Source [Causeur] : Les éditions Gallimard, on le sait bien, publient depuis 2019 avec succès de petits livrets appelés « Tracts ». Cette collection a pour vocation d’accueillir des « essais en prise avec leur temps mais riches de la distance propre à leur singularité (!) » (Antoine Galllimard). Ces tracts sont censés rappeler ceux de la NRF qui parurent dans les années 1930 et qui furent signés par André Gide, Jules Romains, Thomas Mann ou Jean Giono… Le n°49, dont il sera question ici, rassemble 18 linguistes de France et d’ailleurs.
Ce collectif de 18 linguistes a donc rédigé un tract intitulé Le français va très bien, merci. De courts chapitres suivis d’une bibliographie conséquente se succèdent par thèmes. Nous en choisirons quelques-uns à défaut de pouvoir tous les traiter. Ce collectif annonce la couleur : le discours catastrophiste sur la langue française n’a pas de raison d’être. Les scientifiques qu’ils sont s’opposent aux puristes dont le nom dévalorise déjà la pensée. Pour commencer, « le français n’appartient pas à la France », puisque 300 millions de personnes dans le monde le pratiquent, et il est même ajouté que « l’avenir du français comme langue planétaire se joue en Afrique. » Il est tout de même curieux que, sous prétexte que tant d’autres le parlent, le français ne serait pas une spécificité de la France dont il porte le nom… Ce qui n’empêche en aucun cas ceux qui le parlent ailleurs de contribuer à son évolution. L’un n’empêche absolument pas l’autre. Puis, il est affirmé qu’en aucun cas l’anglais (ou le franglais) n’envahirait la langue française. On peut s’étonner d’un tel déni (j’entends régulièrement des gens de 20 à 40 ans s’exprimer dans un franglais qui m’est parfaitement incompréhensible), et on pourrait faire remarquer que dès lors que l’américanisation de l’Europe bat son plein, la langue naturellement suit…
Les dictées au bûcher !
Nos linguistes s’en prennent ensuite à la dictée et prônent l’étude scientifique de la grammaire : « Si on rattachait l’enseignement de la grammaire au raisonnement scientifique, pour ne plus réduire celle-ci à un apprentissage par cœur de règles arbitraires et ennuyeuses. » D’abord, l’exercice de la dictée n’empêche en aucun cas celui de la grammaire, et, ensuite, j’invite les « linguistes atterrées » à venir assister à un cours de grammaire ! Le temps des règles arbitraires et ennuyeuses comme ils disent est parfaitement révolu. Professeur de français à la retraite, j’ai toujours eu grand plaisir à en faire dans l’esprit de la logique ; donc de la compréhension ! Et un gamin qui comprend quelque chose qu’il ne comprenait pas cinq minutes avant, et la joie qu’il en éprouve, sont des moments de grâce, chers atterrés. Je me souviens en particulier d’un cours de grammaire portant sur la transformation de la voix active en voix passive. Les élèves présents étaient des élèves dits en difficulté et qui « avaient peur de comprendre ». C’était comme se lancer dans le vide et ils s’accrochaient à leur « j’y comprends rien » comme à un bastingage !
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