstance aggravante d’abus frauduleux de faiblesse en raison de la situation de fragilité d’un malade en fin de vie.
Légaliser le suicide assisté, c’est aussi signifier de manière totalement incohérente à un médecin qu’il devra dans la même journée réanimer une personne qui s’est suicidée (mais jusqu’à quand ?) et procurer à un autre les moyens d’y parvenir.
Le suicide sur ordonnance fait la part belle à une conception subjectiviste et relativiste de l’homme où l’hypertrophie de la volonté individuelle vient aliéner le principe d’inviolabilité de la vie humaine. Dans son essence la plus profonde, cette proposition traduit un peu plus notre refus de tout ce qui pourrait rappeler l’existence d’un bien moral et universel. Il en résulte une incapacité inquiétante à justifier le maintien d’un des principes millénaires de notre civilisation : l’interdit de tuer.
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[1] Communiqué de presse de l’Elysée, 18 décembre 2012.
[2] Jean-Paul II, Evangelium vitae, 25 mars 1995, n. 66.
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