Source [Le Salon Beige] Et en France, les catholiques votent Emmanuel Macron...
En un an, le vice-président du Conseil et ministre de l’Intérieur italien Matteo Salvini est passé de 12% de l’électorat catholique à 27%, devenant le premier parti chez les pratiquants. Salvini montre que les catholiques ne sont pas là pour juger un politique sur sa pratique personnelle de la foi, mais sur ses actes politiques :
[…] Éloquents, ces chiffres témoignent d’un basculement sociologique et idéologique : à la veille des européennes, 27% des Italiens qui disent aller presque tous les dimanches à la messe se déclaraient électeurs de la Lega de Salvini (contre seulement 4% en 2013 et 12% en 2018 !). 24% ont voté pour le Parti démocrate (centre-gauche), 17% pour le Mouvement cinq étoiles (M5S) et 12% pour Forza Italia, le parti en déclin de Silvio Berlusconi. Dans un article de La Reppublica, le politologue Ilvo Diamanti analyse longuement ces chiffres. Pendant que le vote catholique leghiste décollait, l’adhésion des catholiques à la gauche refluait légèrement, sans doute en raison du vieillissement démographique de cette catégorie sociologique. Beaucoup s’étonneront du fait que les catholiques plébiscitent un homme politique ouvertement opposé aux sermons du Pape François sur l’accueil des migrants et un parti de centre-gauche (PD) dont certains représentants plaident régulièrement pour le retrait des crucifix des écoles et cimetières, afin de n’offenser aucun nouveau-venu. Or, si les symboles sont importants – Salvini embrasse ostensiblement la croix de son chapelet, invoque la protection de la Vierge Marie, défend la présence des croix dans les écoles et affiche une icône christique dans sa bibliothèque – le ministre de l’Intérieur accompagne une véritable mutation anthropologique. En bigot qui ne va jamais à la messe, Salvini est un chrétien identitaire qui sait jouer sur du velours, appuyant son conservatisme moral sur des signes forts (rétablissement de la notion de père et mère sur les actes d’état-civil, le soutien à des colloques pro-vie…) tout en maintenant une – relative – fermeté sur l’immigration. C’est parce que la société transalpine incarne le « catholicisme zombie » qu’Emmanuel Todd et Hervé Le Bras avaient théorisé que son ministre de l’Intérieur peut se permettre de brandir les valeurs chrétiennes contre les positions d’une grande partie du clergé, très engagée dans le travail humanitaire en direction des migrants.
[…] Dans les anciens bastions de la DC [Démocratie chrétienne], dont l’emblème était un bouclier orné d’une croix, au Nord-Est, la Lega a pulvérisé tous ses records aux européennes : 49.9% en Vénétie, 42.6% dans le Frioul-Vénétie julienne ! Sur ces terres de petites villes et de petites entreprises, le programme leghiste anti-immigrationniste et favorable à une flat tax au taux unique de 15% a trouvé bon entendeur. Notons au passage que ces deux régions particulièrement prospères sont dirigées par des gouverneurs de la Lega, à l’instar de la Lombardie, fief historique de l’ancien parti sécessionniste. Un tel décollage électoral semble confirmer les thèses du sociologue Giovvani Orsina : comme Berlusconi il y a vingt-cinq ans, Salvini investit le terrain déserté par la dérive sinistrogyne d’une démocratie chrétienne ayant gouverné à gauche (Aldo Moro allant jusqu’à proposer un « compromis historique » aux communistes, ce qui lui coûtera la vie) alors que sa base se droitisait.
Fort de son capital politique, Matteo Salvini n’aime rien tant que jouer les hommes ordinaires qui gouvernent au nom de la « révolution du bon sens », quitte à aller voter en maillot de l’équipe national italienne comme le ferait n’importe quel natio-beauf. En direction des catholiques, il joue simultanément sur plusieurs tableaux. Prenons le dossier de l’immigration clandestine, le nerf de sa guerre contre Bruxelles, la bourgeoisie « radical-chic » et les donneurs de leçon à la Macron. Au lieu de partir bille en tête contre le Pape François comme le premier Zemmour venu, Salvini ménage le pontife en prétendant suivre ses préceptes : sauver des vies « avec fierté et esprit chrétien »… grâce à la baisse de 90% du nombre de débarquements de migrants. « Je le dis au Pape, en Méditerranée je réponds par des actes, pas par des mots », a déclaré le Capitano le 18 mai. Quelques semaines plus tard, le ministre mettait encore un peu plus d’eau dans son vin. Le 7 juin, sur ordre du ministère de l’Intérieur, le port sicilien de Pozzallo a laissé débarquer le remorqueur Asso 25 avec à son bord soixante-deux migrants africains secourus au large de Malte. Partis de Libye, ces soixante hommes et deux femmes s’ajoutent au millier de migrants que l’Italie a dû accueillir en mai. En vingt-quatre heures, 700 migrants ont quitté les côtes libyennes vers l’Italie… Du jamais vu depuis plus d’un an ! A la multiplication des embarcations clandestines, Salvini répond par la carotte et le bâton. Une carotte inattendue : alors qu’il proclamait auparavant ses ports fermés aux migrants, le numéro deux du gouvernement a consenti à laisser débarquer les migrants recueillis à quai par les centres sociaux de la conférence des évêques. Le champion de la croisade anti-immigration s’est même payé le luxe de remercier l’épiscopat italien, précisant que de nombreux prêtres lui expriment (discrètement) leur soutien. En guise de bâton, vient d’être promulgué un décret sécurité-bis qui punit jusqu’à 50 000 euros d’amende chaque navire transportant des immigrés illégaux. […]
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